On a chaudement fêté l'année nouvelle d'une façon originale en allant au Damier, à deux jours près. On est accueilli par des tons vifs et contrastés, d'où un saisissement dès l'entrée. Deux talents sont en dialogue sur le thème commun de la danse. Emna Berrhouma fait surgir des hommes en jaune et rouge et avec la chéchia, pris dans un mouvement d'ensemble rituel. C'est éclatant. Dans «Djerba danse», les couleurs parlent pour la musique. Judicieusement, le tableau de Monia Chouk est placé à côté pour une lecture «entre les lignes» : C'est le titre. La rythmique est proposée comme le chatoiement du soleil dans les lamelles d'un store... Et ce n'est pas le seul agrément de l'exposition puisque tous les artistes entrent dans une orgie de couleurs et de danses en transe quasiment, d'où le mot juste de l'intitulé et le mode saisissement. Des courbes rythmiques, allusions de corps sont proposées, avec un ensemble de quatre peintures acryliques, par Ghada Drissi Bouslama dans une « Gestuelle » innovante sur fond noir brillant. Trois panneaux alignés offrent une décomposition du tour de valse. Le 4e paraît moins dansant. On aime aussi fortement «Le pas argentin» d'un couple en blanc sur fond uni rouge flamboyant. C'est un découpage net et attrayant effectué par Besma Ben Yahia. Il suffit de se laisser charmer. Dépasser, c'est transcender Les exposantes ont intégré des techniques traditionnelles et nouvelles, elles s'en servent de façons multiples même si elles sont issues du même atelier de Sylvain Monteleone. C'est à son honneur. Badia Ben Hassoun appelle, « Gnawouia », un tableau qui allie le son à l'image sous une apparence de peau tatouée; on pense à la derbouka... Plusieurs tableaux présentés visent ce raccordement entre son et image. Lamia Guemara – dont on a salué il y a quelques années les visages d'exclus derrière des barbelés – continue son chemin de rebelle en concoctant une statue de liberté aux prises avec des Indiens d'Amérique dont il faudrait sauver la dignité : «Save the last dance». Les couleurs sont violentes un peu trop. Mais c'est un parcours dissident et remarquable à suivre. Les artistes ont été visiblement motivées par ce titre de l'expo «transe en danse» qui fait rimer transe avec danse et dépassement spirituel en prime dans le jeu de mots cher au galeriste. Insaf Saïed propose des couleurs si vives dont «l'Orange» et c'est elle qui fait entrer le terme de «Jazz», qui, peut-être, permet de qualifier l'ensemble de l'expo. Dans «Etudes», elle a disposé une silhouette en quatre cases. Cela fait dessin animé ou film à l'ancienne. «Illustration » ou danse d'hommes élevés au-dessus du sol On ne manque pas de trouver également la note orientale dans un tableau de Selma Cherif Dziri, ainsi que l ‘appel à la lune dans «Orientale» et «Moon dance». Pour sa part, Souha Ben Slama prolonge l'envol dans les galaxies avec sa «poussière d'étoile», sa «voie lactée» et sa «féérie boréale». Quant à Hella Msellati Kraîem, elle nous entraîne dans les tons crèmes, dans une palette qui tranche avec les excès de couleur. Et tout cela nous compose « un après-midi dansant » qui est l'un des tableaux, celui de Lilia Mahjoub. Et cela fait avec l'apparition à la Béjart de S. Monteleone douze participations, un Cénacle d'esprits endiablés pris dans la fougue du tango ou du paso doble. En parallèle, il existe un livre proche du livre idéal pour le peintre poète, un livre composé de prose et de poses, le livre qu'il portait en lui depuis longtemps. Il l'a fabriqué longuement patiemment selon son désir et son rêve bleu. Au Damier rendez-vous doublement euphorique...