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L'insoutenable défectuosité de l'information en Tunisie
Opinions


Par Abderrazak BEN AMAR*
Je vais essayer de présenter certaines des imperfections de l'information actuelle en Tunisie. Dans la liesse révolutionnaire, j'ai vite pensé que parmi les acquis que les Tunisiens pouvaient espérer, c'était d'avoir une information émancipée, que les dons et les vocations, longtemps frustrés, sauraient réaliser la transcendance du métier de journaliste. Mais voilà que ma déception ne se fait pas trop attendre. Certes, on assiste à une évolution au niveau de la quantité de la matière de communication : le nombre de journaux dépasse aujourd'hui la cinquantaine, les radios privées se multiplient, un grand nombre de demandes de création de chaînes télévisées privées sont actuellement à l'étude. Cependant, le travail nécessite encore beaucoup de soin. Déjà les trois télés nous présentent une pléthore de débats politiques. Par la redondance d'un nouveau discours, nous assistons à la naissance d'un registre auquel s'habituent certains téléspectateurs, mais d'autres, et ils sont nombreux, affirment ne rien comprendre et affichent leur désarroi quant à leur choix le jour des élections le 23 octobre prochain.
Tout cela est présenté avec une certaine nostalgie du parti pris : on doit reconnaître que l'indépendance des médias traditionnels (journaux, radios et télés) n'est pas encore acquise. Le gouvernement transitoire n'est pas du genre à encourager leur émancipation, surtout si l'on pense aux manières hautaines, et surtout frustrantes, dont Béji Caïd Essebsi, Premier ministre du gouvernement provisoires, a fait preuve les quelques fois qu'il a eu affaire à des journalistes. Non moins humiliante, mais surtout pas étrange de sa part, la violente réaction de Abdelaziz Ben Dhia qui ne s'est pas gêné en poussant agressivement par sa patoche la jeune journaliste qui voulait lui poser une question lors de son entrée au tribunal pour comparaître en justice. Aussi différents soient-ils, les deux renient le droit du citoyen à l'information et ne cachent pas leur irrespect pour les journalistes. En effet, l'appareil de l'information n'a pas encore eu l'attention qu'il mérite. Ce qui nous amène à conclure que l'ancien régime est toujours là et que ses survivances sapent la volonté de changement dans ce secteur, même s'il y a quelques tentatives pour se connecter à l'esprit révolutionnaire. Les moyens d'information demeurent en panne d'objectivité. La plupart des journaux qui paraissent en Tunise sont les porte-parole de partis politiques dont la mission n'est pas d'informer comme il se doit. Les lecteurs en quête d'une connaissance objective se rendent facilement compte qu'ils ont entre les mains un outil de propagande pour tel parti politique. D'autres journaux, ceux dont les fondateurs prétendent qu'ils sont indépendants, sont réellement loin de l'être car l'impartialité y est sacrifiée et le journaliste plonge dans l'attaque ou dans l'éloge, suivant le cas, d'un parti politique, d'un acteur économique ou politique, ou encore d'une personne influente. J'ai assisté à une scène qui illustre bien ce cas. Le 24 juillet dernier, alors que j'étais dans un café du centre-ville de Sfax, j'ai vu un jeune homme distribuer gratuitement à toutes les personnes présentes un journal en arabe. J'en ai pris volontiers un sans comprendre alors cet acte inouï de générosité. Mais j'ai appris par la suite qu'un homme très influent a acheté, par l'intermédiaire de ses agents, tous les exemplaires du numéro paru ce jour-là pour en faire don ou plutôt pour faire part du contenu de la page 25 dont l'article s'intitulait «La sensationnelle histoire de l'avocat... avec les employés, l'argent et les hommes d'affaires !». Certes rien ne prouve que cet homme «généreux» était préalablement au courant de la parution de cet article ce jour-là et son acte serait évidemment prémédité. Mais ce qui est sûr, c'est que ce journal, présenté comme indépendant, a servi bel et bien les intérêts de l'un des protagonistes d'une sale affaire. Donc l'objectivité de l'information demeure très relative. C'est un slogan plus qu'une réalité. Rares sont ceux qui s'en soucient vraiment; alors que les médias sont de véritables armes dont l'usage nécessite un très haut niveau de conscience, de bon sens et d'éthique. Pour toutes ces raisons, le métier de journaliste doit être aujourd'hui repensé.
Il est nécessaire de prendre de la distance par rapport au passé pour se libérer de la logique de l'ancien régime. C'est ainsi que l'on peut se rendre compte qu'on a failli au devoir d'informer objectivement. La reconnaissance de l'erreur, c'est déjà la prise de conscience qu'on s'était emballé pour la dictature de Ben Ali. Seul le journal La Presse a fait son mea-culpa dans son numéro du 30 janvier 2011.
