Le prix Aga Khan d'architecture, prix au prestige extraordinaire dans le monde musulman, récompense des ouvrages d'excellence et a, depuis de nombreuses années, un impact certain sur la valorisation du patrimoine. Créé en 1977 dans le but de reconnaître et consacrer les concepts architecturaux aptes à répondre aux besoins et aux aspirations des sociétés musulmanes, accordé tous les trois ans, ce prix était récemment offert à la Tunisie, et à l'Association de sauvegarde de la Médina en particulier, pour la revitalisation de l'hypercentre de Tunis. Il lui avait été remis à Doha, à Qatar. L'événement, de taille cependant dans le monde de l'architecture et de l'urbanisme, était resté pratiquement confidentiel. Et pourtant, outre l'importance de cette consécration, c'était la quatrième fois que l'ASM se voyait remettre ce prix, et la septième fois que la Tunisie le recevait. D'autant plus que notre pays avait été sélectionné parmi 400 candidatures, et consacré au milieu de 19 finalistes. Aussi, cette fois-ci, partant du principe qu'il faut faire et faire savoir, a-t-on décidé de donner un écho à la visite à Tunis du directeur du prix, Monsieur Farrokh Derakhchani, et de célébrer dignement l'événement. C'est ainsi que, mardi dernier, Dar Lasram et le club Tahar-Haddad accueillaient un ensemble d'événements autour de ce prix, événements ayant pour thème «L'héritage récent de la Tunisie au cœur de l'actualité». Et orchestrés par l'ASM et ses partenaires, c'est-à-dire le projet Euromed Heritage, la Fondation Aga Khan, l'Organisation des villes du patrimoine mondial, la Fondation du patrimoine et des villes historiques arabes. Tous étaient partie prenante de cet hommage qui s'ouvrait par une table ronde animée par M.Derakhchani qui présentait l'historique du prix Aga Khan, et son impact sur la valorisation du patrimoine. Le débat portait sur la problématique du patrimoine récent de Tunis, problématique que devraient se poser d'autres pays musulmans également dotés de ce patrimoine colonial, selon l'animateur des débats. Ces pays devraient selon lui, à l'exemple de la Tunisie, prendre en compte, de la même manière, l'importance de l'espace urbain extérieur créé par cette architecture des XIXe et XXe siècles au niveau de la convivialité. Toujours au Dar Lasram était inaugurée une exposition des 19 projets sélectionnés pour le prix Aga Khan, dont, bien sûr les cinq projets lauréats, avec une attention particulière pour le projet tunisien. Les autres projets lauréats concernent l'Arabie Saoudite, la Chine, l'Espagne et la Turquie. Cependant que le projet tunisien concerne le réaménagement de l'avenue Bourguiba et de l'avenue de Paris, la restauration du Théâtre municipal, du marché central, ainsi que celle du palace Rossini et du tribunal administratif. Une seconde exposition s'ouvrait au club Tahar-Haddad. Elle avait pour thème «Reconversion, Restauration» des architectures des XIXe et XXe siècles à Tunis. Organisée dans le cadre du projet Mutual Heritage, en partenariat avec Euromed Heritage 4, elle offrait également l'occasion de présenter une carte patrimoniale de la ville de Tunis et un plan de promenade à travers ces architectures du centre-ville. Et l'on voudrait, pour conclure la relation de cet événement, citer les paroles du jury du prix, jury dont étaient membres, entre autres, Jean Nouvel, le célèbre architecte français, et l'artiste Anish Kapoor : «La réussite de l'Association de sauvegarde de la Médina— une organisation disposant de moyens modestes, mais passionnément engagée—réside dans la préservation des bâtiments emblématiques et des façades de l'époque bien souvent négligés ou détruits dans d'autres villes musulmanes, et de les utiliser comme catalyseurs pour un programme de régénération économique, ambitieux et varié. Outre la création d'un quartier vivant et prospère, le projet a également encouragé une meilleure compréhension, beaucoup plus nuancée, de l'histoire récente de la Tunisie, sans pour autant dissimuler la nature du colonialisme». Samia Yaïche, Faïka Béjaoui et Zoubeïr Mohli, les architectes de l'ASM lauréats de ce prix, sont, quant à eux, convaincus que les projets tunisiens ont fait évoluer le concept même du prix. Car si celui-ci récompensait à l'origine un monument, une demeure, un édifice, il consacre, actuellement, une problématique du patrimoine récent. Et cela est pour eux la plus belle des récompenses.