Le mercato estival porte-t-il les stigmates d'un certain bradage du talent? Les clubs ont-ils exporté leurs meilleurs produits à l'étranger à leur juste prix? Tour d'horzion d'un sujet presque tabou Les détails financiers des transferts sont généralement entourés d'un halo de mystère. Comme si le volet reste gênant aux entournures. C'est pourquoi on part toujours sur des sables mouvants en voulant percer le mystère des indemnités de transfert. Certains exemples portent à croire que ni les joueurs en question ni leurs agents et encore moins leurs clubs n'ont montré suffisamment d'ambition, point de vue prétentions financières. La loi du marché est peut-être telle que la valeur marchande du joueur tunisien ne touche pas les cimes. A fortiori à la sortie d'une saison qui a traîné en longueur, empêchant à coup de trêves et de huis clos les footballeurs de se montrer hautement compétitifs. Le niveau technique du championnat de Tunisie représente au départ un lourd handicap. Tout comme celui de l'équipe nationale dont les performances en dents de scie découragent les recruteurs à puiser dans ce vivier. Bref, le produit made in Tunisia ne brille pas pas par un attrait exceptionnel. Il n'est pas actuellement ce qui se vend le mieux. Ainsi, le meilleur attaquant tunisien, l'Etoilé Ahmed Akaïchi, vient de signer pour le club allemand d'Ingolstadt (Bundesliga 2) un contrat de quatre ans contre une indemnité de transfert de l'ordre de 700 mille euros. Le meilleur buteur de la L1 (14 buts) ne vaut-il pas intrinsèquement beaucoup plus, d'autant qu'il n'a que 21 ans? Le défenseur central du Club Africain, Khaled Souissi, ses coéquipiers du milieu de terrain Wissem Yahia et Khaled Melliti ont été cédés pour moins que cela. Forcément dans de telles conditions, le phénomène interpelle les consciences sur la facilité avec laquelle nos clubs bradent leurs internationaux. Endettés jusqu'au cou — à l'image, du reste, d'une fédération dont le découvert frôle le milliard de millimes —, les associations trouvent dans ces transactions une planche de salut pour des budgets qui crient famine en cette saison post-révolution où quasiment toutes les sources de revenus se sont subitement taries. Dès lors, c'est un peu la stratégie du pis-aller, du moindre mal. Surtout qu'avec la facilité offerte aux joueurs de partir à renfort de clauses libératoires plus ou moins élevées, un club n'est jamais sûr de gagner, quoi que ce soit avec un joueur en fin de contrat. Le club de Akaïchi, l'ESS, accuse un déficit de près de deux millions de dinars. Celui de Yahia, Souissi et Melliti traîne un déséquilibre budgétaire récurrent. De liquidités, ils en ont le plus grand besoin pour procéder aux nécessaires recrutements d'intersaison. L'aspect sportif, dernier souci? Soutenus par des agents dont l'appât du gain n'est pas le moins important dans la prise de décision, les joueurs concernés peinent vraiment à distinguer la bonne graine de l'ivraie, empêtrés dans une course hâtive à ce qui paraît à leurs yeux l'Eldorado. Toucher cinq à dix fois ce qu'ils gagnaient en Tunisie suffit généralement à leur bonheur sans vraiment se soucier de l'exigence du standing du club dans lequel ils vont débarquer, ses ambitions et la marge de progression qu'il peut garantir. Sinon, qu'iront-ils faire les Akaïchi, Souissi et Melliti en deuxième division allemande ou française? Et qu'ira bien chercher Yahia au sein du modeste Mercin lequel vient tout juste d'assurer son accession en première division turque? Sans aller jusqu'à parler de «traite des footballeurs», ou d'un quelconque esclavagisme sportif, il y a incontestablement maldonne, un évident manque d'ambition, un décalage entre valeur du produit et le prix. Les footballeurs algériens et surtout marocains ont aujourd'hui une cote vertigineuse (El Arabi, Taarabt, Bennattia, El Hamdaoui, Chamakh, Boussoufa…) car ils font fureur là-bas. A quand un produit tunisien intéressant, économiquement bénéfique, payé à sa juste valeur et capable de progresser dans sa nouvelle destination? Et comment enrayer la logique du fameux «à prendre ou à laisser» imposée par un marché de joueurs sans scrupules?