Par Adel ZOUAOUI En se rapprochant du pavillon baptisé le pavillon des expositions temporaires au sein de la Cité des sciences à Tunis, on est aussitôt intrigué par tant de cris stridents et sauvages comme venus du fond des âges. Mais une fois le seuil de ce pavillon franchi, on s'en prend plein les yeux. Se dressent devant nous cinq dinosaures, mis en scène dans plusieurs situations : en train de brouter les feuilles d'un conifère, de pêcher un poisson ou de se battre. D'emblée on est comme transporté hors du temps, au cœur du Mésosoïque ou de l'ère secondaire. Installés dans un décor savamment choisi, se forçant de reconstituer la flore de ce pan de l'histoire géologique, ces cinq spécimens de dinosaures sahariens (Carcharodontosaurus, Iguanodon, Jobaria, Afrovenator, Spinosaurus) surprennent par leur physionomie, leur allure et, somme toute, leur véracité. Et c'est le Carcharodontosaurus, le plus grand, reproduit en taille réelle, qui nous accueille le premier, en nous épiant du haut de ses quatorze mètres d'un regard menaçant, balançant son long cou de haut en bas et de droite à gauche, ouvrant et refermant ses grandes mâchoires, grâce à un système de robotisation, et poussant des cris comme pour nous effrayer. De nombreux enfants, certains accompagnés de leurs parents, amassés en cercle autour de ces créatures, les yeux écarquillés, observent, bouche bée, la crainte mêlée à l'étonnement, ces énormes sauriens sortis tout droit de la préhistoire. Une fois l'effet de surprise passé, quelques-uns d'entre eux, les plus téméraires, s'aventurent à caresser précautionneusement et avec parcimonie leurs peaux écailleuses, ravis et émerveillés par ce qu'ils viennent de découvrir. A quelle époque vécurent ces dinosaures ? De quoi se nourrissaient-ils ? Comment se reproduisaient-ils ? Pourquoi avaient-ils disparu ? C'est à toutes ces questions et à bien d'autres, posées pêle-mêle aussi bien par les adultes que par les jeunes et les moins jeunes, que les médiateurs scientifiques, présents en permanence sur les lieux, s'évertuent, avec un soupçon de pédagogie, à donner les explications les plus claires possibles. Mais pour les plus initiés, c'est le parcours de visite de l'exposition qu'il faut emprunter pour pouvoir engranger, à leur rythme, quelques connaissances, en glanant, ici et là, des informations déclinées en bornes tactiles, en légendes explicatives, en documentaires projetés sur des écrans LCD, etc. Sahariens ! Pourquoi ? Y a-t-il des dinosaures sahariens, des dinosaures polaires et bien d'autres types encore ? A mon interrogation répond avec bonhomie l'un des médiateurs : «Ces dinosaures sont typiquement sahariens, ayant disparu il y a 65 millions d'années. D'ailleurs, c'est en Tunisie et plus précisément à Tataouine, que quelques-uns de leurs ossements ont été découverts à la moitié du siècle passé, en 1951. Ces spécimens de dinosaures», ajoute-t-il, «sont différents de par leur anatomie et leur mode de vie de ceux qu'on a l'habitude de voir dans les films américains et occidentaux en général. Ils sont bien de chez nous». De chez nous, oui, j'en conviens tout à fait, aussi bien de par l'origine que de par la construction. Conçus et montés de toutes pièces dans les ateliers de la Cité des sciences à Tunis par une équipe tunisienne de scientifiques, de sculpteurs, d'artistes peintres, de muséographes, etc., ces cinq dinosaures ont constitué un véritable challenge. Il a bien fallu vaincre les doutes et les hésitations et braver les obstacles et les contre-temps pour pouvoir mener ce projet à bon port. L'enjeu est de taille : d'abord parce que l'exposition Dinosaures sahariens vient enrichir le fonds des expositions scientifiques de la Cité des sciences, puis, parce qu'elle a coûté la moitié du prix que si elle avait été louée de l'étranger et, enfin, parce qu'elle est en parfaite adéquation avec notre environnement culturel et scientifique, offrant aux Tunisiens l'occasion de s'approprier, un tant soit peu, leur propre histoire géologique. Depuis son ouverture, le 24 mai dernier, autour de 14.000 personnes l'ont visitée seulement pendant les deux premières semaines et environ 32.000 personnes jusqu'à très récemment. Ce taux de fréquentation ira crescendo, puisque ladite exposition s'étendra jusqu'au 31 août 2012. Au-delà de cette date, elle sera aussi en itinérance dans plusieurs villes et voyagera vraisemblablement dans des pays amis dans le cadre des réseaux des centres sciences régionaux au sein desquels agit la Cité des sciences à Tunis. «Nous ne nous arrêterons pas là», m'assure-t-on, «d'autres expositions seront construites sur place et auront d'autres thèmes nous permettant de connaître encore plus et mieux notre pays : peut-être une exposition sur l'olivier, le palmier, ou le sahara, sa faune et sa flore…!». Pour conclure, l'exposition Dinosaures sahariens est une première réussie. Et cela me fait penser, toute proportion gardée, à ces films tunisiens qui, bien qu'ils soient une première expérience pour leurs auteurs, arrivent à remporter d'importants prix de par le monde. Et c'est peut-être ça le génie propre à la Tunisie.