Par Soufiane Ben Farhat Tous les jours ont leur lot de nouvelles. Et de polémiques. Sous cet angle, nous ressemblons de plus en plus aux Français, pour lesquels tout est sujet à controverse. Aux dernières nouvelles, le président de l'Assemblée constituante a fixé la date limite du 23 octobre 2012 pour la mise en place de la nouvelle Constitution. Du coup, le député d'Ennahdha Habib Khedher, rapporteur général de la Constitution, a réagi. A l'en croire, la date butoir du 23 octobre est quasi impossible à honorer. Sahbi Atig, chef du groupe parlementaire nahdhaoui à l'Assemblée, a renchéri. La sentence de Mustapha Ben Jaâfar n'a, à ses yeux, rien d'obligeant. Les députés de l'opposition ont, de leur côté, applaudi l'initiative. Bref, encore une fois, c'est le dialogue de sourds. Les observateurs, eux, sont estomaqués. En six mois d'existence, l'Assemblée constituante donne l'impression de faire du surplace. Les joutes oratoires y prédominent. On y croise volontiers le fer mais on s'exécute peu. Comme dirait La Fontaine : «Lorsqu'il s'agit de délibérer, la cour en conseillers foisonne, lorsqu'il s'agit d'exécuter, on ne trouve plus personne». En six mois, l'Assemblée constituante a bien tenu, commissions comprises, 193 réunions. Pourtant, elle n'a guère encore entamé ne fut-ce qu'une seule ligne de la Constitution. C'est pour le moins effarant. Et ce n'est pas fini. La Constituante aura encore à gérer bien de délicates tâches législatives autres que constitutionnelles. Ainsi en sera-t-il du Pool judiciaire pour les affaires de corruption, de l'Instance judiciaire indépendante, de la Haute Instance indépendante pour les élections, de la Haute Instance de l'audiovisuel, de la loi sur la justice transitionnelle etc. En même temps, l'été, ramadan et les vacances d'été imposeront, eux aussi, leurs servitudes et caprices. Et le texte de la Constitution proprement dite devra faire l'objet de deux lectures et, le cas échéant, d'un référendum. Bref, la tâche est lourde. Il faudra à nos honorables députés courir deux fois plus vite pour demeurer à la même place. Et comme l'instruit le proverbe, les dépenses préalables augurent du dîner escompté (min nafa9tou ta3rif 3chahe). Or, jusqu'ici, on n'a guère dépensé les efforts nécessaires. On s'est contenté des économies qui ruinent en lieu et place des dépenses qui enrichissent. Aujourd'hui, il importe de dresser une feuille de route claire nette et précise pour l'Assemblée constituante, ses travaux en commissions, ses plénières et ses votes. Le temps n'est plus au laxisme. Les problèmes s'amoncellent et s'enchevêtrent dans une dynamique vicieuse. Des pans entiers du pays sont en panne. Les urgences pressent, le chaudron bout, la colère monte. Quoi qu'on dise, et malgré les acquis, tout demeure précaire. Les élections du 23 octobre ont bien institué l'organisation provisoire des pouvoirs publics sur la base de la légitimité des urnes. Mais le transfert de sacralité dû à la Révolution du 14 janvier 2011 est toujours de mise. La légitimité révolutionnaire est encore opérante. Elle est diffuse, dans les convictions, les crédos, les états d'âme. Elle demeure nourricière. Elle est en quelque sorte l'alpha et l'oméga. Rien ne saurait lui barrer la route. Surtout pas le précaire édifice institutionnel provisoire sorti des urnes. Aujourd'hui, il importe que l'Assemblée constituante reprenne l'initiative et anticipe les délais. Autrement, la lave révolutionnaire reviendra. Avec des effets autrement effroyables et pervers.