Il est vrai qu'il existe, de nos jours, dans le gouvernorat du Kef, des structures culturelles, mais elles relèvent toutes (uniquement) de la compétence de l'Etat et ont pour la plupart une activité réduite pour ne pas dire au point mort. Il en va ainsi par exemple du Centre d'art dramatique du Kef et de la maison de la culture du Kef. A l'instar des autres maisons de la culture du gouvernorat, sous l'ancien régime, ces structures ont, quasi, systématiquement tenu à l'écart les acteurs de la société civile et elles peinent encore beaucoup aujourd'hui à occuper un véritable rôle dans le développement culturel. Voilà un fâcheux et triste constat qui ne concerne, malheureusement, pas que la ville du Kef. Un état des lieux déplorable qui a amené une bande d'amis keffois, opérant tous dans le domaine culturel, à essayer d'arranger, un tant soit peu, les choses, à contribuer au développement de la ville à travers la promotion de sa vie culturelle. Un projet en gestation voilà bien des années mais qui n'a pas pu être concrétisé pour des raisons connues par tous. Un besoin de changement, de renouvellement qui devient de plus en plus urgent, après les événements qui ont secoué le pays. Et voilà que naisse l'Association des Arts pour le cinéma et le théâtre du Kef (ACT), créée au lendemains de la révolution par des amis keffois : Amir Gueddiche, Slim et Rjeb Magri et Haythem Ben Gadri. «C'est en réponse à la sclérose culturelle qui touche notre ville que nous avons décidé de lancer le projet de développement local, qui porte un titre éponyme à l'image de son objectif principal «Faire revivre le gouvernorat du Kef par la culture». Ce projet vise notamment à réhabiliter le «Théâtre de poche», un espace appartenant à la municipalité du Kef dont la vocation culturelle a été dévoyée les dernières décennies par l'ancien parti RCD qui y tenait des réunions politiques. Nous tenons, aujourd'hui, à réinvestir cet espace en lui rendant sa vocation culturelle, tourner, ainsi, la page de l'ancien régime et permettre aux habitants du Kef, et plus largement du gouvernorat, de se le réapproprier.», affirme le président de l'Association, Amir Gueddiche. En effet et comme le précise encore ce dernier, ce nouvel espace culturel offrirait un contrepoids aux institutions étatiques, souvent peu actives et ne menant pas d'actions de sensibilisation en faveur des publics, notamment des jeunes et des enfants, qui sont pourtant les forces vives du gouvernorat du Kef. Cette volonté de se positionner comme une alternative associative à des institutions étatiques n'empêchera pas, au contraire, des collaborations avec ces dernières. Des partenariats seront notamment recherchées avec l'Institut supérieur de théâtre du Kef et les maisons de culture du gouvernorat, ainsi qu'avec les festivals emblématiques («24 heures du Kef», «Festival de la Médina»), que cette initiative contribuera à revitaliser. Ces quatre amis ne sont pas à leur première action culturelle et ils ont déjà participé à différents événements, tels que l'élaboration, avec le Syndicat des guides touristiques de Tunis et la maison de la culture du Kef, d'un circuit touristique des différents monuments historiques du Kef, l'organisation d'une journée d'animation (parade musicale au centre-ville,concerts, danses, et projections) au Kef sur le thème de l'annulation de la dette en Tunisie avec le concours de l'association apolitique Raid Attac. Ils ont été également coordinateurs artistiques, en animant des caravanes de sensibilisation pour l'inscription sur les listes électorales dans tout le gouvernorat du Kef, menées par l'association Femme et Citoyenneté. Enfin ils ont récemment participé avec l'Institut français de coopération (IFC), au projet «La Route du cinéma», avec la projection (le 23 juillet dernier) de deux courts métrages tunisiens, Linge sale de Malik Amara, La dernière séance de Walid Hlél et le long métrage signé Mourad bechikh Plus Jamais peur «Notre projet «Faire revivre le gouvernorat du Kef par la culture» veut faire de la culture un axe fort du développement local, en misant sur une participation active de la société civile. Pour ce faire nous comptons sur d'éventuelles aides financières afin d' aménager le «Théâtre de poche», qui, actuellement, se trouve dans un fort état de délabrement (fuites d'eau sur le toit etc.) et acquérir tout un matériel d'équipement adéquat pour l'espace», précise Amir Gueddiche. Si tout va bien, l'action démarrera en février 2012 avec le lancement du chantier de réhabilitation et l'aménagement du «Théâtre de poche» qui offrira une salle de spectacles et de cinéma (35mm et numérique) avec160 places afin d'accueillir tous genres de festivals, ses loges et son espace convivial et un espace détente «Le café de poche». Si la réhabilitation de ce lieu est indispensable à la mise en œuvre de l'action et constituera une des premières activités, ce sont surtout les autres activités qui donneront sens au projet. Ces activités principales consisteront en l'animation d'un atelier de théâtre pour enfants, l'accueil régulier, en création, ou pour une simple diffusion, de petites formes de spectacles vivants. La programmation du Théâtre s'inscrira dans une logique de complémentarité avec les autres manifestations culturelles (participation aux «24 heures du Kef» etc.). Il sera également question de projections de films dans l'espace et dans tout le gouvernorat, avec le lancement d'un ciné-club adulte (qui a existé par le passé mais qui n'est plus actif aujourd'hui faute de lieu) et un ciné-club enfants (projections de films le dimanche matin). L'association proposera aussi, dans une logique de développement touristique et de développement durable, du théâtre et des programmes d'animation de rue dans les lieux patrimoniaux. L'espace accueillera également des conférences, des rencontres et autres débats hebdomadaires à l'initiative des associations partenaires («Femmes et Citoyenneté», «Femmes et Progrès», « Regard de l'enfance »). Au quotidien, et aux dires des initiateurs, le «Théâtre de poche» pourrait être un lieu d'échanges et de rencontres où les habitants pourront venir se ressourcer, lire des journaux, prendre un verre, se renseigner sur l'agenda culturel et obtenir des informations sur les associations du gouvernorat et leurs activités. Voilà un programme plus qu'alléchant et une belle initiative. Nous ne pouvons qu'espérer que tous ces beaux projets se concrétisent.