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De la défense de la nature à la lutte contre les faux-monnayeurs de l'écologie
Entretien avec : Le professeur Ali Hili
Publié dans La Presse de Tunisie le 11 - 05 - 2011

Le thème de l'environnement se trouve actuellement occulté dans les débats par des questions politiques ou politiciennes, liées sans doute à l'approche d'échéances électorales cruciales. Pourtant, la question de l'environnement ne devrait pas disparaître de notre vue, car elle fait partie du patrimoine dont il nous incombe de prendre soin. Le statut de citoyen libre et responsable, que le citoyen tunisien se trouve désormais appelé à assumer dans son quotidien, ne saurait s'affirmer indépendamment du souci de la nature et de ses ressources. Mais que faut-il penser de la politique environnementale à laquelle nous avons eu droit durant la période de l'ancien régime? Quels sont les débuts chez nous des actions qui ont ciblé de façon spécifique les ressources de la nature : faune et flore ? Et quels sont les écueils qu'il s'agit d'éviter dans l'avenir pour relancer sur des bases saines une politique dans ce domaine ? Sur toutes ces questions, nous avons sollicité une figure connue de notre militantisme écologique, dont le parcours personnel se confond par bien des endroits avec la genèse de l'action écologique, mais aussi et surtout avec la lutte contre ses dérives…
Vous êtes un universitaire, mais vous êtes connu surtout comme défenseur de la nature. Comment s'est affirmée chez vous cette vocation ?
Mon intérêt pour tout ce qui touche à l'écologie, aux ressources naturelles en général, remonte à mon enfance. Originaire de Kerkennah, d'un milieu qu'on peut qualifier de rural, surtout à cette époque-là, je vivais en connivence avec la nature. D'ailleurs, comme je le précise souvent, j'ai fait le charretier et le berger pendant mes années d'école primaire. Après, j'ai suivi mes études secondaires à Sfax, où il y avait deux tiers de Français et à peine un tiers de Tunisiens. C'était la période entre 1946 et 1953. Mes professeurs, compte tenu de mes résultats, m'avaient envoyé en France, au Lycée Saint Louis, pour préparer les grandes écoles. A mon retour de France, en 1967, avec un doctorat en physique, je me suis retrouvé maître de conférences à la faculté des Sciences de Tunis, qui se trouvait à l'époque à la rue de Rome. Au bout d'une année d'enseignement, c'était en juillet 1968, Ahmed Ben Salah avait hérité du portefeuille de l'Education nationale, en remplacement de Mahmoud Messaadi. Or il a décidé de créer une direction nouvelle : la direction de l'enseignement supérieur et de la recherche scientifique, et c'est moi qui ai été appelé à la tête de cette direction. En réalité, j'avais déjà enseigné en France, pendant quatre ans, à la faculté des Sciences d'Orsay.
C'est au ministère de l'Education nationale que, un beau jour, j'ai reçu la visite d'un coopérant français, un dénommé Max Lachaux, qui enseignait les sciences naturelles au lycée de Radès. Il venait de créer un centre de baguage d'oiseaux sur une partie du lac de Radès qui n'existe plus aujourd'hui et qui est l'objet maintenant d'un grand projet d'urbanisation. Cet enseignant était en butte à des problèmes administratifs pour mener à bien ce centre. Et il était venu me demander mon aide. C'est à partir de ce moment qu'a commencé mon intérêt pour les oiseaux. Je l'ai aidé en le déchargeant d'une partie de ses cours et nous avons remplacé les bagues marquées " Museum Paris " par des bagues marquées " Museum Tunis ". Pour le financement, je me suis adressé au Maire de Tunis, qui n'était autre à l'époque que l'actuel président de la République, M. Foued Mbazaâ, qui n'a pas manqué de nous soutenir. Puis j'ai suivi l'équipe et suis devenu son parrain.
