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" Sa (l'Etat) religion est l'Islam " ?
Cela veut dire quoi, très exactement :
Publié dans La Presse de Tunisie le 06 - 09 - 2011


Par Cyril Grislain Karray*
Au sens du droit, puisqu'une Constitution est un texte de droit (elle est d'ailleurs souvent appelée «La Loi fondamentale»), que veut dire exactement la formulation présente dans l'actuel Article 1er : «sa religion est l'Islam», ou «sa» réfère à notre «Etat» ?
J'ai beaucoup écouté et lu les multiples explications et interprétations de mes compatriotes, dont celles d'éminents constitutionalistes qui travaillent sur la question pour nous tous. Alors qu'elle paraît si simple, je ne comprends toujours pas le sens exact de cette formulation. Moins encore lorsque cet article m'est interprété conjointement à d'autres articles ayant trait à la liberté de conscience ainsi qu'à la place de la religion vis-à-vis de la politique et de la «chose publique». En réalité, je constate que ces débats finissent souvent dans d'évidentes contradictions.
Je suis donc encore sincèrement confus à propos du sens exact d'une phrase d'à peine 5 mots, mais qui figure tout de même au tout début de notre Loi fondamentale et se réfère au sujet non moins fondamental qu'est la religion.
Et je me demande si ce n'est pas le cas de beaucoup d'entre nous.
Je suis donc revenu à la définition du mot «Etat», ou plutôt aux définitions, proposées dans différents dictionnaires de différentes langues. A partir de ce sens originel, j'ai cherché à comprendre ce que pourrait signifier la notion de «Religion d'un Etat».
En résumé, il existe trois types de définitions pour le mot «Etat» dont résultent trois types de compréhensions possibles, et qui pourraient être formulées dans un texte de droit tunisien des trois façons suivantes:
• «L'Islam est la religion de tous les citoyens tunisiens»
Et/ou
• «L'Islam est la religion de tous les membres du gouvernement et de l'administration publique».
L'actuelle Constitution explicite d'ailleurs cette interprétation clairement pour le chef de l'Etat et indirectement pour les députés et autres hauts représentants de l'Etat dans la mesure où ils doivent prêter serment sur un texte présupposant, pour que le serment soit sincère, qu'ils soient de confession musulmane («Je jure par Allah Tout-Puissant …)
Et/ou
• «L'Islam est la religion qui constitue la forme de gouverner la Tunisie»
Elle est par exemple la forme constitutionnelle de gouverner de la République iranienne.
S'il est vrai que tous les pays arabes déclarent l'Islam comme religion " d'Etat ", parfois aussi appelée religion " officielle ", rappelons toutefois que cette réflexion ne s'applique pas uniquement pour la religion musulmane. En effet, de nombreux autres pays non musulmans inscrivent dans leur(s) Constitution(s) une religion d'Etat, ou officielle. C'est par exemple le cas de nombreuses monarchies constitutionnelles comme la Norvège, le Danemark ou Monaco, et qui suivent le principe ancien de cuius regio, eius religio, (celui qui règne impose sa religion à ses sujets). Mais c'est aussi le cas de la Thaïlande ou du Cambodge parmi d'autres pays où le bouddhisme est la confession principale et officielle. Le cas de l'Angleterre, souvent cité, étant très particulier dans la mesure où elle ne possède pas de véritable Constitution et que son souverain est le chef de l'église anglicane.
Au-delà de permettre de ne pas stigmatiser la réflexion sur la seule religion musulmane, ce rappel est aussi essentiel dans la mesure où il apparaît que la mention «religion d'Etat», ou officielle, a pu être interprétée dans certains pays selon une quatrième forme, elle aussi très claire, et qui serait énoncée dans notre cas selon :
• " L'Islam est la religion à qui l'Etat tunisien assurera les conditions matérielles nécessaires à sa bonne pratique"
En effet, l'Etat de certains pays s'engage constitutionnellement à assurer, uniquement pour la religion officielle (qu'elle soit celle du souverain ou de la majorité des citoyens), des avantages particuliers sur les autres religions. Ces avantages étant principalement matériels et pouvant être : la construction et l'entretien des lieux de culte, la rémunération du clergé ou des officiers du culte, le financement d'écoles religieuses, etc. Sans pour autant faire de cette religion la base d'inspiration de leurs lois civiles.
