«La femme est le maillon faible de cette révolution bien qu'elle y ait contribué avec engagement et efficacement». Les propos sont de Mme Dalenda Larguèche, directrice générale du Crédif, qui introduisait ainsi les travaux de la rencontre organisée hier pour présenter les résultats préliminaires de l'étude qualitative menée par le Centre avec le soutien du Fnuap, sur le thème : «Femme et révolution». Etude engagée au mois de mai 2011 pour pallier une insuffisance, un manquement : «La femme est absente, sa participation à la révolution n'a pas été archivée, ni sous forme de documents ni de photos». Ce que la représentante de l'organisation onusienne, Mme Leïla Joudane, confirme : «La femme est absente dans la mémoire collective, presqu'inexistante dans la Constituante, dans le gouvernement, écartée des postes de leadership dans les partis politiques; cela démontre que la mémoire politique est courte». Qui s'en soucie ? Et c'est là que le bât blesse, car une bonne majorité de femmes, bien que conscientes de l'inégalité, subit cette réalité comme une fatalité. Evaluation de la participation de la femme à la révolution Le Crédif, de par sa mission de recherches et d'études scientifiques, de documentation et d'information sur la femme, s'est assigné cette tâche d'enquêter sur le terrain, de prospecter notamment dans quatre régions rurales du Nord-Ouest, de sonder 141 femmes, de les écouter, de rassembler autant que possible documents et photos, afin d'évaluer la participation de le femme dans le processus de la révolution, de tirer les conclusions adéquates et d'élaborer les recommandations à même de servir comme repères scientifiques pour les décideurs politiques, historiens et autres. L'étude se base sur quatre volets : la recherche, la formation, la documentation et l'information, comme l'explique Mme Sonia Ben Jemaï, membre de l'équipe scientifique et de terrain. Basée sur la technique des focus groupes, au nombre de huit, l'étude s'est intéressée à 141 femmes, de 20 à 63 ans, du Grand-Tunis, Nabeul, Bizerte, Sousse, Mahdia, Monastir, Béja et Jendouba. On y compte des syndicalistes, des fonctionnaires du domaine de l'éducation, de la santé et de l'administration. Dans les régions rurales intérieures, les femmes s'adonnent à l'agriculture. Les résultats préliminaires de l'enquête indiquent une participation efficace des femmes à tous les niveaux : manifestations, vote de l'ANC, observation des élections, direction des bureaux de vote. Contrairement aux femmes de plus de 50 ans, les jeunes de 20 à 29 ans présentent un manque flagrant de culture politique et une plus grande présence dans le monde virtuel (réseaux sociaux et blogs) que dans la société civile. A propos de la période précédant les élections, les femmes sondées signalent des tentatives multiples de mobilisation des femmes par des partis politiques, rapportent aussi que beaucoup de femmes ont réagi à ces tentatives d'embrigadement pour revendiquer leur liberté de choix électoral. L'enquête fait état également d'une affluence des femmes, les plus âgées, surtout, vers la société civile et non vers les partis politiques, pour contribuer à la défense et à la préservation des acquis de la femme. Le travail de terrain aujourd'hui achevé, l'équipe du Crédif s'apprête à lancer l'étape formation des participantes aux droits des femmes notamment, dans la perspective d'élaborer un rapport final qui sera remis aux décideurs comme gage de l'infaillibilité de la femme tunisienne aux grands événements qui marquent l'histoire de la Tunisie. Et c'est à ce titre que la directrice générale du Crédif annonce la tenue le 9 mars prochain, au siège du centre, d'une rencontre qui réunira des femmes de tous bords dont des députés de l'ANC et des juristes pour discuter des droits de la femme dans la Constitution. «Le rôle du centre est d'observer la société, d'analyser les phénomènes et les événements puis de fournir des conclusions aux décideurs pour qu'ils prennent les mesures qui conviennent», explique Mme Larguèche, tout en soulignant que «le Centre doit pouvoir travailler loin de toute instrumentalisation afin d'accomplir son travail en toute objectivité». Ce que défendent les organisations internationales, notamment onusiennes dont le Fnuap. Et Mme Joudane d'indiquer : «quel que soit le contexte, les institutions de recherche comme le Crédif doivent continuer de jouer leur rôle et de faire leur travail en toute indépendance; pour cela, le Fnuap leur apporte l'aide nécessaire au renforcement de leurs capacités».