Par S. JOUINI Le 23 octobre 2011, les citoyens tunisiens qui se déplaceront pour voter auront le privilège de répondre pour la première fois de leur histoire à cette question. En effet l'identité de la Tunisie est multiple et complexe. Elle est le produit de son histoire millénaire si riche et de sa géographie si particulière, à la pointe nord de l'Afrique, à 200 km à peine des côtes européennes de Sicile Tour à tour balayée par des influences contraires venues successivement d'Orient et d'Occident, nos ancêtres les berbères ont résisté puis se sont fondus dans les civilisations phéniciennes puis romaines, arabes puis turques et françaises. Ainsi notre patrie a donné naissance à des empereurs romains tels Septime Sévère avant de donner à la Turquie ottomane des hommes d'Etat de la trempe du grand Kheireddine. Il est resté de cette histoire si particulière, et si différente de celle du Moyen-Orient, une ouverture aux autres, une grande tolérance et une capacité unique de comprendre aussi bien l'Orient que l'Occident. La meilleure preuve en est nos paraboles tournées à la fois vers l'Europe et le Moyen-Orient. Cette synthèse des cultures méditerranéennes opérée par les Tunisiens, se retrouve dans notre langage quotidien hybride où se côtoient naturellement français, arabe, italien et turc (dolma, kira, tarzi…). Ce langage qui correspond à notre réalité a été " officialisé " en quelque sorte par des chaînes de radio comme Mosaïque FM. Cette synthèse se retrouve également dans notre gastronomie, dans nos lectures, dans la musique que nous écoutons et jusque dans nos rêves…. Le 23 octobre 2011, les Tunisiens auront 2 choix possibles : - soit celui d'une société ouverte, tolérante et multi-culturelle correspondant à l'entièreté de notre identité et de notre histoire - soit celui d'une société repliée sur une partie seulement de son identité, copiant des modèles rétrogrades venus d'une partie du Moyen-Orient dont l'histoire et la sociologie sont totalement différentes des nôtres. C'est ce choix de société qui doit être aujourd'hui clairement revendiqué sans honte et sans fausse pudeur par les différentes formations politiques. L'heure n'est plus au consensus mou qui désespère et démobilise l'électeur. De multiples sondages d'opinion ont montré que les Tunisiens dans leur grande majorité, n'arrivaient pas à distinguer les programmes de la centaine de partis présents sur la scène politique. Pourtant hormis des différences minimes d'orientation économique (la majorité de nos partis gravitent autour du centre droit ou du centre gauche), il existe bien une ligne de démarcation claire et compréhensible par tous. C'est celle justement du modèle de société. Or, au lieu d'assumer cette ligne de fracture saine et nécessaire dans toute démocratie pour mobiliser les électeurs, nos partis jouent une partie de poker menteur censée rafler la mise et risquant de conduire tout le processus électoral à l'échec. Il est temps d'affirmer qu'il existe aujourd'hui en Tunisie un combat politique entre d'une part, les religieux (qui n'acceptent la République que comme une étape vers le califat comme l'ont déclaré récemment des hauts responsables d'Ennahdha) , et les Républicains authentiques. Il est temps que les partis politiques républicains se positionnent clairement et démasquent les ambiguïtés ainsi que le double langage d'Ennahdha. Les Tunisiens méritent de choisir en connaissance de cause. Il revient aux vrais républicains de les éclairer sur ce choix. Que le PDP, Ettajdid, Ettakatol , Afaq Tunis et d' autres sortent de leur léthargie et traitent enfin Ennahdha et ses alliés comme de véritables adversaires politiques, ce qui n'exclut pas le respect des convictions d'autrui. Si les partis républicains d'aujourd'hui ne le font pas courageusement sous des prétextes politiciens, ils seront comptables de leur forfaiture devant l'Histoire.