De notre envoyé spécial à Bagdad Soufiane BEN FARHAT Le sommet arabe de Bagdad a beau être blindé, cela n'a pas empêché quelque mouvance terroriste de donner de la voix. Un obus de mortier s'est abattu hier en début d'après-midi à proximité de la fameuse Zone verte, le lieu ultra-sécurisé abritant le sommet, près de l'ambassade d'Iran, au centre de Bagdad. On ne déplore point de victime, du moins officiellement. Mais les jihadistes irakiens qui avaient appelé il y a quelques jours à «frapper le quartier général du sommet arabe» peuvent jubiler. Ils ont pu passer à travers les mailles du rideau sécuritaire établi par les autorités irakiennes à 26 km à la ronde autour de la vaste capitale irakienne. Seulement neuf des 21 chefs d'Etat arabes conviés au sommet — la Syrie ayant été exclue — ont rappliqué à Bagdad. Visiblement irrités par la mollesse du sommet et de l'Irak vis-à-vis du régime syrien, l'Arabie saoudite et le Qatar ont envoyé des seconds couteaux à Bagdad. Les assises de Bagdad consacrent en fait le retour de l'Irak dans la famille arabe. Ce sera le premier fait saillant de ce sommet. La présence historique de l'émir du Koweït, vingt-deux ans après l'invasion de son pays par les troupes de Saddam Hussein, en dit long là-dessus. Le second fait saillant est celui que traduit la «Déclaration de Bagdad». Elle souligne «le légitime désir de liberté et de démocratie du peuple syrien qui souhaite choisir son avenir», et le «transfert pacifique de l'autorité». Et s'ils «dénoncent les violences, les meurtres et l'effusion de sang» en Syrie, les dirigeants arabes «se prononcent en faveur d'une solution politique par des négociations nationales, refusent l'ingérence étrangère dans la crise syrienne». Dans cette optique, le sommet de Bagdad appuie «la mission de Kofi Annan pour entamer des négociations politiques entre le gouvernement et l'opposition syriens sur la base de l'initiative approuvée par le Conseil de sécurité de l'ONU et la Ligue arabe». On comprend que certains dirigeants du Golfe fulminent. Eux qui se sont mobilisés à force de chaînes satellitaires, armes et bagages en vue d'armer l'opposition syrienne tout en favorisant l'irruption du corps expéditionnaire étranger en Syrie. La participation du secrétaire général de l'ONU, Ban Ki Moon, aux assises du sommet arabe de Bagdad fait davantage grincer les dents. Côté Golfe s'entend. L'Irak tient à assumer pleinement son rôle et à donner de la voix internationalement, une année durant, au nom des pays arabes. Et il annonce d'emblée la couleur. Il est mieux placé que d'autres pour juger des issues probables ou possibles de la crise du voisin syrien. Et il le signifie. On croit même savoir que le ministre syrien des Affaires étrangères devait se rendre à Bagdad à la veille de la tenue du sommet arabe. Les autorités irakiennes l'ont dissuadé de la faire dans l'immédiat, tout en promettant d'accueillir le chef de la diplomatie syrienne juste après le sommet. Le Qatar ne s'avoue pas pour autant vaincu. Dernier tour de passe-passe diplomatique en la matière, le Sultanat d'Oman s'est désisté de l'organisation du prochain sommet arabe...au profit du Qatar. Chassez le loup du poulailler, il revient sous l'habit de la ménagère. Côté tunisien aussi, une certaine amertume est dans l'air. Après avoir escompté beaucoup sur la question de la libération des prisonniers tunisiens en Irak, on déchante. Avant-hier tard dans la nuit, M. Moncef Marzouki, président de la République, a piqué un coup de colère dans son lieu de résidence. Un ministre irakien est venu l'informer que seulement quatre prisonniers tunisiens seraient libérés, alors qu'on en escomptait plus d'une vingtaine. Hier, la colère est tombée d'un cran. A l'issue de ses entrevues avec le président irakien Jalel Talabani et le Premier ministre Nouri el-Maliki, le président Marzouki a été partiellement rassuré. Les Irakiens ne se contenteront pas du traitement des cas des prisonniers tunisiens sur la seule base de la Convention arabe de Riyadh de 1983 sur la coopération judiciaire. Ils suggèrent également la réactivation de la convention tuniso-irakienne en matière de coopération judiciaire. Beaucoup de cas de prisonniers tunisiens –dont certains en sont encore au stade de l'instruction — pourraient en profiter. L'absence du ministre tunisien des Affaires étrangères des assises de ses pairs la veille du sommet arabe est pour sa part remarquée. Et commentée. Ici et là, les Arabes honorent avec brio l'adage instruisant qu'ils se sont mis d'accord pour ne jamais être d'accord (ittafaqa al arabou ala alla yattafiqou). Les intérêts nationaux propres, les considérations géostratégiques, la raison d'Etat, les caprices et faits du prince y vont chacun de sa partition. A telle enseigne que si l'on devait donner un titre au sommet arabe de Bagdad, nous emprunterions celui du fameux film de Kevin Costner : Danse avec les loups à Bagdad. Pour le moment. En attendant de valser sur les sables ardents et mouvants du Golfe. Cela a au moins le mérite de ne pas être un non-événement ! La syrie accepte le plan Annan, selon Sana Le président syrien Bachar Al-Assad a affirmé hier que son pays avait accepté le plan de sortie de crise proposé par l'émissaire international Kofi Annan, dans un message adressé au sommet des pays émergents des Brics tenu à Delhi et repris par l'agence officielle Sana. «La Syrie a informé M. Annan avoir accepté le plan qu'il a présenté, tout en exprimant des remarques» sur le contenu, a indiqué M. Assad, sans plus de détails. «La Syrie, dans le cadre de sa stratégie visant à mettre fin à la crise, a accepté la mission de Kofi Annan, émissaire spécial de l'ONU, et assure qu'elle n'épargnera aucun effort pour faire réussir cette mission», a-t-il ajouté.