D'autre part, autant les moyens d'information se sont multipliés, diversifiés grâce aux nouvelles technologies et aux réseaux sociaux, autant leur usage devient plus délicat. Aujourd'hui, l'homme devient le producteur et le consommateur de l'information. Ce domaine, comme d'autres, s'est popularisé. Aussitôt produite, l'information s'étend horizontalement pour être directement à la portée de tous. La jeunesse tunisienne est bien branchée Internet et Facebook; elle a fait bon usage et est parvenue à faire tomber la dictature le 14 janvier 2011. C'est grâce à cette révolution avec ses trois principales revendications — la liberté, la justice sociale et la dignité — que nous jouissons aujourd'hui de la liberté d'expression. Le problème c'est comment en faire bon usage avec les survivances du passé qui réapparaissent manifestement dans nos réflexes ? Bien entendu, en se référant toujours à l'âme de la révolution, aux problèmes et aux préoccupations réels de ceux qui l'ont faite, afin de rompre définitivement avec la langue de bois et toucher aux problèmes réels. Il faudra une nouvelle culture de l'information car ces survivances on les retrouve chaque soir sur les trois chaînes télévisées tunisiennes. On remarque aisément le parti pris chez une journaliste de la chaîne Nessma quant à sa façon de diriger les débats politiques.
En effet, elle a du mal à se tenir dans l'impartialité dont elle doit faire preuve dans son métier. Ses fréquentes interventions injustifiées embarassent l'interlocuteur et font que le débat soit saccadé. Cela est insoutenable dans le contexte révolutionnaire actuel.
Le journaliste qui saura faire convenablement son métier c'est celui qui sera capable de prendre du recul par rapport au déroulement des événements, aux opinions des acteurs politiques et aux émissions qu'il animera. Il se distinguera par sa vaste culture et par son réflexe professionnel. Il ne se contentera pas de jeter en l'air des idées, mais il saura toucher au contenu; et parce qu'il respecte le téléspectateur, il lui présentera un produit sérieux. C'est pour cette raison qu'il ne peut pas être cet autre journaliste de Nessma, qui avec une grande placidité, n'a pas hésité à consacrer à la fin du mois de janvier dernier une interview à l'un des plus redoutables agents maléfiques du dictateur déchu, à savoir Iyadh Ouederni qui prétendait tout ignorer des méfaits de l'ancien régime‑! On peut imaginer le mépris et l'outrage que ce journaliste a fait subir aux Tunisiens.
Le profil du journaliste de l'après —14 janvier n'est certainement pas celui qu'on retrouve sur les chaînes qui ont malicieusement profité de cette air de liberté pour daigner offrir l'occasion à des symboles du régime bourguibien, entre autres Tahar Belkhodja et Mohamed Sayah, pour se disculper des atteintes qu'ils ont portées au peuple tunisien et pour redorer leur image ternie après une sale carrière politique.
Quant à ce journaliste de Hannibal qui continue à présenter l'émission «El Moussamah Karim», il paraît qu'il n'a pas entendu parler de la dignité comme valeur revendiquée lors de la révolution ou bien il en ignore le sens. Car cette émission est anachronique aujourd'hui. A-t-on le droit de faire des problèmes personnels de pauvres citoyens en détresse un spectacle‑? Dans quelle mesure est-on vraiment capable de leur apporter l'assistance souhaitée ?
Il est inadmissible d'utiliser un langage dépréciant l'être humain ou de véhiculer ce sentiment de pitié artificiel qui entretient et défend implicitement la fatale culture du bon et du méchant. Bref, cette émission telle qu'elle est faite offense l'homme et puisqu'elle est un produit de l'ère des injustices, elle n'a plus de place aujourd'hui. La même chaîne Hannibal s'est arrogé le droit à la partialité et ne se gêne pas de réserver pendant tout le mois de Ramadan l'émission «Saha chribetkom» à Abdelfattah Mourou, figure emblématique d'Ennahdha, même s'il n'y a pas adhéré, comme il le prétend, parce qu'Ennahdha il l'a dans les veines. Malgré les appels de nombreuses personnalités pour que Hannibal revienne sur cette décision, rien n'a été fait, et le prédicateur Mourou fait régulièrement sa campagne politique avant la lettre.
Donc ces exemples et tant d'autres montrent qu'il reste beaucoup à faire, pour pouvoir parler d'une information émancipée, objective et surtout valable pour tous les citoyens. L'information est un pouvoir qui est l'un des piliers de tout régime politique. Le dictateur déchu est allé très loin dans l'artifice pour entretenir une schizophrénie collective usant des ingrédients les plus amers (mensonge, hypocrisie, illusion, discours élogieux, mystification, bluff…et j'en passe). Nous sommes encore les héritiers de cette vile culture, mais nous nous apprêtons à préparer l'alternative en nous dotant de moyens sûrs, réels pour atteindre une nouvelle information en parfaite synchronie avec les différentes composantes du modèle social auquel on aspire. Cette œuvre n'est pas aisée et le processus ne fait que commencer, car elle s'insère dans une action globale d'assainissement de la magistrature et de la police mais aussi dans les nouveaux choix socioéconomiques, politiques et culturels.


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