Suspendre le paiement de 577 millions d'euros, soit 1.120 millions de dinars, vaut mieux que de contracter de nouveaux emprunts qui aggraveront l'endettement de la Tunisie. C'est le message de la campagne pour exiger la suspension du remboursement de la dette publique extérieure tunisienne, objet de la conférence de presse tenue, hier, à Tunis, par le Rassemblement pour une alternative internationale de développement (Raid). "Cela ne nuira en rien aux créanciers de la Tunisie, par contre payer cette somme ne fera qu'aggraver la situation du peuple tunisien", a déclaré le porte-parole de l'association, M. Fathi Chemkhi. En effet, en cette étape critique, la Tunisie a besoin de mobiliser, de toute urgence, toutes ses ressources financières, afin de faire face aux nécessités de la situation actuelle, notamment la lutte contre la pauvreté, l'indemnisation et l'embauche des chômeurs, le développement régional. Allocation biaisée des ressources La dette n'est pas neutre. C'est un levier de domination politique, sociale et économique. Durant deux décennies, les organismes internationaux ont préservé leurs intérêts et ceux de leurs vis-à-vis, le clan Ben Ali, au détriment du peuple. "Ils ont financé généreusement Ben Ali et non pas le peuple tunisien", a précisé le conférencier. D'ailleurs, une part importante de la dette publique extérieure de la Tunisie est une dette privée de l'ancien président. Bon élève, la Tunisie, en remboursant ses dettes à temps, s'est transformée en fournisseur de capitaux du Nord. C'est un bon placement pour les bailleurs de fonds. Après la suspension, une deuxième étape d'audit sera annoncée. L'orateur a plaidé pour un audit populaire de la dette publique extérieure afin de déterminer la part des fonds servis, réellement, au peuple tunisien. Il est même possible de revendiquer une indemnisation des préjudices causés à la population par l'allocation biaisée de ces ressources. Cette demande, a-t-il ajouté, se fonde sur l'argument judiciaire de l'état de nécessité qui permet aux Etats se trouvant dans des difficultés financières de suspendre unilatéralement le paiement de leurs dettes pour donner la priorité aux besoins de la population. L'histoire a montré que d'autres pays qui ont renoncé au paiement de leurs dettes, comme l'Argentine, ont pu relancer leurs économies en valorisant leurs ressources financières. En guise de réponse à la question de la presse portant sur la réticence des bailleurs de fonds, M. Chemkhi a précisé que ces institutions considèrent la Tunisie comme "la vache à lait" et que leur souci majeur est la fructification de leurs fonds. Il a ajouté‑: "Nous ne voulons pas rompre avec le recours aux crédits, mais on doit déterminer, souverainement, la nature du crédit et son affectation", a ajouté l'orateur. L'un des intervenants a relevé la barre plus haut en dénigrant toute légitimité à la BCT pour se prononcer sur le règlement de la dette. Les lois et les dispositions budgétaires votées par les anciennes structures sont caduques, a-t-il expliqué. Le message adressé aux créanciers "Vous avez jouez et vous avez perdu" a enthousiasmé le public de la salle qui s'est donné rendez vous pour une autre conférence-débat, samedi et dimanche prochains, pour une marche à l'avenue Mohamed-V.