Voyage dans l'histoire, escapade vers le futur, l'ouvrage de Abdesselem Mahmoud, paru tout récemment aux éditions du Centre de publication universitaire, nous offre, en effet, cette possibilité avec pour scène Tunis, la capitale et sa banlieue. Tunis : architecture et urbanisme, d'hier à demain est le titre de l'ouvrage en question, préfacé par Pierre-Noël Denieuil et s'étalant sur 240 pages. Enseignant-chercheur en sociologie à l'Ecole nationale d'architecture et d'urbanisme depuis 1995, l'auteur accorde un intérêt particulier à «l'espace urbain et architectural, le temps, les jeunes et les loisirs en Tunisie». C'est donc respirant la vie que son livre est venu enrichir la littérature sur la question. Il ne s'agit donc pas d'un simple livre sur l'architecture, genre de catalogue plein de photos et de plans. Quoique ces supports n'y sont pas en reste. L'ouvrage est vraiment bien «armé» en ces contenus qui disent plus que n'importe quel texte. Surtout dans le champ étudié. Et l'auteur «y conjugue un regard d'historien avec une évocation de la littérature de voyages sur Tunis et ses monuments et les résultats d'enquêtes sociologiques menées avec ses étudiants», peut-on lire dans la préface. Deux modèles côte à côte C'est donc plus d'un vécu au sein d'une cité qu'il est question. Et ce vécu subit tous les changements imposés par la succession et l'interaction des événements depuis l'évolution de Tunis, en dehors de ses vieux remparts, surtout au cours de la période coloniale. Un vécu qui subira certainement les effets d'une évolution future à travers le prisme de mégaprojets qui ne manqueront pas de le métamorphoser. «Une double impulsion est derrière l'étude de l'architecture coloniale et contemporaine à Tunis. D'une part, un manque remarquable d'études à ce sujet, d'autre part, l'étude de l'époque coloniale serait assez pertinente pour une meilleure compréhension du processus de modernisation architectural et urbain en Tunisie», c'est ce qu'explique l'auteur dans son introduction. Comprenant plusieurs index, une bibliographie assez fournie, un glossaire, une table des styles architecturaux à Tunis, l'ouvrage est constitué de quatre parties. Dans la première partie, l'auteur s'intéresse à la ville coloniale, et ce, après avoir décrit succinctement l'évolution de Tunis avant la période indiquée, faisant précéder cela par un petit tour d'horizon sur l'histoire architecturale de la Tunisie. Afin de mieux expliquer ses propos, il offre aux lecteurs un étude de cas‑: Bab Bhar «la porte de la mer», décrite comme «un repère», point de rencontre, mais aussi entre «deux modèles de paysages urbains anciens et modernes». Soit «la fonction initiale d'une porte». Dans la seconde partie, l'auteur s'intéresse à la «Grande avenue» (l'actuelle avenue Habib-Bourguiba, l'avenue de France, celle de Paris…), et aux différents monuments qui y prennent place de part et d'autre, tels que le théâtre, la cathédrale, l'actuelle ambassade de France, l'ex-siège de l'ambassade de Grande-Bretagne, pour, enfin, consacrer tout un chapitre afin de répondre à la question suivante‑: Architecture de Tunis‑: quelle identité? L'auteur relève «une difformité» caractérisant «le nouveau réseau urbain». Celle-ci «dénote une asynchornie entre les anciens rythmes de la vie quotidienne et les changements urbains rapides. Même l'échelle urbaine et les traits architecturaux ne correspondent plus les uns aux autres». De la sebkha au lac L'architecture d'après- l'Indépendance est traitée, elle, dans un chapitre à part (le troisième), toujours au sein de la seconde partie qui sera suivi d'un quatrième consacré à la Place du 7-novembre. Celui-ci résume une recherche empirique menée par l'auteur afin d'identifier les impacts de l'aménagement de ladite place «sur les perceptions et représentations spatiales dans l'esprit de ses usagers». Le troisième chapitre est consacré, lui, à d'autres problématiques qui sont le TGM, comme préambule d'urbanisation la «sebkha Sijoumi» comme «espace-temps urbain», et ce, afin «de comprendre les stratégies de développement durable en Tunisie», mais aussi pour cerner les raisons derrière le choix d'habiter au bord de cette zone humide. Ainsi 40% des interviewés considèrent la ‘‘sebkha'' comme un lieu de naissance et se sentent obligés d'y rester (30% sont obligés d'y rester et 12% s'y sentent bien). Le quatrième chapitre est pour sa part dédié au Lac Nord (les Berges et le prolongement) et aux méga-projets tels que la Porte de la Méditerranée. «Les changements urbains qui ont eu lieu dans la ville de Tunis depuis l'époque précoloniale jusqu'à nos jours révèlent que la ville tendait à se réconcilier avec ses fronts d'eau (…) Cette dernière évolue d'une ville vers une agglomération pour devenir une métropole qui incluerait les villes voisines : Bizerte et Hammamet», conclut l'auteur. Puis d'ajouter pour finir : «(…) l'aménagement de l'espace urbain mérite encore beaucoup plus d'attention dans le cadre de nouvelles gouvernances urbaines. Cela reste tributaire de l'élargissement de la sphère de consultation et de participation dans la gestion des affaires de la ville par tous les acteurs sociaux».