En réaction à deux articles parus le même jour dans La Presse du lundi 17 octobre, sur les pages 4 et 11, il me semble nécessaire d'attirer l'attention de l'opinion publique sur la déontologie suivie jusqu'ici dans la gestion de notre patrimoine archéologique. En effet, on peut dire que «l'enfer est pavé de bonnes intentions», la participation «glorieuse» telle qu'elle a été présentée dans votre quotidien, ou le retour «de Virgile dans sa ville natale», dans le cadre d'une exposition sur Virgile qui se tient à Mantoue près de Milan, interpelle à plus d'un titre. En effet, que représente la mosaïque de Virgile dans le patrimoine archéologique et historique tunisien et universel ? La mosaïque de Virgile pour le Musée national du Bardo est l'équivalent de la Joconde pour le Musée du Louvre. Cette œuvre, comme certaines autres, est considérée à juste titre, comme un trésor national et universel et il y a eu un consensus au niveau de l'Institut national du patrimoine, le Musée national du Bardo et le ministère de la Culture pour qu'elle ne quitte jamais plus le territoire national. La dernière fois qu'elle a été exposée à l'étranger remonte à 1981 pour l'exposition de «Carthage à Kairouan», événement international d'envergure. Depuis, il y a eu un refus systématique pour toutes les sollicitations aussi importantes les unes que les autres : 1) exposition itinérante dans 6 villes américaines plus le Canada, 2) les manifestations à l'occasion de l'année de la Tunisie à Paris, où l'exposition fut inaugurée par le président F. Mitterrand et J. Chirac, en tant que maire de Paris, 3) l'exposition de Los Angeles réalisée avec l'Institution Getty, célèbre dans tout le monde de la culture et qui a investi dans le cadre de la mise en valeur de notre patrimoine, 4) l'exposition itinérante au Japon, inaugurée par Son Altesse la princesse impériale. Notre devise jusqu'ici était de venir voir Virgile à Tunis en Tunisie, cette œuvre étant intransférable. La nouvelle loi des musées, que nous essayons de faire lire par le ministre de la Culture (sans succès), comprend un paragraphe sur les trésors nationaux : «œuvres qui ne doivent jamais quitter le pays, sauf dans des cas de force majeure, à savoir leur restauration, s'il y a lieu et si cette opération ne peut pas être réalisée en Tunisie». Virgile, œuvre unique, a été assurée à 4.000.000 euros; une somme fabuleuse, dirions-nous ? Eh bien non, un fragment de mosaïque représentant un éléphant a été assuré à 2.000.000 euros pour son voyage, un porte-lampe d'époque chrétienne du Musée national du Bardo à 3.000.000, une inscription chrétienne de Kairouan à 4.000.000 et des bijoux vandales 5.000.000 euros. Ainsi même l'assurance de cette pièce unique dans le monde a été sous-estimée, par rapport à sa valeur artistique et morale pour tout Tunisien. Notons par ailleurs, que tous les conservateurs du Musée du Bardo ont pris parti de ne plus réaliser aucune copie de cette mosaïque, afin qu'elle conserve son aura. Cette règle a été également transgressée. Nous souhaitons vivement que la Constituante puisse programmer parmi ses préoccupations, les dossiers du patrimoine sans exclusion, ni arbitraire dans le but de sa véritable revalorisation.