Les jeunes ont été le catalyseur de la révolution du 14 janvier mais l'absence d'une pratique politique au cours des vingt-trois dernières années les a dépouillés du sens et d'une conscience politique nécessaires pour saisir les importants enjeux liés à la réussite du processus démocratique en Tunisie. Aujourd'hui, plusieurs associations citoyennes se sont portées veolontaires pour sensibiliser les jeunes à la nécessité d'intégrer la vie politique et d'exercer leur droit à la participation. Ines Abid , secrétaire générale du collectif des Jeunes indépendants démocrates, nous livre son expérience de militante associative. Interview Présentez-nous le collectif des Jeunes indépendants démocrates. Quel rôle a-t-il joué le lendemain du 14 janvier ? Le collectif des Jeunes indépendants démocrates a été créé au lendemain du 14 janvier par 12 jeunes Tunisiens vivant en Tunisie. Nous sommes donc étudiants pour la plupart de diverses branches (droit, médecine, cinéma, langues, sciences, etc.). Depuis nous nous sommes élargis et nous comptons 43 membres aujourd'hui. Le projet du collectif est né d'un sentiment d'incompréhension et de désinformation manifeste, partagé par toute la jeunesse tunisienne en ce début 2011 riche en émotions. Etant donnée l'importance du rôle joué par la jeunesse tunisienn pendant cette Révolution et son poids démographique, celle-ci se doit de «protéger» cette révolution, en consolidant les acquis et en concrétisant ses revendications. C'est dans cette optique que les JID se sont fixé les objectifs suivants: — Informer les jeunes sur ce qui se passe dans notre pays, non seulement au niveau politique, mais aussi socioéconomique — Compléter l'éducation politique des jeunes en leur fournissant une documentation exhaustive et synthétisée sur les principaux concepts à maîtriser (droits de l'Homme, liberté d'expression, régimes politiques, démocratie, laïcité, citoyenneté ...) — Sensibiliser les jeunes aux enjeux de cette révolution, le rôle qu'ils peuvent jouer sur la scène politique et au sein de la société civile et les valeurs citoyennes et démocratiques qu'elle a mises en avant pour les encourager à continuer à s'intéresser à la vie politique de leur pays — Jouer le rôle d'intermédiaire entre les jeunes et les personnalités politiques pour faire parvenir la voix des jeunes à ceux qui se doivent de l'écouter. Après 23 ans de bâillonnement politique, les jeunes ont-ils une culture et une conscience politiques suffisantes pouvant leur permettre de saisir les enjeux liés à la réussite du processus de transition démocratique ? Oui, les jeunes Tunisiens ont une conscience politique. Cela dit, ils n'ont pas forcément le bagage nécessaire pour comprendre et avoir un objectif sur les évènements que vit le pays justement à cause de ce bâillonnement. Nous tentons donc à travers ce collectif de sensibiliser les 18-35ans et de les aider afin de faire le choix politique qui leur convient de façon rationnelle et objective. Bien sûr l'avenir est très prometteur pour nous les Tunisiens si nous saisissons cette opportunité de construire une démocratie sur des bases solides, nous entendons par là écarter tous les risques qui pourraient nous ramener en arrière et entraver ce processus. Quel rapport entretiennent les jeunes Tunisiens avec les partis qui constituent l'actuel paysage politique ? Déjà, nous estimons que les jeunes Tunisiens ne les connaissent pas assez pour pouvoir accorder leur confiance ! C'est pour cette raison que nous tâchons de les informer sur ces partis politiques, et ce, de façon objective bien évidemment et nous essayons d'assister au maximum de meetings. JID Tunisie encourage aussi les jeunes à assister à ces meetings, participer à la vie politique de façon active afin de faire bouger les choses et de faire entendre leur voix. Plus de transparence de la part des hommes politiques, changer de méthodes car les interlocuteurs ont changé et arrêter de s'entretuer mais plutôt apporter des réponses concrètes aux problèmes que vit la jeunesse d'aujourd'hui tout en l'impliquant davantage. Pensez-vous que ces partis sont capables de répondre aux attentes de la jeunesse tunisienne ? L'occasion est aujourd'hui offerte aux politiciens d'attirer les jeunes car ils se sentent plus que jamais intéressés par la vie politique et l'avenir du pays. Le risque est que cette euphorie s'estompe avec le temps. Les faire participer à la vie politique activement est donc primordial et c'est dans cette optique-là que JID Tunisie parle de politique pour les jeunes et à travers des jeunes. Il faut juste savoir s'adresser à eux, être plus clair et leur montrer une volonté réelle de changer les choses et que les buts de la révolution — dignité, égalité des chances, emploi… — seront vraiment assurés dans le système qui sera mis en place. Que pensez-vous de la montée de l'islamisme en Tunisie ? Certains jeunes ne se reconnaissent pas dans le discours islamiste, d'autres oui. Quoi qu'il en soit, JID Tunisie est là pour prôner les fondamentaux de la démocratie. Parmi nos membres, toutes les sensibilités sont présentes tant qu'elles respectent les piliers de la démocratie et les principes de l'Etat tunisien qui sont : liberté, justice et ordre. Tous les adhérents à notre collectif ne sont dans aucun parti politique, et ce, afin de se consacrer à la sensibilisation et à l'information de façon neutre et objective. Bien sûr, JID Tunisie rejette tout ce qui pourrait porter atteinte à la démocratie.