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La Tunisie : d'une société duale à une société globale


Par Mustapha Nasraoui
Comparée à d'autres pays, la Tunisie est culturellement homogène. Depuis la chute de la dynastie fatimide le rite sunnite (malékite) s'est installé solidement dans la société tunisienne. Après l'invasion des Hélaliens (XIe siècle), la langue arabe a totalement conquis le pays. Néanmoins, un grand clivage persiste et résiste à la succession des siècles : le fossé économique, social et politique séparant les grandes villes (en majorité sur la côte) et les régions rurales de l'intérieur, une véritable fracture aux appellations historiques multiples : citadin (beldi) bédouin (arbi), urbains (hadher) et nomades (arab) selon la terminologie d'Ibn Khaldoun, en encore terre de paix (ardh solh) et terre de conquête (ardh anwa) désignant les régions intérieures totalement ou partiellement insoumises au pouvoir central.
Outre la péjoration de la différence (les ruraux toujours considérés comme frustes, grossiers, niais...), les régions intérieures subissaient les conséquences de la mauvaise gestion de l'Etat en payant de lourds tributs pour redresser des finances déficientes. Ce sont ces mêmes régions qui fournissaient les contingents de soldats pour défendre les dynasties et mouraient sur le front alors que les habitants des grandes villes et surtout les natifs de la capitale, exempts du service militaire, menaient calmement leur vie sous les remparts.
Les communautés de l'intérieur faisaient les plus grands sacrifices pour le pays et n'avaient rien en contrepartie. Bien au contraire, elles étaient ravagées par les famines et les épidémies qui faisaient des coupes sombres dans la population. Les choses ont-elles changé après l'Indépendance ?
Certes beaucoup de choses ont évolué, l'amélioration est indéniable mais la fracture côte / intérieur est toujours nette. L'essentiel n'est pas de se comparer par rapport à sa propre évolution mais de se comparer par rapport à l'évolution des autres, c'est ce regard comparatif qui est source de satisfaction ou de frustration. Le sociologue Bourdieu distingue deux catégories de misère : la misère de condition et la misère de position, c'est cette dernière qui engendre le plus les sentiments de marginalité et d'exclusion.
Les régions intérieures font toujours la richesse de la Tunisie par leurs ressources naturelles : eaux, forêts, céréales (le fameux grenier de Rome), fruits, production animale, minerai, substances utiles et aussi par leurs ressources culturelles (vestiges, paysages, folklore, traditions culinaires....), pourtant elles ont les taux les plus élevés de pauvreté et de chômage, facteurs d'exode massif vers la côte et sources d'émigration clandestine. Une partie importante des habitants qui y reste ne peut subsister que grâce à la contrebande et au commerce illicite du carburant.
Réserves naturelles importantes, elles voient leurs matières premières traitées dans les grandes villes côtières, privant les petites localités rurales d'emplois et ses jeunes de perspectives d'avenir. Certaines régions constituent de véritables châteaux d'eau mais manquent d'eau potable, situation paradoxale qui rappelle bien le proverbe arabe : « les chameaux portent l'eau sur leurs dos mais risquent de mourir de soif ». D'autres fournissent des substances pour la construction des routes et des ponts mais restent enclavées et coupées des institutions sociales, économiques et sanitaires du pays.
Les habitants des régions intérieures sont toujours fiers d'être Tunisiens. Ils n'ont jamais reculé devant les envahisseurs depuis les soulèvements de Jugurtha et de Massinissa en passant par les batailles de Zama, de Kroumirie et des Mogods (1881), de Djebel Bargou jusqu'à la bataille de Bizerte. Ce sont eux qui ont déclenché la révolution qui a mis fin à la dictature de Ben Ali. Leur sens profond de la citoyenneté explique leur participation massive aux élections du 23 octobre dernier, c'est pourquoi ils espèrent beaucoup du processus démocratique en marche. La démocratie n'est pas seulement l'accès au pouvoir par les élections mais surtout l'équité, le partage et la participation de tous les citoyens à la vie économique et sociale.
Quelles que soient la nature et les assises politiques des gouvernements futurs, le développement des régions intérieures doit être une priorité constante. Elle ne peut se concrétiser que sur la base de la discrimination positive, c'est-à-dire donner le plus à ceux qui ont le moins, ce qui contribue sans doute à réduire les inégalités régionales et à renforcer la cohésion nationale. Dans cette approche, la reconnaissance et la dignité de chaque citoyen doivent être des valeurs tangibles et l'équité doit être au-dessus de la règle de droit souvent uniforme et formaliste.
Le rôle de l'Etat n'est pas seulement de secourir les démunis, ce qui, comme on le sait, peut avoir des effets pervers, mais d'agir en amont par des programmes structurés et performants contre le chômage et la pauvreté. Non seulement, il doit doter les territoires les plus défavorisés d'équipements collectifs et d'infrastructures mais aussi œuvrer pour que chaque région ait son pôle de développement, à la fois spécifique et complémentaire des autres pôles régionaux. Dans la même démarche, le produit local (produit du terroir) trouvera toute sa valeur, surtout s'il bénéficie d'un minimum de créativité dans la production et la vente ; «agir localement et gagner globalement», un slogan qui se profile derrière la prospérité de milliers de petites entreprises dans le monde. C'est par ce cheminement qu'on arrivera à réhabiliter les régions les plus défavorisées et qu'on évitera une société à deux vitesses.
Cependant, le rôle de l'Etat n'est pas suffisant si la région elle-même ne s'active pas à mobiliser ses ressources naturelles et humaines. Le développement ne peut pas être greffé sur une communauté passive et indolente. La citoyenneté active est toujours un catalyseur de la réussite.
Il est toutefois important de souligner que développement régional ne signifie par régionalisme ou solidarité mécanique sous toutes ses formes (tribalisme, esprit de clan...) mais un agencement collectif qui permet à tout Tunisien, quelle que soit sa région, de s'émanciper et de s'épanouir dans son pays, c'est l'art d'être ensemble.


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