Par Jallel SAADA Ce n'est pas l'inquiétude quant à la nature de notre identité qui nous a conduits à nous soulever contre la dictature. C'est autant pour revendiquer notre droit au travail et à la dignité sociale que pour arracher notre liberté et retrouver notre dignité individuelle que nous sommes descendus dans les rues. Alors, quelle est la place qui sera faite à l'individu dans notre prochaine Constitution ? Jouira-t-il, au terme de son adoption, des droits et des libertés universels qui feront de lui un citoyen à part entière ? Tel est l'enjeu primordial de notre révolution. Dimanche, nous sommes appelés à élire, en toute liberté, nos représentants à l'Assemblée constituante dont la mission fondamentale, faut-il le rappeler, consiste à rédiger une nouvelle Constitution pour notre pays. Pour une rupture réelle avec le passé dictatorial, cette dernière doit avant toute chose garantir les libertés privées et publiques en vue de libérer les énergies créatrices dans tous les domaines de l'activité humaine, sociale, économique et culturelle. Mais comment faire son choix dans la multitude des listes qui nous sont proposées d'autant qu'elles se disent toutes, à tort ou à raison, démocrates, centristes et réformatrices ? Par ces temps incertains où certains courants font peser, au nom de l'Islam, de lourdes menaces sur les libertés individuelles, la prudence et la vigilance sont de mise. Notre vote devrait les maintenir dans leur marginalité politique et sociale réelle. Il devrait également sanctionner les grands et les petits partis qui ont manifesté, à de multiples reprises, des velléités d'alliance avec eux. Est-il raisonnable de prendre des risques pour nous-mêmes, pour nos femmes, pour nos filles, en accordant le 23 octobre notre suffrage au courant obscurantiste et à ses alliés quand on peut choisir une voie sûre ? Mes compatriotes femmes qui représentent cinquante pour cent de la population tunisienne savent mieux que quiconque de quoi je parle. Ces dernières constituent les véritables piliers, pour de nombreuses familles, sur le plan financier et économique. Elles seront les premières grandes perdantes de ce poker menteur. Jusqu'à maintenant, le Code du statut personnel protège les droits de toutes les femmes sans distinction. Sa remise en cause les exposerait à toutes les formes de préjudices y compris l'atteinte à l'intégrité physique et morale. Tout le monde se souvient des attentats commis dans les années 80 par des islamistes. Tout le monde se souvient aussi, qu'à la même époque, des jeunes femmes tunisiennes ont été défigurées à l'acide sulfurique à cause de leur tenue vestimentaire ! Après les années de plomb du règne de Zaba, notre peuple acceptera t-il, par les urnes, une nouvelle dictature. Certainement pas ! En vérité ce sont les femmes tunisiennes, dans leur grande diversité, qui sont le plus sûr et le plus solide rempart contre les courants obscurantistes. Ce rempart aurait été plus solide si d'importants partis politiques tels que Ettakattol et le PDP, pour ne citer que ceux-là, avaient répondu présents à la Constitution d'Al Qotb (Pôle). Leur décision d'aller chacun de son côté dans la bataille électorale et l'ambigüité quant à leurs futures alliances ont contribué à l'affaiblissement des forces du progrès. Pour moi, le moyen le plus sûr de faire triompher les idéaux de notre révolution (horriya, karama, aâdala ijtimaya) et garantir le respect des libertés individuelles et collectives passe, sans hésitation aucune, par un vote massif pour les listes présentées par Al Qotb. Pourquoi ? Parce que malgré des débuts difficiles, Al Qotb n'a jamais cherché à nouer des alliances contre nature. Parce qu'il est apparu que l'idée de la citoyenneté et de l'égalité entre les hommes et les femmes ne représente pas pour lui un simple exercice de rhétorique. Il est le seul à avoir appliqué l'esprit de la loi relative à la parité des listes électorales; il est le seul à avoir appliqué ce principe aux têtes de listes. Ainsi, sur les trente-trois listes d'Al Qotb, seize sont dirigées par des femmes et dix-sept par des hommes. Parce qu'il met les intérêts supérieurs de la nation au dessus des étroites ambitions partisanes. Parce qu'il a prouvé par ses multiples prises de position claires et responsables son attachement à la démocratie active. Sa persévérance dans la défense des libertés et de la modernité a fini par être payante. Il jouit aujourd'hui d'un accueil très favorable dans toutes les couches de la population. Le « vote utile » dont certains de nos compatriotes affirment la nécessité pour contrer le courant obscurantiste et ses alliés, n'a, dans la réalité pas de sens dans le cadre du mode de scrutin adopté pour les élections du 23 octobre. Il est même contre-productif. Il servira à donner encore plus de voix aux listes considérées, par des sondages incertains, comme favorites, alors qu'avec le système des «plus forts restants», le vote franc et massif pour Al Qobb, constitue le véritable vote utile pour une Tunisie libre, démocratique et prospère capable de rattraper les retards pris sur le cours de l'histoire.