Par Soufiane BEN FARHAT Les incidents de Bir Ali Ben Khalifa cachent le projet d'un émirat islamique en Tunisie. C'est M. Ali Larayedh, ministre de l'Intérieur, qui l'a affirmé avant-hier dans une conférence de presse. Un émirat islamique en Tunisie. Pas moins que ça. Et ce n'est que la face émergée de l'iceberg. Raison pour laquelle il faut en tirer les conclusions requises. En premier lieu, il ne faut ni dramatiser outre mesure ni minimiser. Quoique tout laxisme en la matière s'avère à proprement parler catastrophique. Mais il faut se fier aux évidences. Al Qaïda et quelques mouvances terroristes semblent bel et bien à nos portes. On n'est plus le sanctuaire inviolable, protégé des incursions des troupes et des commandos terroristes. Le ministre de l'Intérieur a spécifié que douze personnes ont été arrêtées tandis que neuf autres demeurent en fuite. L'expérience irakienne démontre que les reversements brutaux de certains régimes ouvrent la brèche aux nébuleuses terroristes. Surtout si les régimes en question brillent par leur farouche opposition aux terroristes. La Libye officie bien comme un cas d'école en la matière. La capitale, Tripoli, y est sous l'emprise des seigneurs de la guerre. Les flambées meurtrières, les expéditions punitives, les escadrons de la mort, la vengeance et la terreur y sévissent par moments. Et nous sommes voisins de la Libye. Pour M. Ali Larayedh, «ces personnes sont venues dans leur majorité de Libye... Ces extrémistes seraient en liaison avec des organisations extrémistes basées dans ce pays ayant contribué à la chute du régime de Kadhafi», a-t-il dit. Soyons clairs. Les Occidentaux, l'Otan et le Qatar ont bien introduit le loup dans la bergerie à la faveur de la guerre contre Kadhafi et ses sbires. «La Libye compte pas moins de dix millions d'armes de poing disséminées auprès des citoyens, sans parler des innombrables missiles sol-air dans la nature», nous confiait la semaine dernière un très haut responsable politique tunisien. Et de poursuivre l'air désabusé : «Je ne savais même pas que la drogue colombienne a une filière dans le Sud tunisien. C'est grave». En fait, à la faveur de la guerre en Libye, les réseaux terroristes, ceux du crime organisé et les filières de trafic de drogue semblent s'être donné rendez-vous dans le Sahara. Des réseaux interdépendants en vérité. Un nouveau front de confrontations multiformes est en passe d'y prendre corps. Au grand dam de la paix civile et du développement dans les pays du Maghreb et du Sahel africain. La Tunisie est dans le point de mire des mouvances terroristes. Certains s'avisent de s'y installer à perpétuelle demeure. Le réseau mis au jour, à la faveur des incidents de Bir Ali Ben Khalifa, en est témoin. Cela est d'autant plus dangereux que le front intérieur semble affaibli. Il se caractérise par trop de querelles, la discorde sur toute la ligne, les tiraillements idéologiques et les clivages entre camps de prime abord irréconciliables. Des interférences étrangères en rajoutent à la confusion. Aujourd'hui, il incombe de faire l'inventaire de la demeure. La Maison Tunisie est à la croisée des chemins. Son positionnement stratégique, sa vitalité dans le concert des nations dépendront de sa solidité intérieure. C'est-à-dire du sens des responsabilités de ses enfants. Lorsque le danger guette l'édifice commun, il n'y a guère d'intérêts particuliers qui prévalent. Les querelles de chapelle doivent être reléguées aux oubliettes. Tous unis pour la République, la République pour tous.