Par Ridha SAHLI Dernièrement, une étude d'opinion en Tunisie a démontré que plus de 80% du peuple tunisien fait confiance à son armée, et pour le reste des personnes sondées, elles restent simplement indécises. Et sans aucun doute, nulle personne ne peut contester la véracité de ce sondage. Le chiffre annoncé pour ceux qui font confiance à notre armée ferait des jaloux, même dans les anciennes démocraties où souvent les corps militaires connaissent une certaine contestation avec l'apparition de mouvements antimilitaristes. Dans ces démocraties, certains citoyens s'opposent même à l'existence des corps armés, arborant l'idée que leurs budgets grèvent les caisses de l'Etat. En Tunisie, depuis la Révolution du 14 janvier, c'est le contraire qui se passe. Le peuple, lors de cet évènement capital dans l'histoire de la nation, a compris l'importance et la place de ce corps au sein de l'Etat. D'ailleurs, les détracteurs de cette institution ont bien saisi que le salut public n'a pu être assuré que par la volonté, le courage et la discipline de toutes ses composantes quel que soit son rang. N'oublions pas que pendant les jours qui ont suivi le 14 janvier, il n'y avait que les militaires pour assurer la sécurité sur tout le territoire. C'était l'armée qui s'est exposée aux francs-tireurs et aux malfaiteurs. Et à ce propos, cette mission n'a pas faibli, même si dans nos villes les militaires sont moins exposés à nos regards. Il faut savoir que l'effort s'est déplacé sur les frontières, notamment sur la frontière du sud où une guerre oppose le peuple libyen à son dictateur. Personne ne peut oublier les gerbes de fleurs déposées sur les engins militaires par des sympathisants conscients du rôle qu'a joué cette institution formée par l'élite de ce peuple et qui, par amour à sa patrie, a intégré ce corps. Un corps qui représente le peuple avec toutes ses couches sociales, et plus spécialement la classe moyenne et les classes plus modestes. Il est vrai que le président déchu appartenait à ce corps ; mais il est incontestable que ce dernier n'a bénéficié pour autant d'aucun privilège. Au contraire, l'armée était reléguée au second plan afin de la neutraliser et éliminer ainsi toute tentative ou idée d'interventionnisme dans les affaires de l'Etat. La logique était simple, une dictature corrompue et impliquée dans les réseaux mafieux ne pouvait que détester un corps sain et intègre et, par-dessus tout, voué à la nation. Dans ce contexte, qui pouvait intégrer ce corps s'il n'était pas poussé essentiellement par l'amour de la patrie ? Et pourtant ce corps, historiquement et avec le temps, a regroupé une élite dans toutes les disciplines. Faut-il rappeler que le concours d'admissibilité aux écoles militaires a toujours nécessité de bons scores. Il est évident que les membres de l'armée n'ont jamais été motivés dans leur choix par l'intérêt pécuniaire ou autre. Ceux qui cherchaient des intérêts précis ne frappaient jamais aux portes des casernes. De là, on comprend parfaitement la philosophie de ce corps qui a regroupé les vrais enfants du pays, qu'ils aiment par-dessus tout, sachant qu'ils sont prêts à se sacrifier pour son drapeau. Rappelons que lors des évènements de la révolution, lorsque tout le monde dormait la nuit, il y avait nos militaires qui volaient au-dessus de nos maisons et surveillaient devant chez nous. Par conséquent, notre armée ne pouvait jamais dévier de son rôle protecteur des intérêts de l'Etat et, d'ailleurs, c'est la place d'un corps armé au sein d'une démocratie. Et puis, pourquoi ce corps changerait le sens des idées politiques instituant tout Etat moderne si ses membres sont patriotiques, sincères dans leurs attitudes, cultivés et formés dans les plus grandes écoles du monde ? A mes concitoyens je dirais qu'après la révolution, tous, sans exception, rêvons d'instaurer une démocratie et celle-ci ne peut prendre forme que si elle est défendue. Et celui qui dit défense, dit l'objectif de tout être, celui de garantir sa vie dans des conditions optimales de sécurité. Or ce résultat ne peut être atteint dans notre société que par des forces armées structurées et organisées. Toutefois, la seule nécessité pour atteindre une paix civile est de concilier le "politicien " avec le " guerrier ". En démocratie, cet équilibre sera facilement atteint si les règles du jeu sont établies par le texte suprême, la Constitution, l'expression de la volonté de tout un peuple. Entre militaires et politiciens, le seul leitmotiv qui guide l'action est l'intérêt national : au militaire le rôle de défense de la patrie et au politicien la gestion de la chose publique. R.S. *(Docteur en sciences juridiques et politiques, Avocat)