Par Mohamed DAMMAK Imaginons un schéma pyramidal, à sa base figure un socle de valeurs et à son sommet se situent des finalités à atteindre. Si l'on adoptait le chemin à parcourir dans le cadre de ce schéma, cela nécessiterait une obligation à partager les valeurs de la base et un engagement à réaliser le maximum de ses finalités. Appliquons l'adoption de ce schéma pour l'émergence d'une deuxième République, partant des acquis de notre Révolution du 14 janvier 2011. Pour ce faire, s'impose la condition d'obligation de rester fidèle à l'ensemble des valeurs partagées de la révolution et l'engagement à construire ensemble une deuxième République libre et démocratique. Une feuille de route s'impose également. Comment peut-on saisir sa traçabilité. Trois axes majeurs pourraient nous proposer une visibilité de ce qu'il y a lieu de faire : • Certains points au préalable. • Une phase transitoire. • Une phase constituante. Au préalable Le partage des valeurs de la révolution s'accorde avec le sens qu'on donne à sa signification. A la quasi-unanimité de ses acteurs, sa nature est fondamentalement spontanée, sociale et non idéologisée. Elle est porteuse d'une aspiration à une dignité citoyenne, à une démocratie réelle et à une liberté essentielle. Ce partage est conditionné par l'obligation de rompre totalement avec les constitutifs du dispositif politique de l'ancien régime du président déchu. Or, il se trouve que jusque-là, cette rupture s'opère à une vitesse lente parce qu'elle a été partielle. Ce caractère lent et partiel de cette rupture est contrôlé par une main-mise de l'ancien régime à double composante stratégique. La première (plan A) est apparente et elle est menée par les personnalités politiques (le président et le Premier ministre provisoires) et leurs subalternes à des niveaux multiples de gouvernance politique. La seconde (plan B) est sous-jacente et elle se prépare pour succéder et remplacer la première. Cette deuxième stratégie se planifie par d'autres membres de l'ancien régime qui sont en train de créer un parti néo-destourien et de préparer un régime politico-militaire, assisté par les Américains et probablement avec l'alliance des Européens. La raison est double également. Faire face à l'éventualité de l'émergence d'un régime "islamiste terroriste", et accorder juste la dose de démocratie qu'il faut à un peuple dont l'état d'esprit, selon les régimes occidentaux, reste encore incompatible avec le partage des valeurs de dignité, de démocratie et de liberté. L'analyse sommaire, qu'on vient d'opérer à ces deux stratégies, traduit effectivement une absence de confiance manifeste dans le processus politique, tel que conduit par le gouvernement provisoire actuel qui, depuis sa composition avec les trois comités, n'arrête pas de commettre des erreurs graves sur le double plan politique et informationnel. La dernière concerne le dossier relatif à la découverte de sommes colossales de liquidités (dinars et devises) et de bijoux dans les locaux de la présidence, menée par le comité d'investigation des affaires de corruption et d'abus. Ce comité vient de mener une enquête illégale, portant atteinte au principe de séparation du pouvoir judiciaire et au vrai rôle des juges d'instruction. Il est tout à fait possible de démentir l'analyse qu'on vient de faire en appuyant le rôle que devrait jouer l'actuel gouvernement provisoire. Mais à condition que ce gouvernement et ceux qui le soutiennent acceptent de s'aligner à la concrétisation des points suivants revendiqués par les citoyens libres tunisiens et exigés par le partage des valeurs de la révolution pour laquelle ses géniteurs ont dû donner leur vie, leur jeunesse et leur sang. Phase transitoire Le gouvernement provisoire est tenu d'administrer et de gérer strictement les affaires publiques courantes d'une manière transparente, rigoureuse et animée d'un professionnalisme politique et informationnel qui se respecte, portant sur : - Le soutien matériel et moral des chômeurs de longue durée et des familles nécessiteuses, notamment dans les régions de l'intérieur et du sud. - La création d'entreprises et d'emplois dans les régions prioritaires à taux de chômage élevé. - La titularisation des employés en exercice depuis une longue période. - La dissolution des trois comités et leur remplacement, respectivement, par un comité émanent de l'Association des juges tunisiens et des représentants de la société civile, sous la tutelle du ministère de la Justice et par un conseil supérieur de la protection nationale dont la composition sera formée par des représentants de la société civile. Ce dernier sera chargé principalement du contrôle du processus politique provisoire. - L'exercice libre des partis politiques en dehors de la sphère du gouvernement provisoire. Phase constituante Elle prépare aux élections législatives et présidentielle. Ses missions porteront sur : 1. La dissolution définitive du RCD, des Chambres des députés et des conseillers. 2. La révision du code électoral et du code de presse. 3. L'élection des membres de l'Assemblée constituante. Alors, l'Assemblée constituante élue jouera deux rôles. Le premier est d'ordre politique. Il consiste à assurer le contrôle du pouvoir exécutif, dissoudre la présidence et le gouvernement provisoires de la phase transitoire et le remplacer par un gouvernement représentatif de la révolution, opérant ainsi une rupture totale avec l'ancien régime. Quant au second, il est d'ordre législatif. Il engage la révision de la Constitution, prépare et contrôle les élections législatives et présidentielles. Vraisemblablement, cette feuille de route, en aliénant le gouvernement provisoire et toutes les composantes de notre peuple, nous ouvrira la voie pour bâtir, sans assistance étrangère et pour la première fois depuis l'indépendance de notre pays, une deuxième République, combinant fidélité aux valeurs de notre révolution et engagement à sa construction. Par ailleurs, tout en étant maîtres de nos actes et ouverts à toutes formes de coopération avec le reste du monde et notamment l'Union européenne, nous devons nous préparer à nous habituer à repenser nos politiques de développement avec nos partenaires étrangers sans ingérence. * Universitaire