En 1970, il y a eu une nouvelle initiative à l'échelle non seulement de la Tunisie, mais aussi de l'Afrique du Nord, du monde arabe et de l'Afrique : nous étions quatre personnes réunies dans le bureau de M. Zakariya Ben Mustapha, alors directeur de la Sûreté nationale, et nous avons décidé de créer l'Association tunisienne de protection de la nature et de l'environnement (Atpne). L'Atpne a conçu un programme d'action dont le volet le plus important a été la conservation des ressources naturelles – faune et flore sauvages. Je m'en suis occupé plus personnellement. Bien sûr, pour conserver une chose, il faut d'abord la connaître. Il fallait donc mobiliser essentiellement des universitaires et des ingénieurs en vue de dresser l'état des lieux et de compléter les vides. En plus de ma conviction personnelle, mes relations professionnelles et humaines m'ont permis de regrouper toutes ces potentialités pour accomplir cette noble tâche et la documenter.
Quelques années après, au début des années 70, nous avons été confrontés à un mouvement international mettant en cause la Tunisie. Le Conseil international pour la protection des oiseaux (C.I.P.O.), basé en Angleterre, venait de faire voter, lors de son dernier congrès, une motion qui mettait en cause la Tunisie à travers ce qui se passait à l'époque au Cap Bon, à El-Haouaria, au moment de la migration de printemps des oiseaux vers l'Europe et l'Asie : piégeage, tirs au fusil, vente… Dénichage aussi des poussins des faucons pèlerins par des fauconniers trafiquants étrangers. C'est ce qui nous a poussé à créer, en 1975, une nouvelle association : l'Association les amis des oiseaux (AAO). Elle a été créée au cours d'une réunion présidée par Bourguiba Junior et en présence de Hassen Belkhouja, ministre de l'Agriculture… Bourguiba Jr a été président de l'association de 1975 à 1989. Je lui ai succédé lors de l'assemblée générale de 1989. On a eu comme secrétaire générale Mme Najet M'hiri, la veuve de Taïeb M'hiri.
Cette association avait vocation à protéger les oiseaux, mais seulement les oiseaux : et le reste?
L'AAO va servir de fer de lance pour tout ce qui concerne la conservation de la faune sauvage. On ne peut pas protéger les oiseaux sans protéger les écosystèmes dans lesquels ils vivent. Dès 1975, je me suis adressé au Fonds d'intervention pour les rapaces (FIR), basé en France, pour leur demander un ornithologue en vue de faire l'inventaire des oiseaux rapaces en Tunisie. C'est ainsi que nous avons accueilli Thierry Gaultier, venu pour quelques mois mais qui séjournera finalement en Tunisie durant 15 ans ! Ce qui nous donnera l'occasion de former une pléiade de jeunes Tunisiens à l'écologie en général et aux oiseaux en particulier.
S'agissant d'El Haouaria, dès la création de l'AAO, j'ai entrepris personnellement une campagne de sensibilisation auprès de la population. A force de persuasion, pendant deux années de suite, cela a été couronné de succès. Seuls les fauconniers d'El Haouaria et de Kélibia étaient autorisés par les services des forêts à piéger les éperviers femelles (Sef) en vue de leur dressage à la chasse de la caille et de leur participation à la compétition du festival annuel d'El Haouaria, ces éperviers étant relâchés juste après le festival. En même temps était créée l'Association des fauconniers tunisiens.
Il faut cependant souligner que, alors que depuis 1978 aucun coup de fusil n'a été tiré à El Haouaria au printemps contre les oiseaux migrateurs, ces mêmes oiseaux sont accueillis, encore aujourd'hui, à coups de fusils en Sicile et à Malte, nonobstant la Directive oiseaux de la Commission Européenne.
De la même façon, pour le trafic de poussins de faucons pèlerins, nous avons entrepris la même campagne de sensibilisation. Nous avons dressé une liste de trafiquants européens, grâce à des organismes européens et en questionnant la population locale. Avec l'aide de la direction générale des forêts, de la direction des douanes et de la police des frontières, nous avons pu mettre fin au trafic.
