Par Abdessatar KLAI* Suite à l'article publié le 26 juin 2011 dans La Presse de Tunisie sous le titre «Au 36 rue Botzaris ou l'errance de jeunes squatters tunisiens, ci-gît la dignité», je ne pouvais que réagir sur ce drame humain qui se passe devant nos yeux et tirer la sonnette d'alarme auprès des autorités tunisiennes et des partis politiques tunisiens qui brillent par leur silence sur ce sujet afin de trouver des solutions pratiques à ce cauchemar. Quel parti tunisien s'est-il exprimé clairement sur les Tunisiens de Lampedusa que les Européens se renvoient d'un pays à l'autre comme des pestiférés? Ces jeunes désœuvrés ont jeté le discrédit sur l'image de la Révolution aux prises avec les autorités italiennes et françaises et vivent dans des conditions pour le moins dégradantes. Qui parmi les responsables du gouvernement a pris la peine d'aller voir du côté d'Aubervilliers où ces jeunes s'entassent comme du bétail? Qui a fait l'éducation populaire et pédagogique auprès de ces jeunes quand ils étaient en Tunisie ? Qui a tenté de les dissuader de partir, en leur décrivant les conditions dramatiques qui les attendent et qui vont du péril de la traversée à l'accueil hostile, voire au racisme? Personne…. Hélène, citoyenne française engagée pour la liberté et les droits de l'homme, me disait suite à ces images terribles passées à la télé : «Ce monde est bizarre. J'entends que les Tunisiens veulent fuir leur pays qui devient libre alors que les Japonais restent dans le leur qui devient contaminé au nucléaire» Bizarre oui bizarre. Et maintenant que Ben Ali et sa clique ont «dégagé», voilà que ça recommence. Tout se passe comme si le cours des choses s'arrêtait aux portes de Tunis, en fonction des enjeux du pouvoir et des intérêts particuliers. Des immigrés tunisiens affluent par milliers sur l'île italienne de Lampedusa et arrivent en France dans des conditions particulièrement pénibles, voire inhumaines et dégradantes. Il y a une grande incohérence à avoir eu le courage de braver et renverser le pouvoir dictatorial en place et, une fois ce but atteint et la liberté retrouvée, fuir son pays. On est alors en droit de se dire : tout ça pour ça ! C'est maintenant que la Tunisie a besoin de tous les siens et de toutes leurs forces afin que la transition vers un nouveau régime démocratique s'effectue rapidement et que le pays se redresse économiquement. A quoi aurait servi cette révolution si le peuple tunisien se montrait maintenant incapable de la faire fructifier ? Ne serait-ce pas conduire au chaos qui ouvrirait alors la porte à des perspectives beaucoup plus sombres pour ce pays que ce qu'il a connu sous l'ère Ben Ali ? Une chose est certaine : ce n'est donc pas en fuyant que les Tunisiens vont construire leur avenir. On ignore encore les raisons pour lesquelles ces milliers de Tunisiens ont choisi de quitter le pays qui vient de se libérer d'une dictature nauséabonde. La pauvreté, le chômage, le bon sens, l'opportunisme, les promesses de passeurs peu scrupuleux qui voient dans l'après Ben Ali un désordre propice à un miroir aux alouettes ? Ce que l'on sait, en revanche, c'est que bon nombre d'immigrants d'origine tunisienne, sans-papiers trimant sur le sol européen, et notamment en Espagne dans les exploitations agricoles et en France et en Italie dans les chantiers ou dans les restaurants, avaient transité par le camp de Lampedusa. Ils ont ainsi été absorbés par le monde du travail clandestin, main d'œuvre corvéable et opprimée. Un fait est sûr: toutes ces personnes sont des victimes. Victimes d'avoir payé une somme faramineuse à des passeurs peu scrupuleux. Victimes d'avoir cru au sempiternel miroir aux alouettes que constitue l'Europe, ce soi-disant eldorado où la vie ne peut être que meilleure que dans le village perdu. Victimes de croire qu'ils vont être bien traités alors qu'on leur réserve un sort funeste. Les autorités tunisiennes doivent assumer leurs responsabilités face à ce drame qui doit être une priorité politique afin de proposer les meilleures solutions pour le juguler et être "prêtes à coopérer" avec les autres pays pour bloquer le flux de Tunisiens émigrant clandestinement en Europe et non seulement publier des communiqués officiels demandant à la France de leur trouver du travail, ignorant un contexte français difficile où le chômage de masse sévit. L'avenir de ces Tunisiens est chez eux et nulle part ailleurs. Il faut aider la Tunisie à retrouver le calme, la paix civile et un développement harmonieux créateur d'emplois sur place.