Par Abdelhamid GMATI Avec cette nouvelle année, on aborde de nouvelles étapes dans la réalisation des objectifs de la Révolution. Les principaux outils ayant été mis en place avec les élections de l'Assemblée constituante et la désignation d'un exécutif provisoire, il s'agit d'élaborer et d'adopter une Constitution répondant aux aspirations populaires et garantissant le pouvoir du peuple. Tâche primordiale et délicate qui incombe aux élus de la Constituante. Jusqu'ici, peu d'actions indiquent que cette tâche préoccupe beaucoup ces élus. La coalition tripartite entre les partis ayant remporté le plus grand nombre de suffrages semble n'être préoccupée que par la répartition des pouvoirs. Et cela s'est fait dans la «douleur», nécessitant deux mois de tractations et de négociations. Aujourd'hui, c'est chose faite. On a même réussi à faire adopter un budget et une loi de finances pour l'année en cours. Et maintenant, que va-t-on faire ? La Constituante va-t-elle se consacrer à élaborer une Constitution (sa raison d'être) ou continuer à être une caisse de résonance et entériner les choix imposés par la Troïka ? A observer les dernières actions et déclarations, un certain nombre de dérapages sont à craindre et à éviter. – Quel rôle pour l'opposition ? Certes, la coalition tripartite dispose d'une large majorité à la Constituante et peut de ce fait faire adopter toutes ses propositions. Pas de suspense, donc. Et c'est frustrant pour certains partis de l'opposition. Mais est-ce une raison pour se retirer ou s'abstenir ? Ces partis ont leurs électeurs qui leur ont accordé leurs votes et leur confiance, selon des choix et des propositions bien déterminés. Le premier devoir de cette opposition est donc de faire connaître les choix de ses électeurs et de les défendre. Elle doit même faire des propositions alternatives, présenter des amendements et surtout être présente et bien exprimer ses désaccords. L'un des principaux apports de la révolution est justement d'avoir permis de briser l'unanimisme, et d'imposer l'existence effective d'une opposition. Adopter la politique de la chaise vide ou de l'abstention est contre-productif et ne répond pas aux exigences de la démocratie. D'un autre côté, les trois partis coalisés devraient être plus réalistes et ne pas oublier qu'ils ne disposent que d'une courte majorité d'une minorité de votants. C'est-à-dire qu'ils ne représentent pas la majorité du peuple tunisien. S'ils lorgnent du côté des prochaines élections présidentielles et législatives qui accorderont de vrais pouvoirs légitimes et étendus aux vainqueurs, ils auraient intérêt à ne pas se laisser aller à une dictature, à l'accaparement des pouvoirs. – Quel rôle pour les médias ? De plus en plus de personnalités « bien intentionnées » se préoccupent de la «réforme de la presse et de l'information». Certes, les médias font face à de sérieux problèmes, mais ont ils besoin d'être réformés ? Et dans quel sens ? A notre connaissance, leur principal problème est le contrôle que leur impose le pouvoir exécutif. D'un côté, l'on parle de respecter et de garantir la liberté de la presse; de l'autre, on «déplore» que les médias ne reflètent pas les résultats des dernières élections. C'est-à-dire, en fin de compte, qu'on veut en faire des instruments de propagande; comme du temps du système dictatorial. La liberté de la presse ne se décrète pas et ne se discute même pas. Ses limites sont fixées par les règles de la démocratie, à savoir le respect de tout le monde et de ses opinions. Chaque média a le droit d'avoir ses propres choix, sa propre ligne éditoriale. Le parti au pouvoir Ennahdha a son propre média qui chante ses louanges et expose ses choix. Sans parler des choix des autres partis. De même pour les autres partis qui ont aussi leur média. Et il est naturel que l'on donne des informations diverses et contradictoires et que l'on émette des critiques. N'est-ce pas le privilège du détenteur du pouvoir d'être critiqué ? C'est cela assumer son rôle de «4e pouvoir» et c'est cela la démocratie et sa richesse. – Quel rôle pour les syndicats ? Il est évident qu'ils doivent défendre les intérêts de leurs adhérents. Mais ils font partie d'une société qui les concerne. Cela veut dire qu'ils ont un rôle important à assumer dans le développement de cette société et ont leur mot à dire dans les choix socioéconomiques. A ce titre, leurs actions devraient être réfléchies et ne pas porter préjudice aux intérêts du pays. L'année qui commence commande qu'on multiplie les vœux. Espérons qu'on évitera le maximum de dérapages, généralement générés et encouragés par l'attrait et l'abus de pouvoir.