Par Jawhar CHATTY «La logistique : vecteur de croissance, de compétitivité et de développement régional». Les travaux de la conférence organisée mardi à Tunis autour de cette thématique se sont sans doute concentrés sur le développement d'une logistique propre à dynamiser et à rendre plus compétitif le secteur national de l'exploitation. Cette conférence a tout particulièrement mis l'accent sur le déficit dont souffre actuellement le pays en termes d'espaces logistiques alors même que le développement de ces espaces génèrerait en moyenne un emploi direct pour 100 m2 d'entrepôts. Les experts estiment dans ce sens que la réalisation de cinq millions de mètres carrés d'entrepôts en Tunisie est plus importante que la construction d'une nouvelle autoroute. A méditer, mais le plus grand mérite de cette conférence est d'avoir «effleuré» l'idée d'un développement en Tunisie d'une activité logistique à rayonnement méditerranéen. En termes de croissance, de création d'emplois et de compétitivité de l'économie nationale, l'impact du développement d'une telle logistique est évident. A moyen-long terme, cet impact est autrement plus important. D'ordre géostratégique, le développement en Tunisie d'une plateforme logistique, tournée vers l'espace euroméditerranéen, doterait notre pays d'une force de frappe insoupçonnée jusque-là et la positionnerait réellement et objectivement cette fois-ci comme partenaire stratégique et de proximité avec l'Union européenne. Le développement en Tunisie d'une telle plateforme viendrait en effet, et aussi étrangement que cela puisse a priori paraître, accélérer la réalisation de l'objectif stratégique que s'est fixé l'Europe à l'horizon 2020, pour éviter le déclin, du moins en termes d'économie d'énergie, de respect de l'environnement et de compétitivité de l'entreprise européenne. Concrètement en effet, la plupart des porte-conteneurs venant d'Asie passent aujourd'hui par le Canal de Suez, traversent la Méditerranée en ignorant les ports du Sud de l'Europe, ajoutant ainsi trois jours au temps de transport pour atteindre Rotterdam ou Hambourg. Le déchargement des marchandises dans un port atlantique ou nord-européen au lieu d'un port du Sud de l'Europe entraîne un surcroît financier et environnemental important qui nuit à la compétitivité de l'Europe. De plus, une redistribution du trafic portuaire permettrait une réduction de près de 50% des émissions de carbone. Selon une étude réalisée par le port de Barcelone, la distribution optimale des flux de conteneurs en termes économiques et environnementaux serait de 37% pour les ports du Nord de l'Europe et de 63% pour les ports du Sud. La même étude relève que plus de la moitié des conteneurs en provenance de l'Asie orientale et à destination de Milan, par exemple, est déchargée dans un port nord-européen. Cette réalité, qui s'inscrit carrément en porte-à-faux avec le minimum de bon sens économique et… logistique serait à l'évidence profondément bouleversée au grand profit de l'économie européenne si une plateforme portuaire et logistique viendrait à voir le jour dans le Sud de la Méditerranée. C'est là une opportunité historique qui se présente à la Tunisie nouvelle forte en cela d'indéniables atouts humains, géophysiques et géopolitiques. La réflexion sur le développement du secteur de la logistique mérite à cet égard d'être sérieusement entamée.