La pratique du football de haut niveau pendant les périodes de jeûne est un défi auquel de nombreux musulmans se trouvent régulièrement confrontés. Ainsi, les prochains Jeux olympiques auront lieu pendant le Ramadan. Près d'un quart des athlètes engagés, de confession musulmane, seront donc affectés. A la demande du docteur Yacine Zerguini, membre de la Commission médicale de la Fifa, le Centre d'évaluation et de recherche médicale de la Fifa, l'Algérie et la Fédération algérienne de football ont mené plusieurs enquêtes en 2004 sur le thème «Ramadan et football». En 2006, une nouvelle étude a été lancée en coopération avec la Fédération tunisienne de football. Les résultats de ces recherches ont été publiés en 2008 dans le Journal of Sport Sciences, un organe de référence pour tous les praticiens spécialisés dans la médecine sportive. Le Qatar, précurseur La première conférence sur le Ramadan et le football s'est déroulée les 25 et 26 novembre dans les locaux d'Aspetar, au Qatar. Scientifiques, médecins et joueurs ont ainsi pu partager leurs connaissances et leurs expériences sur la question du jeûne, afin de mieux conseiller les athlètes confrontés à cette situation. Certaines voix se sont fait entendre pour suggérer un assouplissement des règles et permettre aux sportifs de mieux gérer les périodes de compétition. Toutefois, les participants sont rapidement tombés d'accord pour constater que le respect du Ramadan relevait avant tout d'un choix personnel sur lequel les scientifiques, les nutritionnistes et les entraîneurs n'avaient pas à s'exprimer. Demandeurs de conseils En outre, les débats ont fait apparaître certaines différences entre le résultat des études et les témoignages des sportifs. Trois joueurs musulmans de premier plan ont ainsi partagé leurs expériences avec les autres participants. Madjid Bougherra, international algérien, a expliqué que les longs repas nocturnes pouvaient avoir un impact négatif sur son sommeil. Pour satisfaire ses besoins en glucides, l'ancien joueur de Gueugnon se contente de pâtes. De fait, la plupart des nutritionnistes recommandent aujourd'hui aux joueurs une alimentation riche en glucides pendant le Ramadan. Selon Bougherra, le problème se pose moins aux footballeurs évoluant dans des pays musulmans qu'à leurs collègues pensionnaires des championnats européens. En effet, les pratiquants y sont souvent très minoritaires. «Nous sommes demandeurs de conseils sur ce que nous pouvons manger et boire, ainsi que sur la façon de mieux récupérer». Nadhir Belhadj, un autre professionnel algérien, aurait également apprécié quelques conseils pour maintenir son niveau de performance à l'entraînement pendant le jeûne. «J'ai vraiment l'impression que les blessures sont plus nombreuses pendant cette période». Une récente étude menée sur deux saisons en Tunisie tend à confirmer ce sentiment. Les chiffres indiquent une augmentation du nombre de blessures pendant le Ramadan. De nombreux facteurs comme le manque de préparation, la fatigue ou une condition physique moyenne, peuvent effectivement contribuer à augmenter le risque de blessure. Toutefois, d'autres études doivent être diligentées pour approfondir cette question. Hydratation Plusieurs enquêtes indiquent que la première semaine de jeûne est toujours la plus difficile. Pourtant, Jamal Alioui a confié que les deux dernières semaines du Ramadan étaient souvent les plus éprouvantes. Cependant, l'international marocain a relevé que les effets du jeûne pouvaient varier en fonction de nombreux facteurs, comme le sommeil, l'hydratation et la température. Chaque année, le Ramadan avance d'une dizaine de jours dans le calendrier. Celui-ci devrait donc coïncider avec la préparation d'avant-saison d'ici quelques années, ce qui n'a pas manqué d'inquiéter les joueurs présents. La possibilité de modifier son cycle de sommeil et d'alimentation de manière progressive sur plusieurs jours a également été envisagée. L'idée est ici d'éviter le traumatisme lié à un changement radical de comportement du jour au lendemain. Plusieurs intervenants ont ainsi suggéré de s'acclimater au jeûne quelques jours avant le début officiel du Ramadan. Les études présentent des résultats contrastés en ce qui concerne les performances. Les activités brèves et intenses, comme les séances de sprint, semblent peu affectées. Les résultats présentés par le centre de la Fifa montrent même quelques signes d'amélioration en termes de vitesse, de puissance et d'endurance sur une période de trois semaines. D'autres travaux font état de performances stables. Néanmoins, toutes ces enquêtes se réfèrent uniquement à des études de terrain. Les performances en match n'ont pas encore été évaluées. Le sommeil, un facteur clé Il convient de noter que le Ramadan affecte également les cycles du sommeil. Le temps passé à table est souvent pris sur les heures de repos. En outre, la digestion peut impacter la qualité du sommeil. Une solution consisterait à réduire au maximum les repas, en se concentrant sur une alimentation riche en glucides, tout en privilégiant les siestes pendant la journée. Selon les scientifiques, il n'existe pas de règle d'or. Chaque joueur doit trouver la méthode qui lui convient le mieux. Les équipes entièrement composées de musulmans pourraient déplacer l'entraînement en fin d'après-midi ou dans la soirée, afin de permettre aux sportifs de s'alimenter dès la fin de la séance. Une autre stratégie serait de privilégier l'aspect technique et de diminuer l'intensité. Quoi qu'il en soit, la situation sera toujours plus délicate lorsque les pratiquants sont isolés. Il ressort nettement de cette réunion que le sujet reste méconnu et que d'autres études sont nécessaires. Plusieurs équipes de recherche ont d'ores et déjà prévu de réunir l'ensemble des preuves établies afin de proposer des solutions efficaces aux sportifs qui jeûnent lors du Ramadan. Les résultats de cette conférence, les conclusions et les recommandations seront publiés dans une revue scientifique au début de l'année 2012. Toutefois, les stratégies à adopter relèveront toujours d'un choix personnel, au même titre que la pratique du jeûne.