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Les valeurs de la révolution, la mémoire des martyrs Réunion inaugurale de l'Assemblée nationale constituante - IIe République : une première pierre angulaire
La construction de la nouvelle Tunisie a commencé. Hier, à la Chambre des députés du Bardo, s'est tenue la première réunion de l'Assemblée nationale constituante sous haute pression, mais aussi sous haute sécurité et avec une forte affluence. Tout le monde attend ce que va donner la première révolution du 21e siècle, qui a bouleversé le monde, on ne cesse de le rappeler. C'était un moment solennel. Outre la récitation de l'hymne national à deux reprises, une fois à l'ouverture et une fois pour calmer certains élus ayant perdu leur autocontrôle en réagissant de façon impulsive à la parole du président de la séance inaugurale Tahar H'mila, hommage a été rendu — partiellement hélas — aux martyrs, en en citant un bon nombre, tout le monde étant debout et silencieux. La Fatiha a été récitée en leur mémoire et des prières ont été exprimées afin que le Tout-Puissant les accueille dans Son immense miséricorde dans la vie éternelle. L'engagement était par ailleurs ferme de la part des élus ayant pris la parole d'aller jusqu'au bout dans la réalisation des nobles objectifs de la révolution pour lesquels les martyrs ont donné leur vie, en l'occurrence cette liberté dont jouissent tous les Tunisiens qui a conduit à la réalisation des premières élections libres et pluralistes dans l'histoire du pays. Prêtant serment, les nouveaux élus se sont engagés à assumer toute la responsabilité, que le président temporaire de la Constituante Tahar H'mila, le doyen des élus, a comparée à la lourdeur de toutes les montagnes du pays mises sur ses épaules. Un nouveau pas Tant bien que mal, un nouveau pas a été franchi donc par l'élection de M. Mustapha Ben Jaâfar comme président de la nouvelle Assemblée et de Mme Meherzia Abid et Larbi Abid comme vice-présidents. Cela n'a pas été une exception par rapport aux pas précédents réalisés petit à petit depuis la fuite du président déchu. Et la première réunion de la Constituante a servi d'occasion pour rappeler les moments difficiles que le pays a vécus et que les Tunisiens ont surmontés, ce qui a donné les premières élections historiques du pays, le 23 octobre. Ce couronnement n'aurait pas eu lieu si des martyrs n'avaient pas sacrifié leur vie certes. Mais il n'aurait pas eu lieu non plus s'il n'y avait pas eu d'autres Tunisiens qui ont continué le processus et accompli le travail avec succès jusqu'ici. Le mot d'ouverture du président de la République par intérim, M. Foued Mebazaâ, a cité pratiquement tous les acteurs, à commencer par l'administration qui a continué à assurer les services publics et empêché la machine de s'arrêter, en passant par les services de sécurité et l'armée qui ont veillé à l'intégrité du pays, la sécurité des citoyens et le bon déroulement du scrutin, sans oublier la Haute Instance pour la réforme politique et l'Instance indépendante des élections qui a organisé ces premières élections dans la transparence et la loyauté, les partis politiques, la société civile et les médias qui ont eu un rôle dans l'encadrement et le développement d'une culture politique encore embryonnaire. Ce fut donc comme un accouchement difficile. La pression a été maintenue à l'intérieur comme à l'extérieur du Parlement. De nouveaux élus, n'ayant aucune expérience et n'ayant reçu aucune formation sur la procédure parlementaire, ont interrompu le déroulement de la séance à deux reprises au moins, pour attirer l'attention sur des questions secondaires à la volonté du peuple et futiles eu égard aux attentes des Tunisiens et au poids réel de la responsabilité. Mais cela a été encore une fois surmonté grâce à la sagesse et au bon sens de certains élus. A l'extérieur, la pression était encore plus intense. Des manifestants se sont rassemblés depuis le matin pour rappeler que la révolution n'a pas encore réalisé ses objectifs (voir reportage). Et les Tunisiens ne pouvant faire le déplacement étaient branchés sur Internet, devant la télévision, sur les ondes des radios, etc. Cela, sans compter bien évidemment les regards du monde entier braqués sur la Tunisie pour voir comment évoluent les choses. Des journalistes étrangers, des correspondants de chaînes satellitaires et des journalistes tunisiens étaient nombreux à occuper la mezzanine du Parlement, archicomble toute la journée. La démocratie à l'épreuve Cette première réunion de la Constituante intervient un mois après les élections du 23 octobre. Une période marquée par des tractations et des discussions jugées intensives par plusieurs analystes. Et quoi que des coalitions soient annoncées avant cette réunion et que l'attribution des postes clés du pouvoir soit connue, un message a été clairement adressé par Maya Jeribi, secrétaire générale du PDP, aux nouveaux élus selon lequel l'ère du candidat unique et du résultat connu d'avance est révolue. Elle s'est portée candidate au poste de président de la Constituante et a obtenu 68 voix, contre 145 pour M. Ben Jaâfar. 215 élus ont pris part au scrutin dont deux se sont exprimés par des bulletins nuls. Cela étant, la coalition formée par les trois partis Ennahdha, le CPR et Ettakattol se confirme d'après les premiers votes au sein de la nouvelle Assemblée. Une coalition qui rompt avec la concentration du pouvoir aux mains d'une seule tendance, puisque les trois couleurs, en cas de cohabitation, permettent, de l'avis de plusieurs spécialistes, à chaque Tunisien d'être représenté et de se retrouver d'une manière ou d'une autre dans l'exercice du pouvoir. L'essentiel, comme l'ont exprimé tous les intervenants de la première journée, c'est de servir le pays avec la fidélité requise aux objectifs de la révolution, en conformité avec les attentes des Tunisiens et surtout en rupture totale avec le passé, car comme l'a formulé Tahar H'mila, celui qui va essayer de trahir ces principes sera «maudit par Dieu et l'histoire».