Par Soufiane Ben farhat Sébastien Crépel écrit au scalpel. Son article commis avant-hier à l'Humanité en est témoin : "La France avance… mais pour qui ? En éditant une brochure de 76 pages sous cet intitulé culotté, consultable sur le site de l'Elysée, c'est surtout le président de la République qui prend de l'avance sur la campagne présidentielle. Non encore officiellement candidat à sa réélection, Nicolas Sarkozy dresse un bilan à contre-courant de son action à la tête du pays en précédant de quelques jours le quatrième anniversaire de son accession à l'Elysée. A contre-courant : tous les sondages d'opinion montrent en effet un président battant tous les records d'impopularité sous la Ve République, avec une courbe de satisfaits désormais sous la barre des 30 % pour la plupart des instituts. Dans les intentions de vote, Nicolas Sarkozy est régulièrement éliminé dès le premier tour de la prochaine présidentielle, au profit du PS et de Marine Le Pen, signe de l'éloignement du cœur même de son électorat de 2007". Une affaire éminemment franco-française en somme. Mais les politiciens ont ceci de particulier qu'ils scrutent fiévreusement l'actualité. Et l'actualité offre précisément les immigrés tunisiens en pâture aux requins de la surenchère. De la surenchère xénophobe sur fond de solidarité européenne s'entend. Qu'on en juge : à un certain moment, les relations franco-italiennes semblèrent brusquement crispées. Le dossier de la guerre en Libye les avait fortement refroidies. Dans un premier temps, le chef du gouvernement italien, Silvio Berlusconi, avait affirmé: "Nos avions ne bombardent pas et ne bombarderont pas". Lundi soir, il tourne casaque et annonce que l'Italie change de mission. Les avions Tornado italiens entreront en scène. Objectif, effectuer des "actions ciblées contre des objectifs militaires sélectionnés dans le but de protéger la population civile". Il faut savoir que la volte-face italienne est consécutive à une conversation entre Berlusconi avec le président américain, Barack Obama. Elle a eu lieu juste avant le sommet Berlusconi-Sarkozy le 26 avril. Aux dires de sources gouvernementales italiennes, il s'agit d'éviter de donner l'impression que c'est Nicolas Sarkozy qui a contraint les Italiens à intervenir. L'atlantisme a raison de l'européanisme. En tout état de cause, dès qu'il s'agit d'immigration, le syndrome de la Sainte Alliance européenne reprend le dessus. La chasse aux Tunisiens est devenue l'obsession majeure transalpine. Pour Silvio Berlusconi, "personne ne veut sortir de Schengen, mais face à des circonstances exceptionnelles, nous croyons qu'il doit y avoir des modifications du traité". Côté français, on n'est guère en reste, loin s'en faut. Nicolas Sarkozy estime que "pour que Schengen vive, il faut que Schengen soit réformé". L'Italie ratisse large. La révision du traité de Schengen lui permet d'étendre l'aire de la persécution préventive. Ainsi, envisage-t-elle la perspective du rétablissement du contrôle aux confins de chaque pays européen. Elle pourrait repérer et bloquer les flux d'immigrés venant de Grèce, de Malte, d'Europe centrale et des Balkans. La fameuse politique européenne de voisinage est déroutée. Elle ressemble davantage au voisinage du loup et de la chèvre. Les réflexes, attitudes et discours les plus racistes sont mis à profit par les vieilles démocraties européennes. La vieille peur du Sarrasin est déterrée des replis obscurs de la mémoire collective. Elle reprend du poil de la bête. Dans certaines parties de la France, on est coupable d'être tunisien. On dresse les chiens à renifler du tunisien. Il y a deux jours, une soixantaine de nos compatriotes ont été interpellés à Paris et à Pantin (Seine-Saint-Denis) et placés en garde à vue. Ils sont soupçonnés d'être en "infraction à la législation sur le séjour" selon des sources policières. Le maire de Paris, Bertrand Delanoë, a dénoncé des interpellations "choquantes" et demandé à l'Etat français de cesser ces opérations de police. "Ces interpellations sont choquantes, précise-t-il dans un communiqué. Elles s'inscrivent en contradiction flagrante avec les propositions ouvertes et réalistes que j'ai formulées dans un courrier adressé dès vendredi dernier au ministre de l'Intérieur et pour lequel je n'ai reçu aucune réponse à ce jour". Nous serions tentés de retourner la question : la France avance, mais pour qui ?