Par Abdelhamid GMATI Les régimes dictatoriaux usent de moyens bien déterminés pour se maintenir au pouvoir. En premier lieu, ils s'évertuent à restreindre l'opposition et à la réduire à sa plus simple expression. Leur souci essentiel est de limiter les motifs de mécontentement et de revendication. Ils pratiquent alors le secret et assiègent la liberté d'expression, l'accès à l'information. Le peuple est gardé dans l'ignorance de ce qui se fait, se décide et se trame. A l'inverse, les régimes démocratiques sont tenus de pratiquer la transparence. Il est exigé des décideurs politiques et économiques la clarté dans leurs décisions, leurs motivations, leurs objectifs. Ce afin de garantir un minimum de justice, d'équité, d'égalité des chances et d'empêcher le despotisme, la désinformation et la corruption sous toutes ses formes. Depuis le début de notre révolution, le mot transparence est certainement le plus utilisé. On exige la vérité, toute la vérité et à tous les niveaux. Est-ce suivi d'effet ? Force est de constater que cela est loin d'être le cas en toute circonstance. La tendance au secret est devenue monnaie courante. Même si, parfois, on fait preuve de transparence. Comme cette autorisation accordée aux médias d'assister et de retransmettre, en direct, les travaux de la Constituante. Pour le reste, c'est souvent le flou et même la désinformation. Commençons par les errements de certains médias, en quête de «sensationnel» et de «scoops». Ainsi, cette information, diffusée et reprise par des sites électroniques, faisant état de la fermeture d'une entreprise industrielle à Gabès. Les responsables de ladite entreprise l'ont rapidement démentie. Ainsi aussi, de cette affirmation d'une radio, attribuant à M. Moncef Marzouki l'intention de convoler en justes noces. Affirmation démentie par le président de la République qui l'a qualifiée d'«histoire bidon» (Hkaya fargha). Ainsi encore, cette information d'un autre média révélant que Belhassen Trabelsi aurait quitté le Canada pour se réfugier au Venezuela. Renseignement pris, il s'est avéré qu'il n'en était rien et que le sieur Trabelsi serait toujours au Canada, où il fait l'objet d'une enquête de la Gendarmerie royale. On se demande pour qui «roulent» ces médias. Et il y a une multitude d'autres entorses à la transparence. On sait que les réceptions, les dîners d'affaires et les cocktails font partie des stratégies de communications de diverses entreprises et même de l'administration. Cela favorise la diffusion de l'information et les négociations entre responsables. Tout est fait, sur le plan gastronomique, pour mettre à l'aise les invités et favoriser les échanges. On y sert des mets raffinés et une multitude de boissons, y compris celles alcoolisées. Or, depuis quelque temps, l'alcool a disparu et on ne sert que des boissons gazeuses, des sodas, de l'eau. Y a-t-il un mot d'ordre ou n'est-ce qu'une tentative de se rapprocher des islamistes qui président aux destinées du pays ? Une belle hypocrisie, puisque ces réceptions se tenant généralement dans des hôtels, les convives n'ont qu'à aller déguster leurs boissons préférées à quelques mètres de là. On apprend qu'un prince d'Arabie Saoudite serait intervenu pour la libération d'un ex-responsable tunisien faisant l'objet de graves accusations, et qu'une autre intervention venant du Qatar s'est opposée à la nomination d'un responsable tunisien au poste de ministre. Aucun éclaircissement n'a été fourni par nos nouvelles autorités. Pourtant on est en droit de savoir si, réellement, des Etats étrangers interfèrent dans nos décisions nationales. Le nouveau chef du gouvernement s'intéresse aux médias tunisiens et déplore qu'ils ne reflètent pas les «résultats du scrutin du 23 octobre». Une commission ad hoc veillerait à mettre de l'ordre dans les médias. Qu'est-ce à dire ? Les médias devraient-ils revenir aux pratiques sous la dictature et être aux ordres ? Comment concilier la liberté de presse que soutient M. Jebali avec l'obligation d'être au service des élus majoritaires et du gouvernement ? On pourrait citer nombre d'autres actions ignorant la transparence. Comme le flou accompagnant le programme du gouvernement. Ou même sa constitution. C'est qu'il y a confusion entre «apparence» et «transparence».