La Commission nationale du droit international humanitaire a vu le jour le 20 avril 2006 en vertu du décret-loi n° 2006-1051, après une formation assurée par certains experts du Comité international de la Croix-Rouge (Cicr) au profit de ses membres, pour œuvrer par la suite à la diffusion de la culture du droit international humanitaire (DIH) et au respect de ses règles. Toutefois, le concept s'avère encore assez méconnu et, dans le meilleur des cas, il est confondu avec les droits de l'Homme. Qu'en est-il donc des points de convergence et des points de divergence entre les deux domaines ? Et en quoi le DIH pourrait-il intéresser la Tunisie ? Comme l'avance M. Chérif Atlam, ancien juge et professeur en droit international humanitaire exerçant au sein du Cicr, récemment rencontré à Tunis, le droit international humanitaire et le droit international des droits de l'Homme sont complémentaires, étant donné que «les deux visent la protection de la vie et de la dignité humaines sous un angle différent ». L'on relève néanmoins quelques points de différence. Selon M. Atlam, le droit international humanitaire s'applique en temps de conflits armés, alors que les droits de l'Homme protègent l'homme en tout temps, en situation de guerre comme en situation de paix. Plus : si quelques traités des droits de l'Homme donnent aux gouvernements la possibilité de porter atteinte à certains droits en cas de danger public, aucune dérogation n'est autorisée dans le cadre du droit international humanitaire, puisqu'il est conçu pour des situations d'urgence liées aux conflits armés. Cela dit, le DIH protège les personnes qui ne participent pas ou ne participent plus aux hostilités et impose à toutes les parties du conflit d'appliquer les règles en vigueur. Parmi ces règles, dont la base est formée par les conventions de Genève et leurs protocoles additionnels, qui contiennent des obligations juridiques claires et des principes humanitaires fondamentaux, il y a le respect de la vie ainsi que de l'intégrité physique et morale des soldats ayant déposé les armes ou qui sont hors de combat. S'y ajoutent consécutivement l'obligation de recueillir, de soigner et de protéger les blessés et les malades se trouvant à l'intérieur de sa zone d'autorité, l'interdiction d'utiliser des armes ou des méthodes de guerre qui risqueraient de causer des maux superflus et l'impératif de distinguer entre la population civile et les combattants afin d'épargner la première partie et les biens de caractère civil. Mais en quoi le droit international humanitaire appliqué en temps de conflits armés pourrait-il, à vrai dire, intéresser un pays comme la Tunisie? Mieux diffuser la culture du droit international humanitaire L'histoire des peuples en témoigne : les conflits armés sont aussi vieux que l'humanité et les hommes n'ont vécu en paix que près de vingt-cinq décennies. C'est que la guerre et les conflits n'épargnent personne et qu'il convient de prévoir aussi bien la paix que la guerre, aussi bien le bien que le mal. C'est dans cet esprit que la Commission nationale de droit international humanitaire s'est donné pour mission de vulgariser les principes du droit international humanitaire, de diffuser sa culture et d'émettre aussi, en cas de besoin, un avis sur les questions relatives à ce droit et ses domaines d'application. Présidée par le ministre de la Justice, cette commission est composée, dans le contexte de l'ancien régime et de la physionomie de son équipe gouvernementale, d'un coordinateur général des droits de l'Homme, puis de plusieurs représentants correspondant aux différents départements suivants : Premier ministère, ministère des Affaires étrangères, ministère de la Défense nationale, ministère de la Justice et des droits de l'Homme, ministère de l'Intérieur et du Développement local, ministère des Affaires de la femme, de la famille, de l'enfance et des personnes âgées, ministère de l'Education et de la Formation, ministère de l'Environnement et du Développement durable, un représentant du ministère de la Culture et de la Sauvegarde du patrimoine, ministère de la Santé publique, ministère de l'Enseignement supérieur, ministère des Affaires sociales, de la Solidarité et des Tunisiens à l'étranger, ministère de la Communication et des Relations avec la chambre des députés et la chambre des conseillers. Il y a aussi un représentant du Comité supérieur des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, un autre de l'Union tunisienne de solidarité, puis de l'association du Croissant Rouge tunisien. A quoi s'ajoutent trois personalités nationales connues pour leurs compétences dans le domaine du droit international humanitaire. La Commission nationale de droit international humanitaire est venue renforcer l'engagement de la Tunisie à respecter les conventions internationales qu'elle a signées, dont les conventions de Genève. Il va sans dire, comme l'observe Mme Monia Ammar, membre de cette commission, que le DIH était enseigné uniquement dans les instituts et les établissements relevant du ministère de la Défense nationale. Ce qui a contribué à sa méconnaissance de la part du grand public. Mme Ammar ajoute également que, malgré une série de formations organisées par la Commission au profit de bon nombre de juges et d'universitaires tunisiens, il reste beaucoup de travail à faire afin de mieux diffuser la culture du DIH chez les Tunisiens. «La culture du droit international humanitaire concernerait, à bien des égards, tous les humains de la planète, et l'on doit toujours se méfier des formules toutes faites, du genre: cela ne nous concerne pas. D'autant plus qu'en temps de guerre, on n'aura ni le temps ni les conditions appropriées pour former les gens. Il faut le faire en temps de paix. Et l'apprentissage doit être réalisé en fonction des standards internationaux. Ajoutons qu'en Tunisie, on a énormément de vestiges et un important patrimoine culturel à protéger, qui tombe sous le coup du droit humanitaire en temps de guerre. Nous devrions en tenir compte », assure notre interlocutrice, avant de confier que des négociations sont en cours avec le ministère de l'Enseignement supérieur pour enseigner le DIH au sein de l'université tunisienne.