Par Mhamed GAIED Des trois commissions créées après le 14 janvier 2011, celle de la réforme politique est, de l'avis de plusieurs observateurs et de citoyens, celle qui a le rôle le plus délicat et le plus important à jouer dans la période post-révolutionnaire. En effet, c'est elle qui déterminera la voie à suivre, qui nous mènera à un Etat de droit, démocratique et laïque. Il y va de notre futur, de celui de nos enfants et de celui des générations à venir. Le gouvernement provisoire et la commission ont opté pour l'élection d'une Assemblée constituante en juillet prochain. Tout baigne dans l'huile, puisque c'est ce que la majorité des Tunisiens veut. Un pas dans la bonne direction. La commission se penche maintenant sur l'élaboration du code électoral qui va nous permettre d'élire cette Assemblée constituante. Une tâche de très grande importance, qui va nous placer ainsi que la commission, encore une fois, devant des choix importants. En effet, quel mode de scrutin allons-nous choisir pour nos élections ? Un scrutin majoritaire uninominal ou plurinominal ? A majorité absolue ou relative ? Ou un scrutin de listes majoritaires, ou un vote préférentiel ? Certains diront que la façon de voter importe peu, l'essentiel est de voter et c'est tout. Grande erreur de jugement ! Rappelez-vous le scrutin de listes majoritaires, par exemple, qui a été utilisé au cours des élections de la première Assemblée constituante de mars 1956, et qui a donné une Assemblée constituante à 100% destourienne. Le président Bourguiba a choisi ce type de vote pour imposer la liste de son parti et barrer ainsi la route aux youssefistes. Le vote par listes bloquées a été aussi pratiqué tout au long du régime de Ben Ali, pour permettre au RCD de dominer le paysage politique. Heureusement que dans notre situation politique actuelle , ce type de vote n'est même pas à considérer. Nous faut-il alors un scrutin proportionnel à vote préférentiel comme pratiqué en Suède, au Danemark et en Italie, et qui présente l'avantage d'être plus démocratique et de permettre une représentation plus fidèle à la réalité politique du pays ? Ou opterions-nous pour un scrutin majoritaire uninominal à majorité absolue ou relative à la française ? Un choix difficile à faire. Si nous regardons le paysage politique actuel de notre pays, nous trouvons que les partis de l'ex-«opposition»,continuent d'exister et ont même pignon sur rue. Ils essaient de rester en surface après le tsunami du 14 janvier. Quelle est leur chance de réussite dans les prochaines élections ? Combien de militants vont-ils mobiliser ? Peut-être pas beaucoup à cause de leur soumission au régime déchu, qui a affecté leur crédibilité auprès de la masse électorale. Nous trouvons aussi une myriade de petits partis, récemment créés, peu structurés et manquant d'expérience. Leur chance de peser sur les élections reste limitée. Et nous avons enfin les partis qui étaient interdits et qui ont retrouvé leur légalité. Ces partis, même s'ils étaient officiellement en veilleuse pendant de longues années, ont gardé une organisation efficace et une popularité auprès d'un certain électorat. Il est évident que le règne sans partage du RCD, pendant de longues années, a fait qu'à sa disparition, il a laissé un grand vide politique, qui pourrait avantager cette dernière catégorie de partis. Pou revenir au scrutin, il apparaît évident que les choix vont se faire au niveau des personnes et non au niveau des partis, même si ces personnes appartiennent à des partis. Le scrutin que nous proposera la Commission de réforme politique doit tenir compte des aspirations du peuple tunisien. Un type de scrutin qui donnera aux électeurs la possibilité de choisir la personne qui les représentera le mieux. D'après l'avis des spécialistes en la matière, un consensus semble déjà dégagé : c'est le scrutin uninominal à un ou deux tours(majorité relative ou majorité absolue). Un tour si on veut gagner du temps et économiser des moyens. Deux, si on cherche une sélection plus représentative. Souhaitons bonne chance à tous les partis politiques qui s'aligneront sur la ligne de depart, ainsi qu'à ceux qui ne sont pas membres d'un parti, et qui souhaitent se présenter en candidats indépendants. Notre pays vit actuellement une situation exceptionnelle. Ceux qui ont fait cette révolution ne veulent plus voir un parti dominer la scène politique, mais l'instauration d'une pluralité de partis, seule garantie d'une vraie démocratie. Nous osons espérer que la prochaine élection de l'Assemblée constituante sera l'occasion de montrer au monde que nous sommes un peuple digne de sa propre révolution. Un peuple qui sentira, contrairement au passé, que son vote sert maintenant à quelque chose. * (Diplomate )