Le succès de ces actions m'ont valu en 1978 les félicitations du Conseil international pour la protection des oiseaux (Cipo) et, en 1979, une médaille décernée à la Tunisie par la Ligue internationale des droits de l'animal et remise à notre ambassadeur à Paris par le professeur Alfred Kastler, prix Nobel de physique.
Pour en revenir à l'Atpne, à la fin des années 70, le Premier ministre de l'époque, Hédi Nouira, nous a consultés sur l'opportunité de la création d'un ministère de l'Environnement. Notre réponse fut négative pour cette raison bien simple que l'environnement est un concept horizontal qui intéresse tous les départements. Il valait mieux une autorité environnementale, installée au Premier ministère, qui jouerait un rôle de coordinateur et de tuteur. C'est ainsi que Hédi Nouira a créé une commission nationale de l'environnement, présidée par son directeur de cabinet, qui a officié jusqu'en 1987.
Par contre, l'Atpne a élaboré à cette occasion un document intitulé " Les 100 mesures environnementales " où nous avions dressé un catalogue de ce qu'il fallait faire en Tunisie pour protéger l'environnement : document qui a été communiqué à Hédi Nouira.
En ce qui concerne les ressources naturelles, jusqu'au 7 novembre, on peut dire que la Tunisie, grâce au militantisme de certains et à l'implication des autorités – le ministère de l'Agriculture – nous avons pu obtenir beaucoup de résultats. Mais les choses vont malheureusement changer avec l'avènement du régime déchu.
Nous y viendrons… Le thème de l'environnement est peu présent dans les débats actuels: vous confirmez?
Effectivement, l'environnement, depuis le 14 janvier, est le grand absent. Ainsi, au niveau du gouvernement, nous n'avons plus de ministère de l'Environnement, mais un ministère de l'Agriculture et de l'Environnement. Cela veut dire que vingt années de ministère de l'environnement (1991 – 2011) n'ont pas permis d'inculquer une quelconque culture environnementale à nos gouvernants.
D'autre part, on assiste à travers les médias – presse écrite, chaînes de télévision et radio – à une débauche de débats et d'écrits qui touchent à tout sauf à l'environnement. De même, on a aujourd'hui plus de 60 partis politiques et on chercherait en vain, dans leur programme (si tant est qu'ils en aient publié) le thème de l'environnement… Y compris chez les deux partis qui se prévalent de " verdure ".
Justement, quel bilan faites-vous de la politique environnementale de la période d'avant la révolution?
Le bilan est plutôt mauvais, pour deux raisons. La première, sur tout ce qui touche à la période Ben Ali, c'est qu'il y a une grande différence entre les discours qui nous ont été rabâchés et rapportés par la presse aux ordres, et la réalité vécue par les Tunisiens. La deuxième raison, c'est que le ministère de l'Environnement, créé sous l'ancien régime en 1991, n'a pas été un ministère de l'Environnement au sens le plus large mais un ministère dont les attributions ont touché essentiellement les problèmes citadins, relatifs à la pollution et aux déchets. D'autre part, il n'y a pas eu de délimitation précise des attributions du ministère de l'Environnement par rapport à celles de l'agriculture pour tout ce qui touche aux ressources naturelles. Le résultat est que l'on ne savait plus qui fait quoi en matière de conservation de ces ressources.
Le courant n'est jamais bien passé entre les départements de l'Agriculture et de l'Environnement… Y compris durant la période où l'actuel ministre de l'Intérieur a occupé de 2002 à 2003 les fonctions de secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'Agriculture chargé de l'Environnement.
Le président déchu lui-même ne s'y retrouvait pas et confondait les attributions des deux ministères. Ainsi, lorsque le ministre saoudien de l'Intérieur a voulu envoyer au cours de l'automne 1998 un expert français en Tunisie en vue de financer un centre de reproduction de l'outarde houbara, à l'image de ce que son frère ministre de la Défense nationale a fait au Maroc au Sud d'Agadir, Ben Ali a mis le ministre de l'Environnement en contact avec cet expert au lieu de l'orienter vers celui de l'agriculture.
