Par M. Salah SOUISSI * Maintenant que nous avons enterré ou jeté dans l'océan nos morts, les martyrs de tant de révolutions, des soldats de l'Otan ou un certain Ben Laden, victimes, tous, de la bêtise humaine qui nous habite depuis la nuit des temps, après avoir fait la fête ou le deuil, revenons vers ceux qui sont restés vivants, qui peuplent la terre et qui nous attendent. Notre devoir est celui de leur donner de l'espoir. Nous pouvons le faire parce que nous vivons de plus en plus de douloureux événements. Nous en tirons des conclusions et des enseignements. Nous enrichissons ainsi notre histoire, notre héritage et notre mémoire, et nous devenons par conséquent de plus en plus intelligents et surtout beaucoup plus humains. Rendons hommage pour commencer à tous ceux qui ont essayé tant bien que mal de se battre pour changer notre condition et notre société, pour redonner à tous les hommes de tous bords une dignité toute légitime. Citons les messagers de Dieu : Jésus, Moïse ou Mohamed. Rappelons-nous Abraham Lincoln, Che Guevara, Martin Luther King, Patrice Lumumba, Kennedy, Saddam, Allende ou Arafat, et d'autres… Chacun a fait son devoir. Ils n'ont malheureusement pas toujours réussi. Chacun défendant secrètement ou ouvertement son seul clan. Ils se sont trompés comme toutes les bonnes gens. Il n'est nullement question aujourd'hui de leur intenter un procès. Nous devons pardonner à tous, si l'on veut vraiment avancer. La revanche et la vengeance ne servent qu'à entretenir et alimenter la bêtise, et à nous enfoncer davantage dans les abîmes de l'ignorance. Ayons le courage de tourner la page, d'effacer d'un trait une époque révolue et sombre pour nous consacrer à notre réalité d'aujourd'hui. Nous sommes tous des concitoyens malgré nous. Personne ne peut prétendre le contraire. Nous ne pouvons plus être indépendants les uns des autres. Nous le sommes plus que jamais, associés et complémentaires. Pourquoi vouloir le nier et s'entêter à croire ou à admettre le contraire ? Qu'on le veuille ou non, notre sort et notre destin sont étroitement liés. Ils nous échappent pourtant, parce que nous continuons, chacun, à tirer la couverture de son côté. Notre sort ne se décide même pas dans le bureau ovale ou dans les sous-sols de la Maison-Blanche, même pas par la force militaire ou dans les places financières, mais par une poignée d'entreprises et par des spéculateurs sans scrupule qui profitent de la situation et qui tirent les ficelles. Ceux qui jouent et jonglent dans les casinos, dans les Bourses, sur tous les terrains et dans tous les domaines, avec toutes sortes de louches et juteuses affaires. Des manipulateurs et des escrocs qui sèment partout la confusion et la peur, qui nous prennent pour des marchandises, qui nous vendent et qui nous rachètent. Notre monde est malade. Il souffre. Il a besoin d'être soigné et guéri. Nous n'avons plus le droit de laisser aller ou de nous contenter d'intervenir par des opérations limitées, par des frappes chirurgicales, par des avions de chasse, des drones ou des missiles, des aides alimentaires, ou des médias qui colportent mensonges et désinformation. Notre monde a besoin plus que jamais de tous les peuples, de tout leur courage, de toutes leurs forces et de leurs intelligences, de la transparence, de la sincérité, de la confiance, de la justice et de l'égalité des chances, d'amour, de respect et de partage, de nouvelles valeurs humanistes et universelles, qui seules peuvent lui donner une meilleure santé. Utopique, diront ceux qui continuent à vivre au moyen-âge. Le monde a tellement changé, les connaissances, les idées, les aspirations et les ambitions. Ce qui paraît utopique devient plus accessible que jamais, voire un passage obligé. Nous n'avons plus le droit d'en avoir peur ou de s'en écarter. Ensemble nous pouvons l'affronter et réaliser l'impossible. Il nous suffit d'y croire fermement, de respecter le droit à chacun d'être un citoyen du monde, à part entière, de lui assurer son plein droit à la responsabilité et l'accès à la liberté… Nous, les enfants de la terre, des civilisations millénaires et des temps présents, nous continuons à refuser les dictats, l'aliénation et la misère, en nous soulevant ou en faisant notre révolution. Nous avons allumé dans nos cœurs une flamme qui ne s'éteindra pas de si tôt. Nous pouvons avec votre aide construire, en conjuguant nos idées et nos efforts, une société nouvelle : un monde sans frontières, sans divisions, sans états et sans nations, sans aucune ségrégation, où l'on peut tous vivre confortablement et partager équitablement aussi bien le savoir, les décisions, le travail et les richesses. Un monde que nous gouvernerons ensemble, en mettant en place des institutions mondiales qui appliquent une politique choisie par tous, pour le bien de tous, et qui gère à part l'économie et la sécurité, l'enseignement, la culture, la formation, le travail, les salaires, la propriété, la fiscalité, le développement, l'environnement et les protections sociales…Parce que nous sommes comme vous, comme les Américains, les Européens, les Indous, les Africains ou les Mexicains, des hommes. Nous avons les mêmes droits que vous. Nous ne demandons pas l'aumône, ni la sympathie, ni l'empathie, mais le droit à l'égalité sur tous les plans, à la considération et à une sincère amitié pour ne pas dire un amour réciproque, mais surtout pas à l'indifférence ou à l'insouciance. Nous attendons de votre part, monsieur le président, et de la part de ceux qui ont un pouvoir, un geste ou quelques signes pour ne plus sombrer dans le désespoir, pour rompre avec l'extrémisme, l'intégrisme, et le communautarisme réducteur et destructeur. Comme vous, nous ne voulons ni la guerre, ni le terrorisme. Nous voulons avoir la chance de vivre dignement et mériter enfin et vraiment la paix et pas seulement le prix Nobel.