Par Danièle STAMBOULI Par une soirée couleur bleu nuit étalée harmonieusement sur la palette du ciel, Monastir, Place du 3 août, face à Sidi Mansour, à la mer, à l'infini, célèbre son héros préféré, Habib Bourguiba. Qui, l'an passé, à la même époque, eût rêvé ou parié sur cette éventualité ? Et pourtant, la fête eut bien lieu, organisée par des citoyens volontaires et généreux, désireux d'offrir à leurs concitoyens et concitoyennes un spectacle populaire digne de leur grand homme et de la liberté retrouvée depuis le 14 janvier. Dès 22 heures, les gens affluent et se disputent gentiment les rares sièges encore disponibles, puis les nouveaux et nouvelles arrivants s'installent sur les murets bordant la Place ou la promenade, certains grimpent sur le Marabout, tandis que d'autres s'invitent sur les balcons et terrasses dominant l'espace du spectacle à venir. Enfin celui-ci s'annonce : une troupe de musiciens, partie de la route de la Corniche fend la foule, étendards verts, rouges, jaunes portés à bout de bras –la dakhla- et s'avance vers l'estrade où trône une immense photo de Bourguiba et sont accrochées des banderoles partisanes. Applaudissements, youyous... Un «fan» ému s'empare du micro pour évoquer le héros puis le déroulement des réjouissances. Troupes et musiques se succèdent, certains chants à la gloire du président disparu, d'autres à caractère sacré, tous ponctués d'approbation, d'encouragement et de signes d'allégresse. Comble de joie : les musiciens frappent d'une main leur «bendir» et de l'autre le font tournoyer sur le bout du doigt. Quelle magnifique dextérité ! Quelle adresse ! Les jeunes envahissent l'espace compris entre l'estrade et les premières rangées de chaises; ils danseront sans répit au rythme des percussions, qui, faisant tourner un portrait de Bourguiba gravé sur tissu à la main, qui, un enfant sur les épaules. Tous les visages rayonnent. Clic-Clac, Clic-Clac : musiciens, danseurs, anonymes fixés sur les portables pour éterniser une soirée si joyeuse et spontanée ... Puis, une pluie de feux d'artifice se lance dans le ciel et une multitude d'étoiles rouges, jaunes, vertes fusent dans la nuit pour disparaître, éphémères, tels des météorites absorbés par l'immensité, sous les youyous, les cris et encore les applaudissements. Plus magique, des lanternes de feux jetées à l'assaut de la mer s'envolent … vers quelle destination? Les spectateurs et spectatrices discutent et échangent leurs impressions, la parole se libère dans le bonheur d'une soirée partagée, les fillettes, ravissantes petites princesses et les garçonnets vêtus de neuf comme pour l'Aïd s'éparpillent de-ci-de-là mais jamais trop loin ! Cette foule bon enfant, d'une gaieté familiale, dans sa liberté enfin retrouvée, se prend en main et gère, grâce à l'aide de quelques organisateurs, l'évènement. Pour preuve: aucun incident, aucun uniforme, aucun appel d'urgence … Pour clore le court récit de cette «première» vécue au cœur d'une convivialité appelée, désirée, que dire, sinon rendez-vous l'an prochain, à la même date, au même endroit avec les mêmes troupes, le même enthousiasme populaire dans une citoyenneté réaffirmée et raffermie, espérons-le , pour tous et toutes et pour la Tunisie tout entière.