Rappelons par ailleurs qu'en termes juridique, le verbe «est» constitue un droit, un devoir, une obligation.
Je ne souhaite pas ici entrer dans le mérite de laquelle ou lesquelles de ces formulations conviennent ou pas au projet de société qui sera exprimé par la majorité des suffrages des Tunisiens. Mais force est de constater que chacune, prises séparément ou ensemble, sont bien plus claires, directes et déclinables dans le corpus juridique que la formulation actuelle. Elles ne permettent aucun espace d'interprétation par le citoyen ni aucune ambiguïté pour que le corps législatif puisse définir les lois et le corps judiciaire rendre la justice.
Une Constitution ne devrait pas être un recueil de passions (aussi nobles soient-elles) ou de principes laissés à l'interprétation de chacun, et donc du personnel de la justice et du gouvernement. C'est la «Loi fondamentale». Ne pas la respecter est passible des plus hautes sanctions, notamment de prison. Elle doit donc être écrite de façon absolument claire et directe sans laisser aucune ambiguïté. Et ce, plus encore alors que nous aspirons à éviter, enfin, tout risque d'arbitraire futur. De la part de qui que ce soit.
Il semble donc impératif que les partis politiques clarifient pour tous les Tunisiens laquelle ou lesquelles de ces quatre compréhensions possibles ils souhaitent inscrire dans notre future Constitution ? Et l'écrire clairement.
Et si ce n'est aucune de ces quatre, et qu'il y en aurait une cinquième qui soit parfaitement directe, déclinable et opposable en termes de droit, quelle serait cette autre interprétation et sa formulation plus précise ?
Ou, si ce que nous essayons d'exprimer en réalité avec cette mention relève d'une autre logique ou d'une autre intention, ou d'une autre inquiétude, alors une telle formulation devrait elle-même figurer dans l'Article 1er ?
Pour ma part, j'ai écrit et publié sur ma page Facebook une proposition complète, en 10 articles, pour le premier Chapitre de notre future Constitution. Chapitre qui propose un énoncé de «ce qui nous définit» et où j'inclus un Article 1er actualisé et éclaircit et qui comprend la formulation suivante:
«L'Islam étant la religion de la majorité des citoyens, l'Etat tunisien s'engage à assurer les moyens matériels de sa pratique sur tous le territoire»
Par cette formulation, mon intention est de reconnaître l'attachement fondamental de, il me semble, la très grande majorité du peuple tunisien à cet aspect de son identité et d'assurer à tous, et notamment aux plus démunis, la sécurité de pouvoir toujours pratiquer son culte selon ses rites et dans des conditions dignes. Tout en proposant une description factuelle qui permet de rejeter clairement toute interprétation et tout arbitraire. Une formulation qui permet aussi d'éviter toute contradiction avec l'histoire et la volonté, que je pense aussi être de la très grande majorité des Tunisiens, d'assurer pour chaque citoyen une totale liberté de conscience et plus aucune discrimination, notamment pour accéder aux responsabilités publiques (principes énoncés dans les articles suivants de ma proposition de Constitution).
L'étymologie du mot «Etat» vient du latin «Stare» : tenir débout.
Or, si nous sommes intellectuellement honnêtes avec nous-mêmes, si nous oublions la politique politicienne, nous ne pouvons que reconnaître que la formulation actuelle ne tient pas debout. Pour de trop mauvaises raisons (populisme ou sous-estimation de la capacité intellectuelle populaire, volonté de petits partis de réduire le nombre de batailles politiques à livrer, inquiétude de voir la religion instrumentalisée, etc.), tous les partis ont très vite, et à mon sens avec trop de précipitation, si ce n'est abdiqué, du moins se sont résigné à une formulation confuse que nous savons être le résultat d'un délicat compromis politique, parfaitement louable pour son époque. Mais cela fait déjà un demi-siècle !
Il est grand temps d'avoir le courage et la sérénité de changer cela, d'une façon ou d'une autre.
C.G.K.
* (Conseiller - Stratège – Auteur de «La prochaine guerre en Tunisie – La victoire en 5 batailles»)


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