''La présence des Celtes en Méditerranée'', tel a été le thème de la conférence donnée hier à l'Institut supérieur des sciences humaines de Tunis, par le professeur Alain Deyber, historien de l'Antiquité et spécialiste d'archéologie celtique, dans le cadre des activités de la Chaire Ben Ali pour le dialogue des civilisations et des religions. En guise d'introduction, le professeur M'hamed Hassine Fantar, titulaire de la Chaire Ben Ali, a mis l'accent, devant une assistance d'étudiants et de chercheurs, sur l'importance de cette conférence qui traite d'un peuple et d'une civilisation ''que nous ne connaissons guère''. Il a souligné que la Méditerranée antique ne se réduisait pas à la trilogie ''Athènes, Rome, Carthage'', mais qu'elle était riche d'une multitude d'autres civilisations (étrusque, ibère, sarde, et celtique en l'occurrence), certes moins connues, mais que ''dans un effort de rapprochement des cultures, nous nous devons de connaître et de faire connaître''. Traditions indigènes Passant en revue l'histoire de sa discipline, M. Deyber a indiqué qu'un intérêt nouveau pour cette civilisation a vu le jour dès le 18° siècle, mais qu'il a été dévoyé par sa récupération par les divers courants nationalistes européens. Ceci explique, a-t-il ajouté, que les recherches sur les Celtes ont un temps été considérées comme sulfureuses. Ce n'est que lors des trente dernières années qu'une approche scientifique apaisée, dénuée d'arrière-pensées politiques, s'est mise en place sur la civilisation celtique. En ce qui concerne la connaissance des Celtes, l'intervenant a indiqué que comme beaucoup d'autres peuples dits barbares, les Celtes, peuple sans écriture, ont souffert à tort, a-t-il estimé, d'une image négative dans les écrits grecs et romains, dans lesquels le Celte apparaît volontiers comme un homme paresseux, buveur, violent, et guerrier. L'archéologie celtique nous enseigne cependant autre chose, a avancé le conférencier. A la faveur de son expansion, a-t-il poursuivi, ce peuple a tissé des liens commerciaux et culturels- donc pacifiques- avec les peuples méditerranéens, échangeant avec eux métaux, minerais et sel, contre des produits typiquement méditerranéens (vases, cornes et services à boire, récipients et ustensiles de cuisine, bijoux, cratères décoratifs notamment), dont la présence en terre celtique, signe d'un raffinement certain, est attestée par les récentes découvertes de l'archéologie. Par ailleurs, un grand nombre de mercenaires celtes, a expliqué l'intervenant, étaient présents dans les armées carthaginoises, notamment à la bataille de Cannes. Ce dont les Romains, une fois Carthage vaincue, ne manqueront pas de se souvenir, a-t-il poursuivi, en déclenchant, contre les Celtes, une longue et dure campagne de conquête. En conclusion, le conférencier a expliqué que ces contacts entre Celtes et peuples méditerranéens, qu'ils fussent pacifiques ou guerriers, n'étaient pas sans influence profonde sur le monde celtique, notamment en ce qui concerne la conversion des Celtes à une économie monétaire, ainsi que la pénétration progressive de la notion d'Etat dans leurs pratiques politiques. Il a relevé cependant qu'à la fin de la domination romaine sur les Celtes, les traditions indigènes de ces derniers ont refait surface dans les sociétés pré-féodales du Haut Moyen-Age. A noter que si le foyer originel de leur civilisation est au cœur de l'Europe (L'Autriche occidentale, le Nord de la Suisse, le Sud de l'Allemagne, l'Est de la France et le Luxembourg), les Celtes, au maximum de leur extension, ont atteint l'Ecosse au Nord, l'Espagne au Sud, la pointe de la Bretagne à l'Ouest, et la Roumanie à l'Est, avec quelques postes avancés en Turquie et dans les Balkans. Docteur d'Etat en histoire ancienne et civilisation de l'Antiquité, et spécialiste d'archéologie celtique, Alain Deyber est professeur d'histoire militaire, de stratégie et de tactique.