Par Abdelhamid Gmati Le ministre des Affaires étrangères, M. Rafik Abdessalem, qui a passé de longues années à l'étranger, précisément au Qatar, s'est distingué, encore, cette semaine. Ce fut à Hammamet à l'ouverture du Forum de coopération arabo-chinois. Il salua le président de la République en lui tendant la main mais sans quitter son siège, sous les regards de diplomates chinois, visiblement interloqués et réprobateurs devant ce manquement au protocole et aux règles diplomatiques. M. Moncef Marzouki occupe ce poste à titre provisoire mais on doit du respect à sa personne et à sa fonction. Cette scène a été fixée sur une photo qui a fait le tour de la Toile. Les internautes tunisiens, choqués, n'ont pas manqué d'exprimer leur réprobation pour ce que certains ont estimé être un manque de politesse et de savoir-vivre et cette ignorance de la bienséance diplomatique. — Le ministre conseiller du Premier ministre, M. Lotfi Zitoun, s'est aussi distingué cette semaine et par deux fois. Ce fut au cours d'une émission télévisée diffusée sur la première chaîne publique où il devait débattre avec Mme Maya Jeribi, députée du Parti Républicain. On le savait véhément, agressif, insultant, fustigeant tout ce qui bouge, coupant la parole à ses vis-à-vis, n'hésitant pas à pointer un doigt accusateur et menaçant face à ses interlocuteurs. Cette fois-ci, il a été plus loin, adressant à son interlocutrice, en plus de propos insultants et désobligeants, un geste déplacé et méprisant. L'animateur de l'émission était interloqué et l'honorable dame se sentait visiblement offensée. Ce doit être une nouvelle version de la politesse, du respect et de la bienséance. Autre acte mais dans un autre chapitre lorsque des agents des services des procédures municipales ont entamé un sit-in devant le siège du gouvernement à La Kasbah. Sorti pour négocier, M. Zitoun ne parvint pas à convaincre les protestataires malgré ses promesses. Mécontent, il les menaça d'alerter une cinquantaine de nahdhaouis pour les obliger à partir. Et effectivement, quelques minutes après, plusieurs individus se présentèrent sur les lieux. Les forces de l'ordre intervinrent alors pour empêcher l'altercation. M. Zitoun dispose-t-il d'une milice à ses ordres ? — La députée d'Ennahdha, Mme Yamina Zoghlami, s'en est pris à une citoyenne venue, au Bardo, avec des membres d'une association rencontrer un membre de l'ANC et présenter leurs doléances. La députée était sur place et discutait avec des représentants des blessés de la révolution. La dame en profita et voulut lui communiquer son inquiétude et celle des autres devant l'insécurité dans le pays. La députée, visiblement courroucée par les doléances des blessés, fustigea la dame, martelant que « ce gouvernement a été élu par le peuple et non par les 0,00 dont vous faites partie », puis elle se fit agressive et insultante : « Je suis supérieure à toi » avant de se tourner vers un policier pour lui intimer l'ordre d'arrêter la dame à laquelle elle voulait intenter un procès. Le plus étonnant est qu'effectivement, deux policiers, l'un en uniforme, l'autre en civil, interpellèrent la dame et exigèrent sa carte d'identité. Après de longues minutes, la dame put partir. Elle a raconté sa mésaventure sur les réseaux sociaux. Depuis quand les députés ont-ils le droit d'insulter des citoyens qui viennent juste s'informer et exprimer leurs doléances ? Et depuis quand la police obéit-elle aux ordres des députés ? — Le Premier ministre, M. Hamadi Jebali, s'est distingué au cours de son interview diffusée cette semaine. Réalisée par deux journalistes des 2 chaînes Watania, l'interview a été retransmise par les 4 chaînes. Y a-t-il eu réquisition? Nos chaînes vont-elles partager les mêmes programmes politiques, en l'occurrence les interventions des gens au pouvoir? En tout cas, le chef du gouvernement nous a gratifié d'une définition inédite de la charia : «C'est la liberté, la démocratie, la tolérance, les droits de l'homme, la justice» a-t-il affirmé. Il n'y a qu'à voir les pays où la charia est appliquée pour être persuadé de la justesse de ces propos. — Le ministre de l'Intérieur, M. Ali Lârayedh, a affirmé que «Les forces de l'ordre sont habilitées à faire usage de balles réelles contre les attaques visant la sûreté de l'Etat ou ses citoyens, selon les dispositions de la loi n°4 de 1969 régissant les dispositions sécuritaires lors de rassemblements en public et de manifestations. Cette loi, encore en vigueur aujourd'hui, constitue un point de référence aux forces de l'ordre face aux situations délicates». Cela veut-il dire que les agents de l'ordre qui se trouvent en procès pour avoir tiré sur les manifestants lors de la Révolution, vont être innocentés, puisqu'ils ont agi conformément à la loi ? — On pourrait aussi évoquer les agressions, verbales et physiques, contre des intellectuels, des hommes politiques, des journalistes, des syndicalistes, des artistes et hommes de culture, des libraires, des clients de bars, des sièges de gouvernorats, des postes de la sécurité, des bâtiments publics et privés, du parc du Belvédère, les appels au meurtre, les interdictions de manifestations pacifiques, l'interruption d'émissions étrangères (« Nouveaux débats arabes»)...autant de manifestations des nouvelles mœurs. — Le président de la République, M. Moncef Marzouki, a donné, il y a deux semaines, une interview à la chaîne de télévision qatarie. On y relève cette déclaration : « ... Parfois, j'ai une sorte de cauchemar, pensant que nous pouvons avoir une autre révolution dans la révolution, venant des mêmes zones [qui ont fait la Révolution] et que nous pourrions avoir des blessés et des morts dans les manifestations ». En attendant, en constatant ce nouvel art de vivre, les cauchemars des uns peuvent être de beaux rêves pour d'autres.