Samedi 26 février 2011, les riverains de la rue Mokhtar-Attia ont vécu une journée d'enfer ! Cette rue, perpendiculaire à l'avenue de Paris, est connue pour la très grande fréquentation de ses boutiques, ses cafés et ses restaurants par les Tunisois et surtout les fonctionnaires entre midi et 14 heures. M. Mohammed Ali M'rad et son épouse, tous deux propriétaires d'un restaurant dans cette rue, confient : «Samedi dernier, c'était la panique générale. On est restés acculés et cloîtrés dans notre local. On n'arrivait pas à rentrer chez nous. C'était l'enfer ! Grâce à Dieu on l'a échappé belle. Starna Rabbi (Le Bon Dieu nous a protégés) ! Hélas, plusieurs de nos voisins ont subi la loi de la casse et du vandalisme perpétrés par des pillards irresponsables». En faisant un petit tour hier dans la rue, une boutique de prêt-à-porter pour hommes, donnant sur l'avenue de Paris, présentait une vitrine vide en débris. D'autre part, et juste en face, plusieurs artisans (forgerons et serruriers) étaient à pied d'œuvre en train d'équiper les façades de quelques boutiques par des portails en fer forgé. Un de ces artisans nous explique : «Depuis le 13 janvier 2011, les demandes pour sécuriser les boutiques en fenêtres et portes métalliques ont nettement augmenté. Il faut dire qu'avec l'insécurité qui règne dans le pays, les commerçants ne font plus confiance aux systèmes d'alarme. Les protections en fer forgé et les portes métalliques renforcées sont plus sûres contre les actes de pillage». Certes, la vie a repris son cours, mais les commerçants restent en état d'alerte maximale. L'un d'eux a déclaré sous le sceau de l'anonymat : «Décidément, toutes les réparations qu'on est en train de faire sont payées à partir de notre caisse. Il n'y a aucune garantie que mon assureur va me rembourser un jour. Je suggère à l'Etat de mettre en place un fonds spécial pour faire face à ces dommages matériels ou attribuer des prêts sans intérêts afin de venir en aide aux commerçants victimes de ces débordements». Contactée par téléphone, Mme Insaf Hedda-Dziri, agent général des assurances Astrée et Maghrebia à Tunis, livre l'éclairage suivant : «Concernant les actes de pillages et de vandalisme, les dossiers sont encore en cours d'étude. Plusieurs de nos clients victimes de ces actes nous ont contactés. On a envoyé des experts pour prendre des clichés des dégâts enregistrés. Ensuite, l'assuré est prié d'effectuer les réparations. Après l'accomplissement des réparations, on dépêche de nouveau notre expert pour photographier le local. Puis, l'expert va nous remettre son rapport. Et par la suite l'assurance examinera le dossier. Cela prend du temps». Seulement 20 à 25% des assurés possèdent l'extension de garantie «émeutes et mouvements populaires» De son côté, M. Fadhli Ben Abdallah, cadre aux Assurances Astree et chargé du dossier des indemnisations, a déclaré : «Les assurés doivent souscrire une extension de garantie d'émeutes et mouvements populaires dans les conditions particulières du fait que toutes les conditions générales des contrats de base les excluent». Or selon M. Brahim Kobbi (ancien délégué de la Ftusa et consultant en assurance) écrit dans un article publié le 11/02/2011 sur La Presse : «Plusieurs assurés n'ont pas cette extension de garantie. Seulement 20 à 25% des assurés sont couverts pour les dommages résultant des émeutes et mouvements populaires. Enfin, outre la franchise, cette extension de garantie est obligatoirement limitée au moins à 20 % des capitaux assurés. Elle pourrait être évidemment fixée à un pourcentage plus élevé». Toujours selon lui, la Fédération tunisienne des sociétés d'assurances a qualifié, par communiqué daté du 24 janvier 2011, les actes de pillages et de vandalisme subis dernièrement par les commerçants et les petites et moyennes entreprises d'événements d'émeutes et mouvements populaires. Dans ce communiqué, on lit notamment : «La Fédération tunisienne des sociétés d'assurances informe tous les assurés ayant subi des dommages suite aux événements survenus dernièrement dans certaines régions de la Tunisie et ayant souscrit des contrats d'assurances qui couvrent la garantie “émeutes et de mouvements populaires”, que les entreprises d'assurances ont commencé à prendre les mesures nécessaires pour indemniser les ayants droit dans les plus brefs délais sur la base des évaluations des dommages effectuées par les experts, et ce, conformément aux dispositions du contrat». Il semble que cette position est arrêtée suite à une recommandation du Comité général des assurances (CGA) adressée à la Ftusa par lettre en date du 20 janvier 2011. La Ftusa persiste et continue, dans une déclaration au journal La Presse en date du 8 février 2011 (voir page 3), à qualifier les événements d'émeutes et mouvements en se basant sur deux annexes I et I bis. Or, ces deux annexes ne s'appliquent que lorsque les conditions suivantes sont réunies : les événements sont qualifiés d'émeutes et mouvements populaires. La qualification faite par la Ftusa et le CGA n'est pas opposable aux assurés qui ont le droit de demander une indemnisation judiciaire en cas de litige. Actuellement, seuls les tribunaux sont compétents pour qualifier ces événements et pour statuer sur les différends nés des contrats d'assurances. Assurément, à l'en croire, entre 75 et 80 % des assurés tunisiens verront leurs dossiers d'expertise classés par les assureurs faute de ne pas avoir souscrit à cette fameuse garantie «émeutes et mouvements populaires». Bonjour les dégâts !