C'est la saison des grandes migrations. Un exode massif des meilleurs produits du football national se prépare à l'horizon. L'arrière central de l'ESS Aymen Abdennour pour quatre saisons à Toulouse (L1 française), le demi relayeur du Club Africain Wissem Yahia pour trois ans à Mersin (nouveau promu en L1 turque), peut-être le latéral gauche du CS Sfaxien Fatah Gharbi dans un club du Golfe, le milieu du CA Bizertin Hattène Baratli, le demi défensif de l'Espérance Sportive de Tunis Khaled Korbi (à Leverkusen, D1 allemande?), son coéquipier Oussama Darragi (à Braga, D1 portugaise?), l'avant-centre de l'Etoile du Sahel, Ahmed Akaïchi… La liste n'est certes pas exhaustive mais donne en même temps une idée du mouvement de départs qui va en s'épaississant. Mais au-delà de ces transferts déjà conclus ou en voie de l'être aux dimensions inédites et sans précédent, les trésoriers des clubs concernés se frottent les mains : ce sont autant de mannes qui tombent du ciel, de précieux subsides, lesquels viennent soulager des budgets qui crient famine. Car en cette saison pas comme les autres, l'An I de la révolution de la liberté et de la dignité, la quasi-totalité des clubs professionnels se livrent à un interminable exercice d' équilibriste pour survivre et pour répondre aux nombreux chapitres des dépenses. Tout en sachant que les recettes se sont cruellement taries. Démonstration on ne peut plus frappante de cette crise dans laquelle s'enfonce le football «pro» : qu'un club comme le CSSfaxien, soutenu par les hommes d'affaires de la capitale économique du pays et ayant l'habitude de brasser d'importants fonds sous forme de dons, en arrive à ne plus pouvoir s'acquitter dans les délais de ses obligations à l'endroit de ses joueurs (salaires et primes) en dit long sur l'air du temps. Le club «noir et blanc» n'a pas, lui aussi, échappé au mouvement de grève initié par les joueurs en guise de protestation contre les retards de paiement. Toutefois, dans leur poignante et parfois même pathétique quête de fonds, les clubs ne devraient pas brader leurs meilleurs joueurs d'autant qu'il s'agit d'internationaux «A» et olympiques. Le produit tunisien, on en convient, n'est guère ce qui se vend le mieux sur le marché des transferts. D'ailleurs, les performances des pros tunisiens installés en Europe ne sont guère pour booster la cote de ce produit, encore moins sa valeur marchande. Mais de là à céder la fine fleur de notre foot (certes, tout est relatif) à des prix défiant toute concurrence (vers le bas, bien entendu) ressemble à s'y méprendre à une cruelle dévalorisation que rien, en fait, ne justifie. Pas même ce besoin urgent et pressant de liquidités pour pouvoir boucler la saison. On peut aisément comprendre que, dans le contexte actuel, chaque président ou trésorier de club aspire vivement à la fin de la saison. Mais sacrifier à la dangereuse politique de la terre brûlée — ou à ce qui y ressemble drôlement — en bradant le potentiel humain, le patrimoine le plus précieux pour chaque club, procède d'un impardonnable pillage de ses ressources. Des ressources pour lesquelles tant et tant de sacrifices avaient été consentis.