Je vous donne encore deux exemples : le décret de 1993 fixant les attributions du ministère de l'Environnement énumère en long et en large tout ce qui touche aux nuisances et à la pollution et marginalise les ressources naturelles. Deuxième exemple : le Grand prix du président de la République pour la protection de l'environnement. C'est un prix qui existait déjà sous Bourguiba, il a été repris par le ministère de l'Environnement. Dans le décret relatif à ce prix, l'article qui porte sur les critères d'attribution en énumère quatre, dont les trois premiers concernent la pollution et les déchets. Les ressources naturelles arrivent en quatrième position. De fait, le prix a été très souvent attribué pour récompenser la lutte contre la pollution.
J'ai moi-même déposé un dossier à trois reprises, en tant que personne physique : il n'a pratiquement pas été examiné. Les personnes qui forment le comité d'attribution sont en majorité incompétentes pour juger de sa valeur scientifique ! Le prix a été attribué parfois à des entreprises dont les actions de développement non durable ne sont pas prévues par le décret et vont à l'encontre de la protection de l'environnement. Une société pétrolière a eu le premier prix pour avoir planté des palmiers Déglet Ennour au Sahara. Ce qui revient à agresser un milieu saharien stable pour le remplacer, dans un but économique à court terme, par une palmeraie de Deglet Ennour, alors que tous les spécialistes savent que la monoculture de la Deglet Ennour dans le Sud est en contradiction flagrante avec la conservation de la biodiversité… Le jour où, malheureusement, le " bayoudh ", venant de l'Ouest, frappera aux frontières tunisiennes, il ne restera plus un seul plant de Deglet Ennour en Tunisie.
Pendant les 20 années, et surtout pendant la période où un membre de la famille régnante avait la charge du ministère de l'Environnement (1992-1998), j'étais l'indésirable… Après son départ, un haut cadre m'a dit : " Vous connaissez les problèmes de l'environnement mieux que nous, vous vous faites peur et nous n'avons pas d'arguments à vous opposer ! "
Au début des années 90, le ministre a littéralement saboté un projet que j'ai présenté à la Commission Européenne et qui avait été agréé pour financement. Cette année-là, trois autres projets avaient été présentés en même temps que le mien : deux par le ministère de l'Environnement et un par le ministère de l'Agriculture et le Fonds mondial pour la nature (WWF).
Ce projet était intitulé " Conservation et réhabilitation des écosystèmes insulaires et fragiles : Kerkennah, Zembra, la Galite… " A l'époque, la Commission Européenne exigeait 50 % d'apport national au niveau du financement. Le coût était de 360.000 DT sur 3 ans. J'ai obtenu du ministère de l'Environnement qu'il s'engage à prendre en charge les 50 % de l'apport national à travers un projet présidentiel : "Sponsorisation des parcs nationaux et des zones sensibles" financé par les grandes entreprises nationales (Steg, Sonede, Tunisair…). Le projet ayant été agréé et le contrat signé avec Bruxelles, le ministère de l'Environnement a tout fait pour le bloquer : ses services ont exigé un contrat, mais il fallait qu'il soit conforme au contrat signé avec Bruxelles. Il a fallu un an et demi pour signer un contrat contenant des clauses en contradiction avec le contrat nous liant à Bruxelles, mais j'ai quand même accepté pour que la signature ait lieu. Il y avait un comité de suivi, qui avait donné son accord pour que soit effectué le premier versement : le ministère a mis six mois avant d'effectuer ce versement. C'était deux ans après le démarrage du projet. La Commission Européenne avait effectué le premier versement le lendemain de la signature. J'avais informé Bruxelles de ces difficultés. Quelqu'un me dira, après le départ de Mehdi Mlika en 1998, que des instructions avaient été données pour saboter le projet. Le chef de cabinet, M. Faïz Ayed, a écrit à la Défense nationale : " Ne transportez plus l'équipe de Ali Hili sans notre accord ". Car le projet supposait que l'on puisse utiliser les unités de la marine nationale pour nous rendre sur les îles de Zembra et de la Galite.
