Un juge d'instruction libyen a annoncé mercredi à Tripoli que 21 membres du Conseil national de transition (CNT), l'organe politique de la rébellion basée à Benghazi (Est), allaient être jugés dans les «prochaines semaines» par une cour spéciale. «Le dossier d'inculpation contre des membres du soi-disant Conseil national de transition a été finalisé et nous avons retenu 18 chefs d'inculpation contre 21 d'entre eux», a dit devant la presse internationale à Tripoli le juge d'instruction Khalifa Issa Khalifa. Le président du CNT, Moustapha Abdel Jalil, et 20 autres membres de cette instance reconnue comme unique représentant légitime du peuple libyen par plus d'une vingtaine de pays font partie des accusés. Ils sont poursuivis pour «atteinte à la révolution (du 1er septembre 1969) et à son chef Mouammar Kadhafi dans l'objectif de déstabiliser le régime», «espionnage pour le compte d'Etats étrangers (France, Royaume-Uni et Etats-Unis) dans le but d'aider à agresser et à envahir la Libye», «incitation à la rébellion et à la sédition et encouragement de la population à s'entretuer». L'accusation leur reproche également d'avoir «livré des secrets militaires à des Etats étrangers» et d'«attaques contre des positions militaires, des bâtiments publics et de tentative de changer par la force la forme du régime». Le juge libyen d'instruction, qui a refusé de préciser les peines encourues pour ces accusations, a affirmé que les membres du CNT allaient être jugés sur la base du code pénal libyen, datant de 1954. Le procès doit commencer dans les «prochaines semaines» devant une juridiction spéciale, a dit le juge d'instruction. Des convocations vont être adressées aux accusés, qui auront toutes «les garanties d'un procès transparent», a-t-il assuré. Outre M. Abdel Jalil, la liste nominative des prévenus fournie à la presse compte aussi, le numéro deux de la rébellion Mahmoud Jibril, l'ancien ministre de l'Intérieur, Abdelfattah Younes, l'ancien ambassadeur de Libye à l'ONU, Abdelrahman Chalgham et de son adjoint Ibrahim Dabbashi et le porte-parole de la rébellion, Mahmoud Chammam. La Libye est en proie depuis la mi-février à un soulèvement contre le régime du colonel Mouammar Kadhafi, au pouvoir depuis 42 ans, qui a été réprimé dans le sang. La partie ouest du pays est aux mains du régime hormis quelques zones — essentiellement Misrata et les montagnes de Nefoussa — la rébellion s'étant établie dans l'Est avec Benghazi pour «capitale». Les juges de la Cour pénale internationale ont délivré fin juin des mandats d'arrêt pour crimes contre l'humanité commis en Libye depuis le 15 février contre M. Kadhafi, son fils Seif a-Islam et le chef des services de renseignements libyens Abdallah Al-Senoussi. Tripoli a rejeté cette décision la qualifiant de «couverture pour l'Otan qui a essayé et tente encore d'assassiner Kadhafi», rappelant que la Libye n'est pas signataire du traité de Rome instituant la CPI et qu'elle «n'accepte pas la juridiction de la Cour». La rébellion reçue le 13 juillet par les pays de l'Otan Une délégation de la rébellion libyenne de Benghazi va être reçue le 13 juillet pour la première fois par l'ensemble des représentants de 28 pays de l'Otan au siège de l'organisation, a annoncé hier son secrétaire général Anders Fogh Rasmussen. "Le conseil de l'Otan (qui regroupe les ambassadeurs des pays de l'Alliance atlantique, Ndlr) aura une réunion informelle avec M. (Mahmoud) Jibril (le numéro deux de la rébellion) et d'autres représentants du CNT", le Conseil national de transition, a-t-il déclaré lors d'une conférence de presse à Bruxelles. "En plus, j'ai une rencontre bilatérale avec M. Jibril" prévue ce jour là, a ajouté le secrétaire général de l'Otan. L'information sur une rencontre en tête-à-tête entre M. Rasmussen et la rébellion libyenne avait filtré déjà la veille de source diplomatique, mais pas celle d'une réception par l'ensemble des pays de l'Otan, qui marque un pas supplémentaire dans la reconnaissance internationale du CNT. L'Otan, pour sa part, n'a pas encore de représentation à Benghazi. A cette occasion, un membre du CNT doit aussi rencontrer la semaine prochaine le président de l'Union européenne Herman Van Rompuy. Et il aura "probablement" aussi un entretien avec le président de la Commission européenne José Manuel Barroso ainsi qu'avec un haut responsable du service d'action extérieure européen, dont la chef, Catherine Ashton, sera alors absente. Si la diplomate en chef de l'UE a déjà reçu à Bruxelles un envoyé du CNT, côté Otan ce sera une première. L'opposition veut accéder aux fonds gelés Le numéro deux du Conseil national de transition lybien (CNT), Mahmoud Jibril, a appelé hier à Ankara la communauté internationale à mettre les fonds gelés du régime de Tripoli à la disposition de la rébellion. Le CNT, qui assure la direction politique de la rébellion, a par ailleurs signé un accord de crédit de 200 millions de dollars avec la Turquie. "Il y a peu de temps, nous avons remis un message à l'envoyé spécial de l'ONU pour la Libye pour qu'il le transmette aux membres du Conseil de sécurité, (demandant) que les biens de la Libye nous soient attribués", a déclaré à Ankara M. Jibril, selon la traduction en turc de ses propos. "La communauté internationale ne peut pas seulement soutenir notre combat contre le régime (...) Le peuple libyen soufre aussi de problèmes de faim, de pauvreté et de pénuries de médicaments et de logements", a-t-il ajouté, après des discussions avec le chef de la diplomatie turque Ahmet Davutoglu. M. Jibril a estimé que les Libyens habitant dans les régions toujours sous le contrôle du régime du colonel Mouammar Kadhafi vivaient dans des conditions plus pénibles que ceux des zones sous administration rebelle, soulignant que plus de 400.000 personnes avaient fui en Tunisie depuis la région de Tripoli. Il a assuré que le CNT ferait "des efforts pour dépenser la plus grande part de l'aide financière pour ceux qui ont fui en Tunisie et ceux qui peuvent être atteints dans des régions contrôlées par le régime". L'Onu a adopté en février des sanctions économiques contre les dirigeants du régime de Tripoli et des entreprises qui leur sont liées. L'Autriche a déjà indiqué fin juin qu'elle envisageait de confier à la rébellion les biens libyens gelés. M. Davutoglu a affirmé mardi que la résolution des problèmes financiers de la rébellion libyenne serait au coeur de la prochaine réunion du groupe de contact sur la Libye, le 15 juillet à Istanbul. Hier, le ministre des Finances et du Pétrole de la CNT, Ali Abdoulselam Tarhouni, a signé un accord avec la Turquie pour un prêt de 200 millions de dollars (140 millions d'euros), a rapporté l'agence de presse Anatolie.