BRUXELLES (Reuters) — Les pays de la zone euro ont entamé hier une vaste refondation qui, après signature d'un nouveau traité auquel seule la Grande-Bretagne a décidé de ne pas s'associer, doit les porter rapidement vers une plus grande intégration économique et budgétaire. Au terme de leur seizième sommet depuis le début de la crise de la dette fin 2009 et après plus de 10 heures d'intenses tractations, ils se sont entendus sur ce nouveau «pacte», qui repose notamment sur un contrôle plus strict des budgets nationaux et sur une réforme limitée du futur Mécanisme européen de stabilité (MES), qui sera désormais épaulé par la BCE. L'accord a dopé les Bourses de la zone euro qui ont clôturé en forte hausse. Il n'est toutefois pas certain qu'il parvienne à convaincre totalement les marchés financiers que les Européens seront cette fois à même d'enrayer la crise alors que la mise en œuvre de ces décisions pourrait prendre plusieurs semaines, voire plusieurs mois. «C'est un sommet qui fera date», a déclaré le président Nicolas Sarkozy lors d'une conférence de presse, au petit matin. «Nous aurions préféré une réforme des traités à 27, cela n'a pas été possible compte tenu de la position de nos amis britanniques (...) Ce sera donc un traité intergouvernemental à 17, ouvert à ceux qui voudront le rejoindre.» La Grande-Bretagne a d'ores et déjà annoncé ne pas vouloir signer ce traité. Après quelques hésitations initiales, les neuf autres Etats membres de l'UE n'utilisant pas l'euro ont, quant à eux, décidé de s'y associer, même si certains doivent encore consulter leur parlement. Le Premier ministre britannique David Cameron a dit que Londres avait un intérêt objectif à rester dans l'UE, appartenance qu'il défendrait tant que cet intérêt demeurerait. Selon les conclusions du sommet, les institutions actuelles de l'UE pourront être utilisées dans ce nouveau traité, qui sera rédigé d'ici mars mais ne devra pas obligatoirement faire l'objet d'un référendum dans les pays qui le signeront et sera intégré le plus rapidement possible au cadre communautaire. Nouveau départ Les modalités juridiques précises doivent désormais être discutées mais, sur le fond, ce nouveau traité s'inspirera très largement de la lettre franco-allemande transmise, cette semaine, au président du Conseil Herman Van Rompuy, ainsi que des propositions de ce dernier. Les pays dont les déficits seront supérieurs à 3% de leur PIB seront visés par des sanctions automatiques qui ne pourront être bloquées que par une majorité qualifiée de pays. Par ailleurs, une «règle d'or» budgétaire permettant de maintenir ces déficits sous le seuil de 0,5% du PIB sur la durée du cycle économique devra être intégrée aux législations nationales, sous le contrôle de la Cour de justice européenne. La chancelière Angela Merkel s'est elle aussi félicitée de l'issue du sommet. «C'est une avancée vers une union de la stabilité», a-t-elle dit. «Nous allons utiliser la crise pour prendre un nouveau départ». Elle a par ailleurs confirmé que la date d'entrée en fonction du futur MES serait avancée à juillet 2012. Sur proposition du président de la Banque centrale européenne Mario Draghi, les membres de la zone euro ont décidé que la BCE deviendrait l'opérateur de ce mécanisme, une collaboration purement technique. «La Banque centrale européenne gérera le FESF et le MES. Il y a eu une proposition de Monsieur Draghi proposant de mettre les compétences de la Banque centrale au service du fonds européen. Nous avons considéré que c'était une très bonne idée (...) C'est un élément de plus qui renforcera la confiance dans ce fonds», a dit Nicolas Sarkozy. Autre nouveauté, le mode de décision du MES inclura une procédure d'urgence selon laquelle une majorité surqualifiée de 85% se substituera à la règle de l'unanimité. En revanche, le MES ne sera pas doté d'une licence bancaire comme le demandaient une majorité de pays, et sa capacité de prêt cumulée avec l'actuel Fonds européen de stabilité financière (Fesf) restera de 500 milliards d'euros. Ce plafond pourra toutefois être revu en juillet 2012. De manière complémentaire, l'ensemble des Etats membres de l'UE ont convenu d'étudier dans les dix jours la possibilité de prêter 200 milliards d'euros au Fonds monétaire international pour en renforcer les ressources. L'ensemble de ces résultats ont été jugés encourageants par Mario Draghi qui, avant le sommet, avait douché les espoirs des marchés d'une intervention rapide de la BCE en soutien aux pays en difficulté. «Cela va être la base d'un bon pacte budgétaire et de plus de discipline en matière de politique économique parmi les membres de la zone euro», a-t-il déclaré après la réunion, même s'il a dit vouloir maintenant en voir rapidement les détails. Une réunion des ministres des Finances de la zone euro et des neuf autres pays signataires du traité pourrait être organisée à Bruxelles dès la semaine prochaine, avant un sommet des chefs d'Etat et de gouvernement de ces 26 pays sans doute courant janvier. Des sources au sein de la BCE ont par ailleurs confirmé que l'accord obtenu hier à Bruxelles était conforme aux attentes du conseil des gouverneurs de la BCE qui, à la lumière de ces résultats, ne prévoyait pas de prendre d'autres mesures en soutien aux pays en difficulté. «Vous allez voir de nouveaux rachats (d'obligations) mais pas le gros bazooka que certaines personnes sur les marchés ou dans les médias attendaient», a dit l'une des sources. C'est cependant à 20 milliards d'euros par semaine que la BCE limite ses rachats, selon ces sources.