Par Hmida BEN ROMDHANE La Presse - Mardi dernier, ce n'était pas la première fois que le Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahu, s'adressait au Congrès américain, réuni en son honneur. Il y a quinze ans, en 1996, Netanyahu était alors Premier ministre d'Israël et il était venu narguer Bill Clinton (alors Président des Etats-Unis) dans un discours devant le Congrès réuni pour l'écouter. Clinton méprisait à l'époque Netanyahu pour son arrogance et son esprit obtus, et celui-ci le lui rendait bien. Quinze ans après donc, voici le même Congrès réuni pour écouter le même Premier ministre débiter le même discours. C'est comme si la roue du temps s'est arrêtée pendant quinze ans. Les mêmes mensonges, les mêmes refus et la même fuite en avant de la part de l'orateur, le même enthousiasme, la même ferveur et le même zèle dans les applaudissements de la part de l'assistance. Hier comme aujourd'hui, difficile à dire que les représentants du peuple américain étaient intéressés par la compréhension de la problématique moyen-orientale. Ils avaient hier, et ils ont aujourd'hui, une idée caricaturale de cette problématique qui se résume en quelques clichés : les Palestiniens sont des terroristes, Israël une démocratie menacée de toutes parts par un océan de dictatures et, par conséquent, ne fait que se défendre contre un nouvel holocauste que lui prépareraient ses ennemis arabes. Hier comme aujourd'hui, difficile à dire que les représentants du peuple américain avaient la moindre idée de l'histoire réelle du conflit israélo-arabe, ni des concessions consenties par les Arabes en général, et les Palestiniens en particulier, dans l'espoir, toujours déçu, de conclure une paix durable. Hier comme aujourd'hui, le zèle extraordinaire avec lequel les représentants du peuple américain applaudissaient toutes les deux ou trois minutes le discours du Premier ministre israélien ne s'explique sûrement pas par une quelconque conviction que Netanyahu a raison ni par une adhésion motivée et argumentée à sa politique. C'est le dernier de leur souci. Ce qui les intéressait en 1996 et mardi dernier, c'était de marquer devant les caméras leur enthousiasme pro-israélien dans l'espoir de se faire remarquer par les inspecteurs du Lobby, le but ultime étant de s'assurer une bonne place dans la liste des " Amis d'Israël " sans laquelle point de carrière politique à Washington. Et cela va sans dire que plus grandes les gesticulations et plus forts les applaudissements, plus grandes les chances de figurer parmi les têtes de liste. En 1996 et mardi dernier, Netanyahu a fait pratiquement le même discours et répété les mêmes négations, ce qui montre son extraordinaire propension à l'immobilisme, sa capacité hors pair à ignorer la cascade des événements qui secouent la région et le monde, et sa résistance faramineuse à l'influence des changements dans les rapports de force internationaux. Après avoir répété face à des congressistes enthousiastes son refus du retour aux frontières de 1967, de la division de Jérusalem en deux capitales, du retour même symbolique des réfugiés, du retrait de la Vallée du Jourdain et d'autres refus encore, Netanyahu a affirmé qu'Israël était prêt à " faire des sacrifices douloureux pour réaliser la paix avec les Palestiniens "… Evidemment, il s'est abstenu de mentionner un seul " sacrifice ", mais cela n'a pas frustré outre mesure des congressistes dépourvus de curiosité et intéressés seulement par applaudir à tout rompre. Ni questions pertinentes, ni critiques constructives, mais applaudissements sur applaudissements et rivalité à qui montre mieux son amour pour l'orateur. On se croirait dans une enceinte parlementaire arabe le jour du discours du dictateur. A quelques jours d'intervalle, et toujours à Washington, c'est le président Barack Obama qui prononçait un discours devant les représentants de l'Aipac, le Lobby pro-israélien. Au Congrès, c'était l'assistance qui suait pour plaire à l'orateur, et à la conférence annuelle de l'Aipac, c'était l'orateur qui se pliait en quatre pour plaire à l'assistance. Obama a eu droit à quelques applaudissements des représentants de l'American Israeli Public Affairs Committee quand il les a rassurés que les Etats-Unis empêcheront en septembre la reconnaissance par l'Assemblée générale de l'Etat palestinien en tant que membre des Nations-unies. Voulant plaire à l'Aipac, Obama a perdu l'unique atout qu'il a en main face à un Netanyahu débridé. Mais, pour être tout à fait honnête, même si Obama avait gardé en main cette ultime carte, il n'aurait sûrement pas influé sur le comportement d'un homme qui, depuis quinze ans, n'a que le mot " Non " à la bouche. Hillary Clinton en sait quelque chose, même si elle rechigne à l'admettre. Elle avait vécu l'arrogance et l'obstination pathologiques de Netanyahu du temps de la présidence de son mari, et la vit aujourd'hui, en tant que secrétaire d'Etat, avec le président Obama.