Par Foued ALLANI A cause des garanties éthiques qui doivent l'entourer, l'action sociale et/ou humanitaire doit échapper aux intérêts des uns et des autres, a fortiori ceux ayant le pouvoir politique comme enjeu. Il y va de la crédibilité de cette action et de son essence qui doit rester imprégnée de désintéressement quoique cela soit très difficile à concrétiser au regard de tous ces scandales qui éclatent de temps en temps un peu partout dans le monde et qui viennent mettre à nu des pratiques en porte-à-faux avec la nature de cette action et de ses fins. Les partis politiques, dont l'objectif premier reste, quelles que soient leurs tendances respectives, le recrutement et la mobilisation d'électeurs potentiels, doivent donc et du fait de cette nature s'abstenir d'investir le créneau du social et de l'humanitaire afin de ne pas le pervertir. Toute tentative de s'y immiscer n'aura pour seule interprétation qu'une visée électoraliste. Les sociétés politiquement développées ont depuis longtemps résolu ce problème alors que chez nous celui-ci est devenu crucial et nécessite une solution radicale. La loi doit interdire catégoriquement à ces structures toute activité à caractère social et/ou humanitaire. Celle-ci doit par conséquent être l'apanage de l'Etat et des composantes de la société civile dont l'objectif déclaré dans ses statuts est ladite action. Quant aux entreprises économiques et aux particuliers, leur participation à ce créneau doit être régie par la loi, et ce, dans le but d'éviter tout dépassement. Car s'ils sont des acteurs essentiels de ce type d'activité en tant que donateurs, leurs apports respectifs ne doivent pas se faire aux dépens des bénéficiaires et de leur dignité. Nous avons déjà subi la machine propagandiste du régime déchu dans ce genre d'activité et mesuré à quel point elle a été récupérée par le RCD dissous. Ce dernier a, en passant, phagocyté toutes les structures à caractère social et/ou humanitaire de la société civile ou presque et s'est approprié leurs ressources à des fins hégémoniques allant jusqu'à «éliminer» toute structure de la société civile qui essayerait de lui tenir tête. Ainsi l'Union tunisienne de solidarité sociale (Utss) est devenue à la merci du RCD et de ses objectifs populistes et électoralistes. Ironie de cette rage sans vergogne de récupération, les frais de cérémonie et de couverture médiatique s'élevaient parfois plus que la valeur des colis eux-mêmes. Le Croissant-Rouge tunisien (CRT), doyen honorable des ONG à caractère social et humanitaire, en a souffert, mais a su résister, soutenu en cela par sa notoriété internationale. Voulant parrainer il y a quelques années une école rurale, il a programmé l'action et commencé à la concrétiser. Intervention urgente et énergique du délégué de la région qui a fait savoir que toutes les aides doivent passer par lui. Lire récupérées au profit du déchu. Certaines associations telles que celles s'occupant des myopathes ont souffert le martyre à cause de cette stratégie d'étouffement et de phagocytose ordonnée et réalisée par le pouvoir en place au profit du déchu et de sa machine «rcédiste». «Si nous vous offrons ces repas c'est afin que vous soyez présents le jour du vote», sermonnait sans vergogne ce secrétaire général du Comité de coordination du RCD, au cours d'un certain Ramadan du début des années 90, les citoyens démunis venus rompre le jeûne dans un soi-disant resto du cœur situé dans un quartier populaire du Grand-Tunis. Nous en étions témoin dans le cadre d'un reportage que nous faisions pour notre journal en présence de toute une armada de «responsables» politiques et administratifs, y compris le délégué de la localité. Erigée en véritable mascarade sous le régime «novembriste», la soi-disant action sociale et humanitaire made by Zaba et son clan est devenue au cours des toutes dernières années de sa dictature carrément folklorique. Pire, pitoyable. Alors tout le clan met la main à la pâte (et les poches des donateurs, cela va de soi). Une prolifération inquiétante d'associations se réclamant de ce créneau a donc vu le jour. A coup d'opérations médiatico-propagandistes, l'on s'employait, en obligeant les journalistes à en rendre compte, à forger l'avenir politique des Leïla, Sakhr, Belhassen, Imed, Cyrine, etc. D'où la nécessité de créer en plus une véritable barrière entre les politiques et les structures associatives à caractère humanitaire et social. Car interdits d'entrer par la porte, les partis politiques auraient tendance à utiliser les fenêtres. Un contrôle rigoureux doit donc être effectué auprès des structures de la société civile spécialisées dans ce créneau afin d'éviter toute allégeance de la part de celles-ci à des partis ou à des hommes politiques. L'opinion publique, médias en tête, doit donc être sur ses gardes afin de dénoncer ces agissements. Certains partis politiques se sont déjà lancés dans ce créneau avec la complicité sans doute innocente et naïve de certains médias. A chacun donc sa mission.