A quelque chose malheur est bon, dit le proverbe. Qui s'applique parfaitement à un aspect important de cette transition démocratique que nous connaissons. Qu'est-ce à dire ? Jusqu'à présent, les partis politiques ont peiné, semble-t-il, à remplir les salles lors des meetings qu'ils ont organisés. Nous parlons de ces partis qui viennent de naître, mais aussi et surtout de ceux qui existent de longue date et qui ont milité, d'une façon ou d'une autre, sous le règne de la dictature. Et comme nous sommes un peuple qui ne manque pas de ressources et que notre révolution est d'abord l'œuvre des jeunes, et qu'elle le reste en grande partie, l'idée a germé que, pour remplir les salles accueillant les réunions politiques, peut-être ne serait-il pas inutile de prévoir quelque chose qui attire la population des jeunes… Or qu'est-ce qui peut rassembler les jeunes et faire en sorte qu'ils ne se lassent pas du discours et de ses longueurs inévitables ? La musique bien sûr ! Voilà donc que, ici ou là, on entend parler de meetings politiques où les tribuns de nos partis se trouvent obligés de partager la vedette avec des chanteurs de rap, de slam ou autre musique hypermoderne… Eh oui, il s'agit de composer avec les contraintes de notre révolution et de ses spécificités ! Un prix à payer pour voir les gradins se garnir et une ambiance animée s'emparer de ces assemblées ? Certes. Cependant, outre que nos partis politiques apprennent ainsi à intégrer la dimension musicale dans leurs discours et à répondre au besoin du Tunisien de vibrer avec sa révolution, et pas seulement de discourir et de discutailler, c'est notre monde musical qui apprend de son côté à s'enraciner dans nos réalités et à acquérir une dimension politique qui lui confère une originalité indéniable. Mais il y a une autre chose encore qui fait que cette contrainte est, tout compte fait, riche de bénéfices : face à certains partis qui, quoi qu'ils disent, s'appuient sur nos traditions spirituelles pour renforcer leur aura et leur influence sur les consciences, la parade se met en place. Elle consiste à répondre par le génie des jeunes à s'exprimer dans l'élan du rythme et d'un verbe libéré de ses chaînes. Bref, contre le retour aux valeurs anciennes et à leur nostalgie, le feu d'une musique qui dit oui à l'imagination et à ses audaces, et qui met au défi tous ceux qui se réclament de la liberté de les suivre sur un tel chemin !