Hamadi Jebali, chef du gouvernement provisoire, s'est adressé aux Tunisiens et aux Tunisennes. Hier soir, vers 21 heures, les trois télévisions tunisiennes Al Watania, Nessma, Hannibal ont donné la parole pendant plus d'une heure au premier responsable de la coalition au pouvoir depuis les élections du 23 octobre 2011, pour éclairer les téléspectateurs sur les grandes questions qui accaparent leur attention, sur les problèmes qui suscitent leur inquiétude et sur la situation sécuritaire et sociale marquée notamment par la prolifération des sit-in à travers l'ensemble du pays, des mouvements de protestation qui touchent presque tous les secteurs économiques et des actes de sabotage ou de violence que certaines parties n'ont pas hésité à commettre, profitant du «relâchement» observé par les forces de sécurité intérieure. Le gouvernement sera-t-il amené à appliquer la loi face aux sit-inneurs et à ceux qui dressent des barrages sur les routes ? Jebali est clair et précis : «Nous n'aurons jamais recours aux mesures exceptionnelles ni aux solutions exclusivement sécuritaires. Nous sommes pour le respect des droits de manifester, d'organiser des sit-in pacifiques qui n'entravent pas la liberté du travail. Cependant, nous rejetons catégoriquement les sit-in sauvages et les actes criminels prémédités de sabotage de notre économie». Plusieurs dossiers ont été évoqués par les journalistes intervieweurs qui n'ont pas hésité à «coincer» Jebali pour le pousser à des réponses qui sortent du cadre diplomatique, avec pour objectif de pimenter la soirée et d'offrir aux téléspectateurs des indiscrétions, des révélations ou des informations exclusives qu'ils attendent depuis bien des semaines. Et Jebali ne s'est pas retenu et n'a pas été avare dans ses réponses aux questions qui «dérangent» et aux observations qui méritent des mises au point claires et cohérentes, mais surtout tranchantes pour rassurer et engager l'opinion. Mais le chef du gouvernement a-t-il tout dit ? La question est plus que jamais à l'ordre du jour dans la mesure où tous se demandent que fera le gouvernement Jebali pour «nous ramener l'argent spolié et déplacé par Ben Ali et son gendre Sakher au Qatar, désormais autoproclamé parrain du Printemps arabe et se considérant comme le dépositaire de la réussite de notre révolution de la liberté et de la dignité». «Nous n'avons encore pas d'évaluation précise du volume des avoirs spoliés et déplacés à l'étranger. Les pays étrangers n'ont pas exprimé leur volonté de restituer même les avoirs déjà reconnus et annoncés publiquement. Nous n'abandonnerons pas un millime de l'argent pillé de notre pays. Mais, la partie s'annonce très difficile». D'autres préoccupations ont été aussi au menu. Comme l'héritage économique catastrophique légué à Jebali et à ses lieutenants. Jebali a insisté sur les pertes enregistrées jusqu'ici, atteignant 2.500 millions de dinars, dont 1.200 millions de dinars pour la Compagnie des phosphates de Gafsa et le Groupe chimique tunisien (Gabès), ce qui correspond à 800.000 allocations de chômage pour autant de demandeurs d'emploi pendant une année. Aussi, a conclu le chef du gouvernement, faut-il expressément briser ce cercle vicieux qui consiste à ne pas perdre des emplois faute d'investissements qui tardent à venir par manque de sécurité. Idem pour les rapports qu'il entretient avec le Dr Marzouki, président de la République, qui ne rate aucune occasion pour s'illustrer et créer «l'événement» ou ses relations avec les médias qui n'ont pas été tendres avec ce gouvernement, pas plus qu'avec les autres gouvernements. A cet égard, il a reconnu qu'il existe «un déficit de communication de la part des membres du gouvernement qui ne disposent pas de l'expérience requise». L'information doit être libérée de toutes les entraves dont elle souffre. Mon souhait est qu'elle soit libre, crédible et au service des causes du peuple, de tout le peuple, a-t-il ajouté. Le chef du gouvernement a annoncé que 235.000 familles bénéficieront d'aides et qu'il a été procédé au versement de la 2e tranche des indemnités décidées au profit des familles des martyrs et des blessés de la révolution. «Les cartes de soins gratuits ont été acheminées à leurs destinataires et la priorité sera accordée aux familles des martyrs en matière de recrutement dans le secteur et la fonction publics». Le chef du gouvernement n'a pas manqué de faire part de la tenue d'une conférence nationale qui groupera tous les partenaires du paysage politique national et les composantes de la société civile. Objectif: penser, ensemble, les meilleurs moyens à mettre en œuvre en vue de surmonter la crise politique, économique et sociale que vit notre pays. Dans un esprit de consensus, de concertation et d'écoute de tous les apports, quels que soient leurs auteurs.