A peine un mois après sa première sortie, M.Béji Caïd Essebsi nous a gratifiés d'une nouvelle prestation, télévisée cette fois-ci, d'un peu plus d'une heure. Face aux trois confrères qui l'interrogeaient, tour à tour, il a essayé d'apporter des réponses aux préoccupations actuelles du peuple tunisien. Avec son aisance habituelle, son flegme, le sourire en moins, et ses références tant coraniques qu'historiques, mais avec un air grave et sérieux, il a dressé un tableau sombre de la situation du pays. L'état des lieux, si piteux, n'incite guère à l'optimisme et notre Premier ministre ne s'attendait, probablement, pas à retrouver un pays à genoux avec autant de problèmes: une économie en panne, un taux de chômage en nette progression, un Etat déliquescent, une sécurité loin d'être assurée et un processus démocratique qui piétine, voire qui stagne. A qui la faute ? Bien sûr à l'ancien régime mais aussi à ceux qui ont pris le dernier wagon de la révolution pour se retrouver dans la locomotive. Prenant acte de toutes ces difficultés, accentuées par les événements que connaît la Libye sœur, le Premier ministre intérimaire, quoi qu'il n'ait pas donné l'impression d'une quelconque impuissance, s'est montré, tout de même, un peu essoufflé. Mais le chef, c'est lui et il assume, a-t-il martelé. Il n'est pas prêt à céder la moindre partie de ses prérogatives définies par le décret loi organisant les missions du gouvernement de transition, ou encore à les partager et surtout son droit de remanier le gouvernement quand il le juge nécessaire. La tâche est énorme et il en est conscient. Il en appelle au peuple pour l'aider et le soutenir, le prenant même à témoin face au machiavélisme de certaines parties auxquelles il reproche de verser dans la surenchère politique en prenant en otage le travail de l'Instance supérieure pour la protection de la révolution, la réforme politique et la transition démocratique. C'est peut-être même un avertissement à ceux qui se croient dépositaires de cette révolution et qui, par leurs pratiques et agissements, risquent de retarder la transition démocratique, voire de faire dévier la révolution de ses principes. Le temps est au travail et rien qu'au travail. Mais il est aussi au dépassement de soi, à la réconciliation. Nul citoyen ne devra être exclu du processus en cours sauf ceux qui ont nui au pays, la justice se chargera d'eux. Attention au retour de bâton et des vieux réflexes. Notre pays ne pourra pas supporter «plus de larmes et de sang», dixit Winston Churchill.