Elle a 21 ans, elle s'appelle Sana. D'un instant à l'autre sa vie a basculé...du paradis à l'enfer. Enfant unique chez maman Dalila et papa Youssef, Sana ne garde que des souvenirs heureux de son enfance et de son adolescence. Aujourd'hui étudiante, elle a tout pour être épanouie, pour réussir sa vie comme n'importe quelle fille de son âge qui rêve de terminer ses études supérieures, décrocher un diplôme et un emploi et puis se marier et connaître à son tour la maternité. C'était sans compter avec la cruauté de sa tante paternelle qui lui balança un jour en pleine figure la nouvelle, celle qui va faire d'elle la fille la plus malheureuse du monde : « Tu es une bâtarde, Dalila et Youssef ne sont pas tes vrais parents; tu n'es qu'une enfant adoptive». Choquée, brisée, égarée, blessée, Sana a quitté le domicile de ses parents adoptifs, elle ne va plus en cours, elle s'enferme nul ne sait où et s'enfonce dans une profonde tristesse. Un soir, Sana prend son courage à deux mains et compose le numéro d'une radio privée qui diffusait une émission dont le thème consistait à confier des secrets dans l'anonymat pour casser le mur du silence et communiquer avec l'extérieur. Sana prend la parole, sans pouvoir contenir ses sanglots et raconte son histoire, son malheur et son désespoir. Hella a douze ans. Cela fait dix ans qu'elle vit dans sa nouvelle famille après avoir passé un séjour à l'Institut national de protection de l'enfance. Un jour, sa mère adoptive par la tutelle (kafala) décide de la ramener à l'institut, elle ne veut plus la garder sous prétexte que la petite est une voleuse et qu'elle n'est pas gentille avec le fils biologique né après l'adoption de Hella. Alia est, quant à elle, étudiante dans une grande école à Paris. Elle a toujours su qu'elle est une enfant adoptée. La vie qu'elle a menée avec ses parents adoptifs ainsi que ses frères et sœurs d'adoption est des plus heureuses. Elle est aimée et choyée tout comme les autres enfants. Alia découvre la stigmatisation, la ségrégation, la marginalisation, le jour où elle entendit, à travers les ondes d'une radio française, les propos de Mme Souad Abderrahim, élue d'Ennahdha à l'Assemblée Nationale Constituante, condamnant les mères célibataires. En réaction à ces propos, Alia fait savoir à sa famille adoptive qu'elle ne reviendra plus en Tunisie. Ce sont là des bribes d'histoires de vie d'enfants adoptés. Des vies le plus souvent difficiles, fragiles, toujours en sursis, à la merci d'un événement inattendu pour virer au cauchemar. Une multitude d'histoires différentes peuvent être racontées mais en définitive elles se rejoignent toutes à un moment ou à un autre dans la détresse, le désarroi, l'égarement, la solitude. Des moments qu'on ne saurait décrire, car vécus différemment par chaque enfant en fonction de son histoire, du roman familial. Les plus difficiles à raconter demeurent celles que vivent les pensionnaires de l'institut de Sidi Daoud. Des enfants abandonnés, polyhandicapés qui nécessitent beaucoup d'attention et de soins spécialisés. A l'institut, les moyens sont modestes et du côté des professionnels en charge de ces enfants, la compassion se mêle à l'impuissance d'aider ces handicapés à mener une vie normale, une vie qui se résume souvent à une phrase : attendre que mort s'en suive.