La démarche est simple et efficace : « On commence par tester le marché. Au troisième jour de vente, le client étranger sera en mesure de prévoir l'évolution de la demande de l'article. Et ainsi, on peut programmer de façon optimale la production et minimiser le niveau des stocks», explique le professionnel Producteur de plusieurs marques internationales, principalement de haut de gamme, et propriétaire d'une marque nationale de prêt à porter pour femme, M. Khaled Mzid est plutôt optimiste pour ce qui est des perspectives du secteur du textile. Par contre, il déplore la campagne de dénigrement dont souffre le textile tunisien. Plusieurs qualifient les industriels du secteur de vendeurs de minute, de vendeurs de main- d'œuvre, ainsi que plusieurs accusations d'ordre social. Il renchérit : «Certains recommandent de se concentrer sur de nouveaux domaines ayant une meilleure valeur ajoutée». Pourtant, le textile en général, et tunisien en particulier, a su remonter la filière et intégrer des métiers très pointus, très techniques, à forte valeur ajoutée. «Le deuxième plus vieux métier au monde est aussi valorisant que les autres secteurs», insiste-t-il. A vrai dire, dans ses débuts, pendant les années 70 et 80, les opérateurs du secteur ont opté pour des stratégies de domination par les coûts. D'où leur activité s'est réduite à la recherche d'un meilleur coût minute. Mais depuis une décennie, le secteur a su développer de nouvelles compétences et intégrer de nouveaux métiers, avec une technicité de plus en plus pointue. Donc, ajoute-t-il, le textile tunisien est loin d'être un secteur en déclin ou d'une faible valeur ajoutée. L'année 2011 aurait dû être une année exceptionnelle. Déjà, le premier semestre a confirmé les prémices de la relance détectées en 2010. Malgré la mauvaise performance au deuxième semestre 2011, le bilan de fin d'année a montré une évolution significative de 5% par rapport à l'année 2010. La flexibilité, pilier de compétitivité La proximité de l'Europe a fait des industriels tunisiens des «fournisseurs de très court terme». Ce «sourcing» de proximité est avantageux à plus d'un titre. «Avec un bon sourcing de court terme le client pour mieux réagir aux fluctuations de la demande», précise le professionnel. En effet, l'un des avantages d'opter pour un opérateur tunisien est que le client peut se décider plus tard. D'où moins de risque de se tromper sur les collections, les modèles et les quantités à produire. A cet égard, il explique «qu'on prévoit la mode, six mois à l'avance, on peut ne pas tenir compte de quelques nouveaux facteurs et de nouvelles tendances». Ce qui pourrait remettre en péril toute une collection commandée à l'avance, à un opérateur asiatique, à des prix compétitifs. «Il convient de préciser qu'en pratique, les bénéfices sont intimement liés avec le niveau des stocks en fin de saison», relève-t-il. Certes, l'écart des offres des prix de départ est en faveur des Asiatiques, mais, cette marge sera limitée par les invendus. Dans l'autre cas de figure, avec une rupture des stocks, le client risque d'énormes manques à gagner. D'où s'approvisionner de proximité, notamment de Tunisie, leur permet de coller à la demande. La démarche est simple et efficace : «On commence par tester le marché. Et au troisième jour de vente, le client étranger sera en mesure de prévoir l'évolution de la demande de l'article», explique M. Mzid. A partir de là le client peut prendre les bonnes décisions en temps opportun. «Et réaliser les bénéfices prévus et saisir les opportunités qui se présentent», dit-il. Et de préciser «tant que l'article plaît, on continue de le produire». Sur le plan financier, les marchés asiatiques exigent les lettres de crédit comme mode de paiement. En d'autres termes, un blocage des fonds pour quelques mois et des commissions bancaires non négligeables. Par contre, en Tunisie, le règlement se fait généralement à crédit de 90 jours. Ainsi, fort d'un court délai de livraison de trois à sept semaines, l'industriel tunisien est en mesure de développer une grande réactivité et une importante force de proposition. «Le secteur a su s'adapter à ces exigences», indique M. Mzid. Donc, le secteur est loin d'être en déclin. Mieux encore, il est toujours aussi bien positionné sur le marché international. Ces dernières années, les pays de l'Europe de l'Est ne sont compétitifs que dans quelques créneaux ou ils disposent de compétences distinctives. Pour ce qui est des pays asiatiques, d'après le professionnel : «On n'évolue pas sur le même terrain». D'où, les deux concurrents directs sont la Turquie et le Maroc. Ambitieux, il a rappelé que dans une telle situation, «le nombre des entreprises nationales capables de proposer des collections de produits finis avec un design up to date a triplé pendant cette dernière décennie». Des handicaps à surmonter Pour accéder à un deuxième palier de croissance, le secteur, qui assure 44% des emplois manufacturiers, mérite une révision aussi globale que précise de tous les métiers rattachés. Le handicap majeur est l'absence totale des matières premières sur le marché local, à savoir la fibre naturelle, synthétique et les accessoires. Donc, le tissu national est dépendant de fournisseurs étrangers et subit directement les fluctuations des cours de ces produits. L'année dernière, les prix du coton ont triplé. Pis, «s'approvisionner en tissu d'origine asiatique limite l'accès au marché européen», déplore-t-il. Et de préciser; «Nos produits seront passibles de droits de douane sous la prétexte de ne pas respecter l'exigence de la double transformation». Seule une simple transformation est exigée de nos concurrents turcs. «La Tunisie aurait pu exploiter à bon escient le capital sympathie dont elle bénéficie et demander d'éliminer cette barrière», regrette-t-il. Sur un autre plan, les professionnels souffrent des délais de livraison, relativement longs, des services de la Rapid-Poste, le monopole du secteur. «Un échantillon confectionné en 48h prendra trois jours pour arriver à destination», remarque-t-il. Alors que les grandes enseignes internationales assurent l'expédition des échantillons de nos concurrents turcs et marocains dans seulement 24 heures. De même, la promotion du secteur ne pourrait se passer d'une bonne communication. Ainsi, le TEXMED est l'un des piliers de la communication de la destination tunisienne. Cette année, le salon est décalé de juin à octobre. Dans ce contexte, il à été recommandé de réviser à la hausse les budgets alloués à ces manifestations, de multiplier les actions de prospection et de mener une politique par pays. L'image de la nouvelle Tunisie pourrait faciliter l'accès à certains marchés. Pour ce faire, les délégations d'hommes d'affaires et de hauts responsables du gouvernement constitueront une réelle force de frappe. Au niveau national, l'industriel préconise la promotion d'une «labellisation sociale». L'intérêt est double. Le respect des normes constitue une garantie de la paix sociale. Ainsi, certaines marques internationales haut de gamme exigent une telle certification. Dans ses relations avec certaines marques haut de gamme, il relève, «chaque mois une mission d'audit social débarque dans mes locaux pour évaluer le climat social de l'entreprise».