• 38 autorisations de construction de kiosques octroyées et 91 avec avis favorable en attente • Les conseillers municipaux menacent de démissionner Depuis le 14 janvier 2011, la ville de Nabeul, comme d'autres villes tunisiennes, a vécu au rythme de l'anarchie. On ne compte plus les marchands ambulants qui se sont sédentarisés un peu partout dans la cité, transformant cette dernière en un vaste souk. Pis encore, sous la houlette du maire rcdiste sortant, une multitude d'autorisations ont été octroyées au profit d'un certain nombre d'individus en vue de construire des kiosques sur les trottoirs des grandes artères de Nabeul. Un héritage dur à gérer par le conseil municipal provisoire. Il suffit de faire un petit tour du côté de l'avenue Habib Thameur, la deuxième grande artère de la ville de Nabeul, pour réaliser l'ampleur des dégâts. Au niveau de la place des droits de l'Homme en face de la gare routière de la Srtgn, une concentration anormale de trois kiosques construits récemment interpelle le passant. Un peu plus loin, sur le grand trottoir de l'ancien hôpital régional de Nabeul, où se trouve aussi l'arrêt des taxis à destination de Hammamet et d'El Mrezga, une autre série de kiosques, tous contigus les uns aux autres, privent les piétons de leur droit de marcher en toute sécurité sur le trottoir et donnent au lieu à un aspect de laideur. Et cela continue, tout près de la mythique place de la Jarre et juste en face du tribunal de première instance de Nabeul : un autre kiosque en construction émerge, suscitant le ras-le-bol des citoyens qui, depuis la venue de la révolution de la dignité, ont vu jour après jour leur ville se transformer en un véritable ghetto avec des kiosques et des bicoques qui ne cessent de pulluler comme les méduses sur nos rivages et de foisonner comme des champignons. Baltaguia en œuvre Selon M. Ahmed Hlaili, ingénieur en informatique au sein à la municipalité de Nabeul, jusqu'à l'écriture de ces lignes, «38 autorisations pour construire des kiosques ont été octroyées dont 12 ont donné lieu à des opérations de construction par leurs propriétaires. On a dénombré aussi la construction de 4 kiosques sans autorisations». Il ajoute : «Mais le pire reste à venir ! L'ancien maire et son bureau ont signé 91 avis favorables (autorisations préliminaires) sous la pression d'une bande d'énergumènes et de personnes qui présentent un dossier judicaire bien garni. Il reste à noter qu'une commission fictive (imaginaire) a été mise en place pour se charger de ce dossier. Mais tout le monde savait que seul M. le maire ainsi que sa secrétaire étaient derrière tout cela». Il renchérit : «En effet, tout a commencé en février dernier. Des «sit-in» ont été organisés devant le bâtiment de la municipalité pour dissoudre le conseil municipal qui est composé dans sa majorité par des membres issus du RCD comme cela a été le cas durant les 23 ans du règne de Ben Ali. Le 14 février 2011, le maire a fait appel à une bande d'individus pour le soutenir afin de conserver son siège. En contrepartie, il leur a promis de leur livrer des autorisations pour construire des kiosques. Du pur marchandage. Depuis, la municipalité a enregistré plus de 500 demandes. Du jamais vu!» Taher Deguez, un des présents à cette réunion du 14 février entre l'ancien maire et ces personnes, apporte ce témoignage qui n'engage que lui mais qui est éloquent : «Ce jour-là, l'ancien maire nous a réunis dans une salle de la municipalité. Nous étions priés de payer 440dt à la municipalité pour obtenir une autorisation. Jusque-là tout était en règle. Mais voilà que le maire nous a demandé en échange de sa signature de le soutenir contre les manifestants qui voulaient son départ... donnant-donnant !». Et, pour appuyer ses propos, il poursuit : «Ainsi, j'ai levé ma main et lui ai demandé poliment : «Monsieur le maire, durant l'ère de Ben Ali, le citoyen était contraint de payer des pots-de-vin à l'administration pour bénéficier de certains services. Et maintenant, il semble que ce soit l'inverse qui est en train de se produire». Le maire serait devenu furieux et aurait traîté notre homme d'impoli. «A cause de cela, je n'ai pas été inscrit sur la liste. Le lendemain (15/02/2011), ceux qui avaient été inscrits sur la liste sont venus à la municipalité avec une banderole de soutien au maire et scandaient des slogans en faveur du maire. Notons que la plupart des manifestants sont connus par les Nabeuliens pour être des individus au casier judiciaire chargé». «La situation est très délicate» Pour M. Hlaili, «non seulement l'ancien maire, par ses décisions et sa farouche envie de s'accrocher au poste, a enlaidi la ville de Nabeul par l'octroi de plusieurs autorisations, mais il a aussi laissé derrière lui des personnes qui ont paralysé le fonctionnement de la municipalité. Depuis son départ, le bâtiment de la municipalité est sous l'emprise de ces individus. Pendant plusieurs jours, surtout avant la nomination du nouveau conseil, ils ont squatté les locaux et menacé nos agents. On a vécu et on vit jusqu'à maintenant l'enfer au quotidien. Ils ont pris en otage la municipalité pour ne pas dire la ville de Nabeul. Tout le monde veut obtenir une autorisation et veut que le nouveau conseil honore les promesses de l'ancien maire. On nous a même proféré des menaces. D'autre part, je ne peux omettre de souligner la bonne volonté et l'enthousiasme du nouveau conseil pour faire bouger les choses et proposer des solutions. Mais, hélas, ses membres se sentent seuls et livrés à eux-mêmes. Ils n'arrivent même pas à trouver un soutien pour exécuter l'ordre de démolition des 4 kiosques illégaux (sans autorisations). D'ailleurs, plusieurs conseillers municipaux ont affirmé leur intention de remettre leurs lettres de démission si les choses allaient continuer ainsi». De son côté, contacté par La Presse, le président du conseil municipal provisoire de Nabeul nous a apporté l'éclairage suivant : «La situation est très délicate. On est en train d'œuvrer chaque jour pour trouver une solution à ce grand problème. Malheureusement, plusieurs individus sont en train de mettre des bâtons dans les roues et essayent de freiner notre élan. Certes, on travaille dans des conditions très difficiles, mais on demande un strict minimum de soutien de la part du gouvernorat ainsi que de la police et, surtout, des militaires». Aux dernières nouvelles, dans la nuit du lundi à mardi derniers (du 22 au 23 août), la municipalité de Nabeul a procédé avec succès à la démolition d'un kiosque du côté de l'avenue de la République et dont la position dérangeait beaucoup. Manifestement, dans un contexte très fragile où personne ne sait qui est qui et qui fait quoi, et par crainte d'actes irresponsables (actes de vandalisme ou immolation), gérer de telles situations en appliquant la loi demande beaucoup de pragmatisme de la part des autorités. La seule certitude, c'est que la présence des militaires, dont la légitimité aux yeux de la population est incontestable, s'impose ces temps-ci pour appuyer les conseils municipaux provisoires dans l'application de la loi et dans le retour de l'ordre dans nos rues.