Finalement, le projet n'a pas été mené à son terme, le ministère n'ayant pas tenu ses engagements. C'était le premier projet tunisien agréé par Bruxelles dans le cadre du partenariat " Life Pays tiers ".
S'agissant du fonds destiné à promouvoir les parcs nationaux – pourtant sous tutelle du ministère de l'Agriculture – il a été géré par le ministre de l'Environnement comme le 26-26. Ainsi, des centaines de milliers de dinars ont servi à tout sauf à promouvoir les parcs nationaux. Aujourd'hui, il est indispensable d'ouvrir une enquête auprès de l'Anpe pour savoir où sont passés ces fonds.
Puis il y a eu votre " éviction " de l'Association des amis des oiseaux…
Oui, en avril 2007, a eu lieu un véritable coup d'Etat, à l'image de ce qui s'est toujours passé sous Bourguiba et Ben Ali quand il s'agit de mettre la main sur une association qui n'est pas dans la ligne. La technique utilisée par le PSD, et ensuite par le RCD, consiste à distribuer, à la veille d'une assemblée générale, des centaines de cartes d'adhésion à des personnes qui n'ont rien à voir avec l'association. J'ai été éloigné de l'association par un trésorier véreux contre qui j'avais entamé une procédure judiciaire… L'expert judiciaire désigné par le tribunal avait précisé dans son rapport que cette personne "ne faisait pas de différence entre ses deniers et ceux de l'association". Il s'était acoquiné avec un autre membre du bureau sortant, dont la femme étrangère avait servi les intérêts d'organismes étrangers au détriment de la Tunisie et que je m'apprêtais à licencier. Les deux personnes se sont liguées pour m'éliminer et rester en place.
La première personne, qui a détourné l'argent, a été maintenue au poste de trésorier, bien que n'ayant pas obtenu le quitus financier… Et cela pour service rendu : pour avoir éliminé Ali Hili.
Disons un mot sur les organisations non gouvernementales (O.N.G.). L'ancien régime se réclamait de plus de 7000 O.N.G. représentant la société civile et qui le glorifiaient à chaque occasion. Mais la plupart de ces organisations étaient téléguidées par les autorités ou le parti et n'avaient aucune représentativité. Il faudrait que le futur ministère de l'Intérieur procède un jour à un grand nettoyage dans ce domaine
Quelles sont les actions prioritaires que vous voyez dans le domaine de l'environnement ?
Compte tenu du fait que l'environnement est le grand oublié, il est indispensable que le prochain gouvernement inscrive l'environnement à son programme. Cela signifie la désignation d'un ministre de l'Environnement, mais avec des prérogatives bien définies, notamment pour tout ce qui touche aux ressources naturelles, avec un arbitrage environnement – agriculture pour qu'on sache qui fait quoi en matière de conservation des ressources naturelles et qu'il n'y ait plus ce flou artistique qui a prévalu pendant 20 ans au détriment de la conservation de la diversité biologique.
Il ne faut plus que les départements de l'environnement et de l'agriculture se renvoient la balle comme ce fut longtemps le cas pour les parcs nationaux et les zones sensibles, notamment les écosystèmes insulaires. Si, au lendemain du 14 janvier, les populations riveraines des parcs nationaux d'Ichkeul, du Chaambi et du Bou Hedma ont mis à sac ces derniers - défonçage de clôtures, coupe d'arbres, pacage, etc - c'est parce que les plans de gestion élaborés dans le cadre d'un financement de la Banque mondiale (neuf millions de dollars) ne l'ont pas été avec l'approche participative qui intègre nécessairement les populations locales, mais avec les autorités régionales (gouvernorats, délégations, cellules du parti), toutes aux ordres et honnies par les populations riveraines.


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