• «Il faut réduire la consommation, pour laisser une planète vivable aux générations futures», pensent certains écologistes. Le caractère «durable» du développement devient de plus en plus à l'ordre du jour dans les négociations économiques, et ce, aussi bien au niveau national que planétaire. Les crises économiques successives survenues ces dernières années, poussent les opérateurs et les décideurs politiques à trouver la meilleure formule pour réaliser la prospérité dans le présent et garantir sa durabilité dans le futur. Le principe de durabilité doit ses origines à la réflexion menée depuis le début des années 70, lorsque les premières préoccupations pour l'environnement ont commencé à être exprimées au niveau de la communauté internationale, suivant une question aussi simple sur la manière de permettre à la génération actuelle de subvenir à ses besoins sans compromettre ceux des générations futures. Mais le concept a évolué par la suite. A Rio de Janeiro, le sommet de la Terre de 1992 a conclu des conventions-cadres, des conventions sur la biodiversité, la lutte contre la désertification et les changements climatiques. Le principe étant toujours le même concernant le respect de l'environnement dans le développement. Dix ans après, à Johannesburg, le sommet Rio +10 a inclus l'aspect social comme composante préalable du développement durable. La communauté internationale a décidé de réduire la pauvreté de 50% à l'horizon 2011, considérant qu'on ne peut pas respecter l'environnement tout en étant pauvre. Aujourd'hui, à quelques mois de Rio +20, la dimension sociale prend davantage d'ampleur, amplifiée par les crises économiques et les soulèvements dans plusieurs pays : l'employé est aussi important que le capital et les matières premières puisés dans un environnement de plus en plus épuisé, considère-t-on. «Il faut réduire la consommation, pour laisser une planète vivable aux générations futures», pensent certains écologistes mais aussi certains stratèges convaincus de l'aspect non renouvelable de certaines ressources. La population mondiale est passée au-dessus de la barre des 7 milliards d'êtres humains, fin octobre, et elle passera rapidement à 9 milliards d'habitants, d'ici 2050 selon les estimations. Face à un tel défi, planétaire sans le moindre doute, le cadre institutionnel est appelé à évoluer par la création d'une sorte d'organisation mondiale pour le développement durable. Ce sera le premier point à l'ordre du jour du sommet prochain de Rio en juin 2012. Et contrairement à d'autres institutions internationales, ses décisions pourraient avoir un caractère contraignant. Déjà, certaines conventions renferment ce caractère contraignant, à l'instar du protocole de Kyoto, régissant les réductions d'émission des gaz à effet de serre. Au niveau national également, les Etats membres seront appelés à faire évoluer leurs organisations institutionnelles pour mieux répondre au nouveau contexte, évidemment en tenant compte de leurs spécificités respectives, mais aussi en convergeant vers les objectifs planétaires. En Tunisie, cela coïncide avec une phase transitoire sur le plan politique, mais cruciale au niveau social. Le pays vient de sortir d'un soulèvement populaire historique et inédit et la dimension sociale figure en tête des priorités du gouvernement transitoire. Sans doute, notre pays a réalisé des taux de croissance relativement respectables, tout comme les actions en faveur de l'environnement, mais au niveau social, cela n'a pas été aussi réussi que cela. Et il s'avère que cette lacune est d'envergure mondiale. Etat d'avancement Qu'il s'agisse du respect de l'environnement ou de la prise en considération des aspects sociaux dans le développement, les progrès n'ont pas été à la hauteur des attentes au niveau mondial, de l'avis de plusieurs observateurs et analystes. «Ni les problèmes de la désertification, ni ceux de la biodiversité, ni même les changements climatiques n'ont été résolus», affirme à La Presse Salah Hassini, directeur général du développement durable. «Le monde a échoué... a-t-il constaté, malgré certaines avancées enregistrées dans quelques pays». Il explique dans cet ordre d'idées que «la croissance économique dans certains pays a dépassé les 10%. Mais si nous prenons en considération la dégradation de l'environnement que cette croissance a causée, ce taux sera revu à la baisse. Egalement, si cette croissance ne prend pas en considération le bien-être de ses employés, cela signifie qu'elle ne peut pas être durable. Lorsque nous affichons un taux de croissance égal à 5% par exemple, nous devons nous interroger si les travailleurs vivent mieux? Et je suppose que la réponse est négative... c'est dire autrement aux investisseurs et chefs d'entreprise que si vous ne prenez pas soin de l'employé, vous frappez directement ou indirectement vos intérêts». Cela étant, la prise en compte des aspects sociaux et environnementaux va se traduire par une correction à la baisse des données macroéconomiques, soit en quelque sorte un ralentissement vertueux de la croissance. «Faire de la croissance, sans épuiser les ressources humaines et naturelles, autrement, c'est toute l'humanité qui est menacée dans son existence et toute l'économie mondiale qui est menacée d'écroulement. Ce que nous observons maintenant comme crises en sont des signaux d'alerte». A l'heure actuelle, la réflexion est déjà achevée au niveau de chaque pays, aussi bien pour l'évaluation des décisions précédentes que pour les solutions envisageables au niveau planétaire et au niveau national. Un dead line a été fixé pour fin octobre, afin que chaque pays fournisse aux NU un document d'environ 25 pages, portant évaluations et suggestions pour une survie durable de la race humaine mais aussi des autres formes de vie sur la planète, puisque l'Homme en est le premier responsable. D'après le directeur général du développement durable, outre le renforcement du cadre institutionnel afin de doter les conventions internationales d'un aspect obligatoire pour les nations, la tendance est aussi à l'adoption du principe de « l'économie verte», thème du sommet Rio+20. «La planification pour le développement pour créer des emplois et des richesses doit se baser sur trois piliers, aussi importants les uns que les autres : la richesse humaine, la richesse naturelle et le capital. Et les pays industrialisés, premiers responsables de la situation critique actuelle, sont dans l'obligation d'assumer et d'aider les pays en développement à relever ce défi». Démocratie locale Au niveau de la concrétisation, la relance du dispositif Agenda 21 est à l'ordre du jour. Adopté à l'échelle planétaire en 1992 lors du sommet de la Terre (puis en 1995 au niveau national), le mécanisme Agenda 21 pourrait constituer un cadre propice à l'identification des opportunités de développement dans chaque localité. En Tunisie, par exemple, et à l'heure où la machine politique n'a pas encore arrêté de programmes spécifiques et adaptés à chaque localité pour réduire entre autres le décalage entre les régions, problème qui s'ajoute à l'absence quasi-totale d'études approfondies sur les gisements d'investissement, l' Agenda 21 pourrait être utilisé dans chaque localité pour réaliser un diagnostic détaillé et dégager un plan d'action pour le développement durable. «Le plus important dans ce mécanisme, c'est qu'il repose sur le principe de participation de tous les acteurs au niveau local, public, privé, société civile, etc. », souligne Salah Hassini. «Cette approche, explique-il, ne se limite pas uniquement aux aspects environnementaux, elle inclut tous les secteurs d'activité et met à contribution les spécialistes et les experts dans tous les domaines. Cela va permettre de dégager un plan de développement local intégré et rend sa mise en œuvre plus participative du moment où tout le monde y a contribué, une sorte de démocratie locale... »