Par Abdelhamid Gmati Le peuple tunisien peut faire de grandes choses. On le sait et à force d'être répété, même les sceptiques finiront par le savoir. Les jeunes et les moins jeunes, qui, à Sidi Bouzid, à Kasserine, à Thala et ailleurs à travers la République, ont pris la rue pour dire leur ras -le-bol, semblent avoir adopté et mis à exécution le slogan brandit par l'Américain Barak Obama pour devenir président de son pays : «‑Yes, we can‑» (oui, nous pouvons). Ils ont prouvé qu'ils pouvaient accomplir ce qui semblait invraisemblable, impossible‑: ils ont viré leur dictateur comme un malpropre. Et ils continuent à faire des choses. Toutes les composantes de la société sont parties prenantes. Les uns, en occupant la chaussée, d'autres dans leurs bureaux, les administrations, les sociétés privées et publiques, les instances, les commissions, les syndicats, les associations, les partis politiques, les médias, les travailleurs, les chômeurs, les jeunes et les moins jeunes, hommes, femmes, tous veulent prouver qu'on peut. Et de fait on peut. Après le dégommage du dictateur, la population a relevé un autre défi difficile : gérer les conséquences et les effets de la guerre en Libye. Et cela a été fait de manière intelligente et efficace conformément à la culture et à la personnalité de ce peuple. Les instances internationales chargées de ce genre de problèmes des réfugiés ont d'abord été surprises, et elles ont rendu hommage à la population tunisienne pour son accueil, son abnégation, son hospitalité, son humanisme. Cela n'était pas évident dans un pays en pleine révolution où tout est instable. Comme cela n'était pas évident de faire face à une situation inédite de l'après-dictature. Les Tunisiens, malgré les difficultés et les obstacles ont fini par établir une feuille de route à suivre pour édifier une démocratie. Les échéances ont été fixées et les électeurs tunisiens iront faire leur choix et dire leur volonté le 23 octobre prochain. Il y a là un consensus remarquable dans lequel tous se sont engagés, y compris les anciens et nouveaux partis politiques dont plusieurs ne font plus du surplace et s'engagent résolument dans l'action commune. Même s'il subsiste encore quelques réfractaires, quelques sceptiques, quelques nihilistes : cela fait partie du jeu, en démocratie, il faut bien des Cassandre. On nous dit, officiellement que «‑le nombre d'entreprises endommagées opérant dans l'industrie et les services connexes, s'élève à 265, jusqu'au 15 juillet, dont 135 ont été directement endommagées. Le volume des dégâts de ces entreprises est estimé à 173 millions de dinars, ce qui a engendré la perte de 10.500 postes d'emploi essentiellement dans les activités de l'électroménager‑». Cela n'empêche que 2.956 entreprises ont été constituées, contre 2.998 pendant le premier semestre de 2010. Et durant les six premiers mois de l'année en cours, la Banque de financement des petites et moyennes entreprises a approuvé 182 projets dont 134 nouveaux projets et 48 extensions… pour près de 3. 000 emplois prévisionnels. On nous dit aussi que la difficile conjoncture économique a poussé l'Agence de notation «‑Standard and Poor's «‑SP‑» à abaisser la perspective de la dette de la Tunisie (de BBB- "stable" à BBB- "négative"). Cet abaissement renchérira le coût de l'emprunt pour le pays sur les marchés internationaux et le poussera à recourir aux ressources de financement bilatérales. Mais on apprend, entre autres, que la BEI (Banque européenne d'investissements) pourrait injecter jusqu'à 1,87 milliard d'euros dans l'économie tunisienne pour financer des projets et que la Banque islamique de financement (BID) va financer deux projets d'une valeur de 80 millions de dinars. D'aucuns ont peur de ces financements et crédits étrangers et critiquent le gouvernement lui reprochant d'endetter le pays. Ce à quoi l'UGTT, revenue à des positions plus responsables, répond : « Si vous contractez des crédits pour investir à Sidi Bouzid, Gafsa, Siliana et d'autres régions similaires, dans des projets prioritaires, n'hésitez pas à le faire et le plus rapidement possible. L'UGTT est avec vous et soutient vos démarches, lui affirme-t-il. Nous avons besoin d'investissements et d'ailleurs nous soutenons les efforts du gouvernement auprès des investisseurs étrangers et menons nous-mêmes nos campagnes à l'étranger dans ce même sens ». On pourrait citer plusieurs autres actions similaires, comme la loi sur les partis, le code de la presse, ou les trois millions de dinars qui viennent d'êtres versés en indemnisation des tout premiers dossiers soumis par des entreprises sinistrées suite aux événements des émeutes et mouvements populaires survenus entre le 17 décembre 2010 et 28 février 2011...Ou la naissance de «‑l'Association tunisienne de culture amazigh‑» qui a obtenu récemment son visa légal et qui se propose de mettre en valeur le patrimoine civilisationnel amazigh de la Tunisie, le développer et le faire connaître à l'intérieur du pays et à l'étranger, le valoriser et l'exploiter au service du développement intégral, notamment dans les régions amazighophones…Ou, en plus prosaïque cette nouvelle : «‑La ville de Hammamet, à l'instar de nombreuses autres en Tunisie, compte parmi ses traditions les coups de canon annonçant le début du mois de Ramadan, l'heure de la rupture du jeûne et la fin du mois saint. Mais en 2010, le canon est resté muet pour ne pas effrayer un tigre. Cette année, les trois coups ont retenti, accueillis avec un grand plaisir par les citoyens‑». Il se trouve, hélas, que «‑celui qui peut le plus, peut le moins‑». On nous dit, très officiellement que «‑la production des entreprises industrielles a enregistré une baisse à cause des sit-in et des grèves continus. Les grèves observées dans la région du bassin minier ont coûté à l'économie nationale environ un million de dinars‑». «‑Le nombre de blocages de routes et d'accès aux entreprises a augmenté de 80% avec 184 cas, outre les sit-in qui ont atteint 156 cas durant le mois de juillet. Certains actes sont tout simplement inadmissibles, faisant allusion à titre d'exemple aux coupures délibérées d'eau et d'électricité ayant atteint le nombre de 17 au mois de juillet, contre 6 au mois de juin, en insistant sur le caractère nocif voire dangereux de ces actes‑». On apprend que les chauffeurs de bus de la Transtu menacent d'entrer en grève à partir du 9 août, selon African Manager. Ils revendiquent l'amélioration de leurs conditions de travail et financières. De même les agentes et cadres de la Société Tunisienne du Sucre, qui ont procédé le 23 juin dernier à un premier mouvement de protestation, menacent de se mettre en grève les 8 et 9 août 2011. Et ces incidents déplorables à Jebeniana, et ailleurs… La majorité de la population a souffert pendant des décennies de ne pouvoir faire grand-chose. Certains profitent de la liberté retrouvée pour prouver qu'on peut et si possible faire le plus. D'autres, hélas, pensent «‑pourquoi faire plus quand on peut faire moins‑». Pour finir, cette citation de Barak Obama : «‑Oui, nous pouvons la justice et l'égalité. Oui, nous pouvons les chances et la prospérité. Oui, nous pouvons guérir cette nation‑». On dirait que c'est un Tunisien de bonne volonté qui parle.