Transformée en l'espace d'une matinée en un club géant de sciences physiques, chimiques et environnementales, à l'occasion de la célébration de la Journée mondiale de l'environnement, l'avenue Habib-Bourguiba a révélé, hier, une autre face de sa symbolique post-révolutionnaire. Outre le fait d'être le site sacré des revendications politiques et sociales, l'Avenue, qui porte le nom du bâtisseur de la Tunisie moderne et de l'école tunisienne, revendique désormais son statut de haut lieu du savoir, de l'intelligence et du progrès technologique. Tout près du ministère de l'Intérieur, des dizaines d'enfants et d'adolescents ont écrit ensemble une nouvelle charte pour l'environnement, un pacte pour un avenir meilleur. La manifestation scientifique proprement dite a démarré à dix heures, mais Roukaya Dkhil, 18 ans, élève au lycée pilote de l'Ariana, est sur les lieux depuis huit heures du matin, s'activant à la préparation du stand du Club jeunes sciences de le cité El Khadhra dont elle est membre depuis une année. Aux côtés des encadreurs et animateurs du club, elle met en place le matériel qui va servir à faire la démonstration sur la production de l'énergie solaire. Une expérience qui va attirer beaucoup de curieux. La passion de la lycéenne est l'astrophysique et son rêve est de faire de la recherche dans cette discipline. Son adhésion au club, où elle s'adonne à l'astronomie, l'a beaucoup aidée dans ses études. Cela lui permet de mieux maîtriser les matières scientifiques et de nourrir l'espoir de réussir haut la main au baccalauréat, l'an prochain, et d'obtenir une bourse pour aller à l'étranger étudier l'astrophysique. Des inventeurs en herbe Devant une foule de curieux, les membres du Club jeunes sciences de la cité El Khadhra vont proposer diverses expériences scientifiques toutes en rapport avec la protection de l'environnement telles que le tri sélectif et le recyclage du papier. «Notre but est la sensibilisation des jeunes à l'importance de la science dans la préservation de l'environnement», explique un des animateurs, M. Jalel Ben Haj Mokhtar. Le principe de la manifestation : la sensibilisation faite par des enfants pour les enfants. Hammadi Dridi, 17 ans, élève au lycée Sidi Hassine, adhérent au Club jeunes sciences de l'avenue Habib-Bourguiba, est rompu aux manipulations scientifiques. Son rêve est de devenir ingénieur et il n'est pas loin de l'être : il a réussi à faire fonctionner un poste radio à l'énergie solaire. Son œuvre, bricolée avec des outils usagés, ne laissent pas indifférents les passants qui tendent l'oreille pour percevoir les décibels. Zeïneb Ben Abdallah n'a que 9 ans et elle a déjà fabriqué une éolienne avec seulement du carton et du plastique. Et ça marche. Zeïneb sait que cet engin permet d'économiser de l'énergie mais elle ne sait toujours pas quel métier faire plus tard, peut-être une directrice d'école et encadrer un club de l'environnement comme celui de son école où elle aime passer beaucoup de son temps libre. Pour Ichraq, 7 ans, l'important est de ne pas encombrer la nature par les déchets. D'ailleurs, en vertu du principe écologique «rien ne se perd tout se récupère», un paquet de lait vidé de son contenu et peint en diverses couleurs gaies peut servir de vase, de pot ou carrément de veilleuse. Attirer l'attention Les associations environnementales ont focalisé leur participation surtout sur la sensibilisation du large public aux problèmes environnementaux. C'est le cas de l'Association de développement durable de Zriba (Addci) dont les membres ont fait le déplacement pour tirer la sonnette d'alarme, encore une fois, et attirer l'attention sur l'épineux problème des montagnes de déchets miniers dans la région de Zriba. Un problème aussi compliqué que celui du phosphogypse à Gabès et qui nécessite une intervention rapide. Les défenseurs de la région de Zriba ont procédé à une collecte de signatures auprès des visiteurs et des passants afin de sensibiliser l'opinion publique et les autorités concernées. L'union des jeunes volontaires propose, quant à elle, des excursions, le 17 juin, vers diverses régions tunisiennes dans le but de faire une campagne promotionnelle pour le tourisme intérieur et les sites écotouristiques comme les réserves et les parcs nationaux. L'association Emel Tounes, ciblant la collecte des bouchons en plastique, joint le social à l'environnemental. Les déchets collectés sont proposés aux recycleurs du plastique qui, en échange, fournissent des fauteuils roulants pour handicapés que l'association se charge de distribuer. Dix tonnes de bouchons contre une vingtaine d'appareils. Pour 2013, la présidente de l'association vise des fauteuils roulants électriques, il faudra des quantités plus grandes de bouchons. Les visiteurs du stand sont invités à y contribuer. Pour l'association «Les enfants de la Terre», l'occasion est propice pour sensibiliser l'opinion publique aux maux de la nature et pour envoyer un message à la prochaine conférence des Nations unies pour le développement durable. La matinée aura été également culturelle: un spectacle pour enfants, du théâtre interactif portant sur le thème des déchets, un one woman show signé Leïla Brari, fondatrice de l'association Eco-Atfel pour la culture et la citoyenneté environnementale. Une charte de 150 mètres Elles étaient 25 associations à vocation scientifique et/ou environnementale à participer à cette manifestation qui fait partie d'un large programme concocté par le ministère de l'Environnement à l'occasion de la célébration le 5 juin de la Journée mondiale de l'environnement. «Mais cette rencontre, ludique et interactive, est une idée de la société civile, que le ministère a approuvée et soutenue en fournissant la logistique nécessaire», affirme M. Boubaker Houmane, universitaire, président de Randet et vieux routier de l'action associative environnementale. L'objectif de ces associations : aller vers le grand public pour le sensibiliser, intéresser les jeunes et les enfants et établir des liens avec les clubs de l'environnement, censés exister dans toutes les institutions éducatives, en vue d'élaborer des programmes de coopération. Le clou de la manifestation est la confection d'une charte sur un bout de tissu blanc long de 150 mètres où tous les enfants sont conviés à y marquer, soit par l'écriture soit par le dessin, leur vision de l'environnement et surtout leurs attentes pour des lendemains meilleurs. Une charte similaire, mais longue seulement de 50 mètres, devait être écrite hier dans chacun des autres gouvernorats du pays. Pour que cette manifestation un peu particulière ne reste pas sans lendemain et que la science parle aussi pour la Tunisie post-révolution, un bout de cette charte mériterait de faire partie des bagages de la délégation qui va représenter la Tunisie à Rio+20 pour que la voix des enfants tunisiens soit entendue par la communauté internationale.