Au plus fort de son ascension, lorsqu'il portait haut les couleurs de l'Espérance et de l'équipe nationale, il rayonnait sur le terrain tel un maestro, Oussama Darragi était considéré comme le nouveau Hamrouni ou Tarek Dhiab. Nous avions estimé, à l'époque, que la comparaison ne reflétait pas tout à fait la réalité des choses. De plus, il ne nous paraissait pas judicieux de reproduire le sempiternel schéma suggérant que les ex-milieux de terrain de l'EST devaient disposer à tout prix d'un successeur de la même trempe. Dans notre esprit, il ne s'agissait pas au fond de chercher à sous-estimer le jeune joueur prometteur «sang et or», qui possédait de réels atouts dans sa manche : la plupart des qualités nécessaires à son poste, une bonne vision du jeu tournée vers le collectif, un certain don dans l'exécution des coups de pied arrêtés, une redoutable frappe de balle et un rare sens du but qui tendait à s'affirmer. Certains de ses gestes, il est vrai, renvoyaient directemenet aux facéties de Hamrouni ou Tarek Dhiab, qui sont la marque des techniciens de première catégorie. N'avait-il pas inscrit un but «à la van Basten» aux éliminatoires de la Coupe du monde à Abuja au Nigeria, suivi d'une autre réalisation de la même empreinte en Ligue 1 ? Darragi illuminait le jeu «sang et or» en même temps que le football national, qui a besoin de petits génies et de grands virtuoses pour séduire et enflammer les supporters. Oui, mais voilà ! Loin de se placer au diapason des talentueux «Argentins» Agrebi, Laâbidi et Dhiab, il s'en est éloigné au fil du temps jusqu'à redevenir, désormais, un footballeur au jeu sans relief particulier. Il est ainsi dans un genre hybride, indéfinissable : ni créateur, ni relayeur, ni buteur, ayant un rôle difficile à cerner. D'ailleurs, il ne figure même plus dans l'équipe type de l'EST, même s'il commence à retrouver ses sensations. Néanmoins, rien ne permet désormais de croire en sa résurrection soudaine. De quoi Darragi souffre-t-il au juste? D'un transfert en Europe avorté qu'il n'a jamais pu digérer? D'une certaine suffisance? D'un physique précaire et d'un moral fragile? D'une relation un peu compliquée avec son entraîneur? D'un cadre d'expression technique qui ne lui sied pas? D'une pression trop forte qui pèse sur ses épaules? De tout cela à la fois, sans doute. Et dans des proportions qui restent bien sûr à évaluer. Mais au final, il faut admettre que Darragi est d'abord victime de lui-même et de son incapacité obstinée à s'imposer bel et bien en toutes circonstances. Darragi devra s'ouvrir sur les autres, en se pliant aux exigences tactiques et mentales de son métier. D'ailleurs, la barrière, qu'il devra s'employer à franchir, nous paraît, d'abord d'ordre psychologique plutôt que technique. Car le talent est immuable, mais la confiance variable. Pour redevenir «Picasso» et mériter le surnom, le meneur de jeu «sang et or» a besoin de sérénité et d'être mis en confiance. D'un regard complice autour de lui.